Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

‘Abd al-‘Azīz III ibn Sa‘ūd (suite)

En 1913, il profite des difficultés européennes de l’Empire ottoman pour occuper le Ḥasā, avec l’accord de l’Angleterre, et placer sous son contrôle une bonne part du littoral arabe du golfe Persique. Roi du Nadjd et du Ḥasā, il entreprend de fixer les nomades et de substituer en Arabie la notion de patrie à celle de tribu. Il réussit, non sans difficultés, à installer sur les points d’eau des colonies agricoles à caractère religieux et militaire : les ikhwān, ou « frères ». Celles-ci ne tardent pas à constituer une armée d’autant plus efficace qu’elle se propose pour mission la diffusion de la doctrine wahhābite dans toute la péninsule arabique. ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd compte sur cette armée de puristes pour occuper le Hedjaz et enlever au chérif de La Mecque, Ḥusayn ibn ‘Alī, la garde des villes saintes. Mais l’éclatement de la Première Guerre mondiale en 1914 vient gêner ce projet. Pour contrôler la mer Rouge et assurer la sécurité de la route des Indes, les Anglais gagnent à leur cause le chérif de La Mecque, qui proclame à la fin de 1916 son indépendance à l’égard de la Turquie et se range aux côtés des Alliés. Forts de la protection de la Grande-Bretagne, les Hāchémites sont à l’abri des attaques de ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd. Mais les vexations et les persécutions exercées par Ḥusayn contre les wahhābites du Hedjaz ne sont pas sans irriter les ikhwān. ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd détourne la colère de l’armée contre les Rachīdites. En 1921, il les chasse définitivement de Ḥā’il et intègre le territoire du Chammar à son royaume. À la fin de la guerre, le royaume de ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd se trouve encerclé par les Hāchémites, installés non seulement au Hedjaz, mais aussi en Iraq et en Jordanie, et qui, de surcroît, jouissent de la protection de la Grande-Bretagne. Dans ces conditions, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd ne peut pas poursuivre la conquête de l’Arabie.


L’occupation du Hedjaz et du ‘Asīr, et la proclamation de l’Arabie Saoudite

En 1924, profitant de la réduction des troupes anglaises au Moyen-Orient et de la détérioration des rapports de Ḥusayn avec ses protecteurs, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd entre à La Mecque. En janvier 1926, la conquête du Hedjaz étant achevée, il est proclamé roi de ce territoire. Après le Hedjaz, il occupe le ‘Asīr et se dirige vers le Yémen. Mais les Anglais s’opposent à l’occupation de ce pays, qui est un glacis pour Aden, escale importante sur la route maritime des Indes et possession britannique depuis 1839. Pour éviter des difficultés avec l’Angleterre, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd se désintéresse non seulement du Yémen, mais aussi de l’Hadramaout, de l’Oman, de l’Abū Ẓabī, du Qaṭar, etc. En échange, son autorité est reconnue sur le Hedjaz et le ‘Asīr. En 1932, il réunit à Riyāḍ une « Assemblée générale des pays arabes », où toutes les tribus et les villes du royaume sont représentées, et proclame la fusion du Nadjd, du Ḥasā, de Ḥā’il, du Hedjaz et du ‘Asīr en un seul et même État, l’Arabie Saoudite, dont il devient le premier souverain.

De cet immense territoire, le roi se propose de faire une nation moderne. Il lui faut tout d’abord rétablir l’ordre au Hedjaz, afin d’assurer la sécurité des pèlerins. Pour cela, il applique une législation draconienne fondée sur la peine du talion. Une fois l’ordre public rétabli, il se préoccupe des conditions dans lesquelles s’effectuent les pèlerinages. Il assure la propreté et l’hygiène des villes saintes, et institue des conseils municipaux dans les principales villes du Hedjaz. Il est vrai que les taxes prélevées sur les pèlerins constituent l’essentiel des ressources de l’État.


La modernisation des institutions politiques

Parallèlement, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd entreprend de doter le pays d’institutions modernes. Il décide de nommer des ministres responsables à la tête de départements spécialisés. Faute de cadres compétents, il n’hésite pas, pour assurer la bonne marche de ces ministères, à faire appel à des Arabes d’Égypte, de Palestine, de Syrie, du Liban, d’Iraq et de Transjordanie. Il se réserve l’administration des ikhwān, qu’il dote d’armes modernes et d’instructeurs européens.

Cette politique provoque l’hostilité des ulémas (docteurs de la loi), opposés à toute innovation et à toute modernisation.


Le développement de l’agriculture

Mais, pour le roi, le véritable handicap à la modernisation réside dans la pauvreté du pays. Très vite, il entreprend de promouvoir son développement économique. Il faut pour cela résoudre le problème de l’eau, essentiel dans un pays composé en majeure partie de déserts. ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd fait appel à des hydrographes américains, dont les forages permettent la découverte d’importantes réserves d’eau. Cela, ajouté à la réfection de puits abandonnés et à la construction d’aqueducs et de canaux à travers le désert, favorise le développement de l’agriculture. Pour mieux exploiter les ressources du pays, le roi fait venir des ingénieurs agronomes des États-Unis et multiplie les colonies agricoles.


Le pétrole et les compagnies américaines

En 1930, des prospecteurs américains découvrent dans le Ḥasā d’importantes nappes de pétrole. Le pays est alors convoité par les grandes puissances étrangères, et son histoire se confond désormais avec celle du pétrole au Moyen-Orient. Le roi n’accepte pas de vendre son territoire, mais consent à le louer pour une durée limitée à une compagnie américaine, la Gulf Oil Company, qui lui verse immédiatement 250 000 dollars et s’engage à lui garantir dans l’avenir une redevance de 18 cents par baril de pétrole exporté d’Arabie. En 1933, la Gulf Oil Company vend sa concession à une autre société américaine, la Standard Oil de Californie, qui s’associe, en 1936, à la Texas Oil pour fonder l’Arabian Oil Company. Pour tenir tête à la concurrence des trusts pétroliers anglais du Moyen-Orient, la nouvelle compagnie prend énergiquement en main l’exploitation du Ḥasā. Aussi, la production du pétrole passe-t-elle de 8 000 t en 1937 à 700 000 t en 1940 et 12 300 000 t en 1947. En 1945, au cours d’une entrevue avec Roosevelt, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd accepte d’autoriser l’installation d’une base américaine sur la côte du Ḥasā et d’accorder aux États-Unis le monopole de l’exploitation du pétrole en Arabie Saoudite. L’Arabian Oil Company reçoit, pour une période de soixante ans, une nouvelle concession qui s’étend sur un territoire couvrant 1 500 000 km2. Et le roi consent à la construction d’un gigantesque pipe-line long de 1 750 km — le Trans-Arabian Pipeline (Tapline) — destiné à relier le bassin pétrolifère du Ḥasā à un port de la Méditerranée orientale, Ṣaydā (Liban). À la fin de 1946, la Standard Oil de Californie et la Texas Oil offrent, sous la pression du gouvernement américain, à la Standard Oil de New Jersey et à la Socony Vacuum une participation de 40 p. 100 dans l’Arabian American Oil Company (Aramco), qui succède à l’Arabian Oil Company. Cette compagnie, qui comprend désormais les groupes financiers les plus puissants des États-Unis, entreprend une exploitation intense du Ḥasā. La production du pétrole double entre 1947 et 1950.