artillerie (suite)
L’artillerie dans le cadre de la guerre nucléaire
L’apparition, à partir de 1953-1955, des armes atomiques tactiques allait bouleverser cette relative stabilisation de la longue histoire de l’artillerie. En mai 1953, l’armée américaine exécutait au Nevada le premier tir par canon d’un projectile muni d’une charge nucléaire de 20 kt. D’un calibre de 280 mm, porté par trucks, le canon atomique tirait à 32 km soit un obus atomique de 450 kg, soit un projectile de type classique de 360 kg. Ce canon sera suivi d’autres modèles — tels l’obusier automoteur de 203 mm M 108 et le canon de 175 mm — et surtout de la généralisation de l’emploi par l’artillerie de roquettes et de missiles susceptibles eux aussi d’être équipés d’ogives atomiques.
La roquette la plus courante, qui arme les divisions françaises depuis leur réorganisation en 1959, est la roquette américaine Honest John (d’une portée de 4 à 40 km), qui doit faire place rapidement au missile tactique sol-sol « Pluton », dont la portée prévue est de 120 km.
Ainsi le feu nucléaire tactique, susceptible de renverser brutalement le rapport des forces en présence, devient l’élément essentiel de la manœuvre d’ensemble des armes. L’emploi de ces projectiles atomiques, qui augmentent singulièrement l’ampleur et la profondeur du champ de bataille, nécessite une recherche de plus en plus lointaine du renseignement. Aux procédés classiques utilisés pour fouiller le terrain sur une profondeur d’une dizaine de kilomètres, se sont ajoutés des moyens modernes permettant de pousser des reconnaissances jusqu’à plus de 100 km à l’intérieur du dispositif adverse. À cet effet, à côté des radars d’artillerie sol-sol, dont les portées ne dépassent pas l’horizon visible, on a mis au point des missiles de reconnaissance (tel l’engin français R 20) munis de la télévision et d’appareils photographiques destinés à effectuer des incursions programmées sur une profondeur pouvant atteindre 150 km.
Une telle révolution devait se traduire au niveau de l’organisation de l’artillerie. Elle affecte directement le rôle de l’artillerie divisionnaire, qui est devenue non seulement le plus petit échelon de mise en œuvre des feux nucléaires, mais aussi l’échelon le plus élevé à employer encore le feu des projectiles classiques.
En raison notamment du phénomène de l’escalade, qui fait que l’emploi des feux nucléaires demeure toujours étroitement lié aux décisions prises par les échelons les plus élevés du commandement, l’artillerie classique conserve en de nombreux cas une valeur essentielle au combat. Sa souplesse, sa mobilité (ses pièces sont aujourd’hui toutes montées sur affût automoteur), la précision de son tir et la permanence de ses feux font qu’elle demeure un élément indispensable dans la conduite de la bataille terrestre. Toutefois, en raison de la puissance de feu unitaire de l’artillerie nucléaire, la densité de l’artillerie classique a considérablement diminué, et n’a plus rien de comparable avec celle que connurent les deux guerres mondiales.
A. D. et R. S.
➙ Arme / Canon / Missile / Nucléaire / Tir.
I. Favé, Étude sur le passé et l’avenir de l’artillerie (Dumaine, 1862-1863 ; 2 vol.). / Général Challeat, l’Artillerie de terre en France pendant un siècle, 1816-1910 (Charles-Lavauzelle, 1935 ; 2 vol.). / A. Duvignac, Motorisation de l’artillerie (Berger-Levrault, 1938). / Les Canons. Histoire illustrée de l’artillerie (Edita, Lausanne, 1971).