Poincaré (Henri) (suite)
En analyse, son plus beau titre de gloire réside dans la découverte des fonctions, qu’il appelle fuchsiennes en l’honneur de Lazarus Fuchs (1833-1902). Ces fonctions sont des généralisations des fonctions elliptiques. Appelées aujourd’hui fonctions automorphes, elles sont invariantes pour certains groupes d’application du plan de la variable complexe sur lui-même, groupes qui jouent un rôle très important en géométrie non euclidienne. Les fonctions automorphes permettent d’exprimer les solutions de toute équation différentielle linéaire à coefficients algébriques et résolvent en même temps le problème de l’uniformisation des fonctions algébriques.
Poincaré, qui fut toujours très attaché aux applications des mathématiques à la mécanique et aux sciences physiques, avait été amené à sa grande découverte par l’étude des équations différentielles, si fréquentes dans les applications. Ses travaux de mathématiques appliquées à la physique portent surtout sur les équations aux dérivées partielles. En ce domaine, Poincaré a introduit des méthodes nouvelles qui n’ont pas encore donné tous leurs résultats et restent ainsi d’actualité.
En physique proprement dite, il s’est notamment penché sur la polarisation de la lumière par diffraction, les ondes hertziennes et la théorie de Lorentz, où il préfigure certains aspects de la relativité restreinte. Il possède tous les éléments de cette théorie en 1904, à la veille des travaux décisifs d’Albert Einstein*. Il approfondit toutes les difficultés de l’électrodynamique des corps en mouvement, les artifices du temps local de Hendrik Antoon Lorentz* et de la contraction de George Francis Fitzgerald (1851-1901) pour tenir compte des résultats négatifs de l’expérience d’Albert Michelson (1852-1931). Il adhère pleinement au principe de relativité comme loi générale de la nature. Mais, s’il s’approche des conceptions d’Einstein, il n’a pas l’audace nécessaire pour franchir le pas et nier par exemple la simultanéité absolue, à distance, des phénomènes.
En mécanique des fluides, il publie en 1885 le résultat de ses recherches sur les figures d’équilibre relatif que peut affecter une masse fluide homogène dont toutes les molécules s’attirent conformément à la loi de Newton et qui est animé d’un mouvement de rotation uniforme autour d’un axe. Il s’occupe encore du problème des marées et surtout du célèbre et difficile problème des trois corps : étudier les mouvements de trois masses ponctuelles soumises à leurs seules attractions mutuelles suivant la loi de Newton. Lorsqu’en 1889 le roi de Suède Oscar II institue un concours international où le problème des n corps est proposé, il y voit une occasion de préciser ses recherches. Il se trouve, d’ailleurs pour la seule fois de son existence, devant la nécessité de présenter en un temps limité un travail s’achevant par des conclusions définies. Ces circonstances contribuent à la perfection du mémoire élaboré : Sur le problème des trois corps et les équations de la dynamique. Ce mémoire, qui remporte le prix, est un des sommets de la pensée mathématique.
Enfin, Poincaré s’est intéressé à la théorie des nombres, au calcul des probabilités et surtout à la topologie, où il a laissé une marque indélébile de son génie.
Son œuvre philosophique est constituée d’articles de revues qui, réunis en plusieurs volumes (la Science et l’hypothèse [1902], la Valeur de la science [1905], Science et méthodes [1909], Dernières Pensées [1913]), eurent une profonde influence sur le grand public cultivé et les milieux enseignants. Bénéfique dans l’ensemble, cette influence gêna cependant la pénétration dans l’enseignement français de l’axiomatique et des idées voisines, que seule l’action du groupe Bourbaki, à partir de 1930, finit par imposer. (Acad. des sc., 1887 ; Acad. fr., 1908.)
J. I.