Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

pigment

Substance chimique qui communique des colorations diverses aux tissus des êtres vivants.


De nature diverse, le pigment absorbe certaines ondes lumineuses et reflète les autres. Il se rencontre en général à l’état dissous, mais parfois aussi à l’état cristallisé, ou sous forme de grains amorphes.

Certains pigments assument des rôles fonctionnels très importants, telles les chlorophylles et les hémoglobines, alors que d’autres, comme les anthocyanes des plantes, ne possèdent apparemment qu’une fonction ornementale ou favorisent la pollinisation des fleurs par les insectes.


Les diverses catégories de pigments


Caroténoïdes

Pigments jaunes ou rouges très répandus chez les végétaux et les animaux, ce sont des hydrocarbures non saturés, non azotés, que l’on considère comme dérivant de la polymérisation de l’isoprène. Ils sont insolubles dans l’eau, mais dans les organismes on les trouve presque toujours dissous dans les lipides, formant ainsi ce que l’on appelait autrefois des « lipochromes ». Dans les chloroplastes des végétaux, on trouve deux caroténoïdes importants : le carotène et la xanthophylle.

Il existe d’étroites relations entre le β-carotène et la vitamine A1 (axérophtol ou rétinol), dont l’aldéhyde, le rétinène (ou rétinal), est le pigment chromophore qui, associé à une protéine, l’opsine, forme la rhodopsine, ou pourpre rétinien, pigment photosensible qui, dans les bâtonnets de la rétine, transforme l’énergie lumineuse en excitation nerveuse.


Pigments anthraquinoniques

Connus depuis la plus haute antiquité, ils sont largement répandus dans le règne végétal et caractérisent certaines familles d’Insectes Homoptères (Coccides, Aphides). Ils comprennent certains pigments rouges comme celui de la Cochenille, du Kermès ou du Puceron lanigère.


Anthocyanes

On groupe sous ce nom une multitude de pigments végétaux qui ont entre eux d’étroites relations (hétérosides phénoliques) ; ils se retrouvent fréquemment chez les Insectes phytophages. Ce sont des pigments rouges, violets ou bleus, la couleur variant suivant la valeur du pH. Ils sont responsables de la couleur de nombreuses fleurs (Bleuet, Pied-d’Alouette, Pélargonium, etc.), de fruits (raisins, cerises, framboises, etc.), de racines (Betteraves, etc.).


Ptérines

Ces pigments azotés de la série purique ont d’abord été détectés dans les ailes de divers Papillons, d’où leur nom général : leucoptérine blanche des Piérides, xanthoptérine jaune des ailes des Papillons Citron et du corps de diverses Guêpes, érythroptérine rouge des ailes de divers Papillons. Notons que le rouge du corps de certains Hyménoptères (Ichneumonides et Sphégides) n’est pas dû à l’érythroptérine, mais à une mélanine plus ou moins rougeâtre.


Flavines ou lyochromes

Ces pigments jaunes sont très largement répandus chez les animaux, les végétaux, les Bactéries. Bien connus chimiquement, ils comportent un noyau hétérocyclique à 3 cycles. La flavine naturelle la plus répandue et la mieux connue est la riboflavine. La d-riboflavine est identique à la vitamine B2.


Pigments tétrapyrroliques

D’une importance exceptionnelle dans le monde vivant, ils ont un noyau formé de quatre groupes pyrroliques. Les plus simples ont un seul noyau tétrapyrrolique (porphyrine), les autres possèdent en outre un groupement métallique qui leur permet de jouer un rôle dans le transport de l’oxygène (pigments dits « respiratoires ») ou dans la nutrition carbonée des végétaux supérieurs : fer pour les hémoglobines et leurs dérivés, pigments biliaires et urinaires, ainsi que pour les cytochromes ; magnésium pour la chlorophylle ; cuivre pour les hémocyanines des Crustacés.


Mélanines

Ces pigments jaunes, bruns, noirs, très résistants aux agents chimiques, sont très répandus des Invertébrés aux Vertébrés. Il existe une multitude de mélanines naturelles. Leur constitution est loin d’être élucidée, mais leur mode de production a pu être précisé et l’origine fermentaire bien établie. La mélanogenèse nécessite trois facteurs dont le concours est indispensable : une substance phénolique (chromogène, propigment) ; une ou plusieurs enzymes (tyrosinase, dopaoxydase) ; de l’oxygène.


Ommines et ommatines

On a mis en évidence ces pigments dans les yeux des Insectes, d’où leur nom.

La constitution de beaucoup de pigments animaux est encore mal connue, ou même complètement inconnue (pigment brun rouge des Criquets, pigment rouge des Vanesses, beaucoup de pigments verts). Notons que la coloration verte de l’hémolymphe des Punaises n’est pas due à un pigment, mais au mélange d’une anthocyane bleue et d’une xanthoptérine jaune.

R. H.


Les pigments humains

Les pigments humains sont la bilirubine (v. bile), l’hémoglobine (v. hématie) et la mélanine. C’est à cette dernière qu’est due la couleur normale de la peau. L’épiderme est le siège des éléments cellulaires formateurs de mélanine. Ces cellules, dites « cellules claires de Masson », parsèment la couche basale et les bulbes pileux. On les appelle encore mélanocytes ou mélanoblastes. Seule la mise en évidence de la dopa (di-oxy-phényl-alanine) permet d’identifier les cellules effectuant la mélanogenèse (on les dit « dopapositives »). L’imprégnation argentique peut toutefois déceler d’autres cellules chargées de mélanine : ce sont des « cellules balayeuses » qui déversent dans le derme le trop-plein de pigment (mélanophores, histiocytes mélanophages).

Exception faite pour la rétine, dont la mélanine arrête les rayons lumineux, il est difficile d’attribuer un rôle protecteur au pigment cutané. Les Noirs sont presque autant exposés aux coups de soleil que les Blancs, et le problème du pigment est encore loin d’être résolu. Le degré de pigmentation cutanée est un caractère différentiel important des races* humaines.


Pathologie du pigment cutané

• Les mélanoses. Ce sont des hyper-pigmentations dues à une surcharge tégumentaire en mélanine et plus rarement en pigment ferrique (pigment ocre) par désintégration de l’hémoglobine. Les causes sont multiples. Le soleil, les ultraviolets ainsi que les rayons caloriques (infrarouges) brunissent la peau (v. dermatoses), les rayons X pigmentent la zone irradiée. À la longue, des pressions exercées par le col, la ceinture, les bandages, etc., provoquent une marque pigmentée. Nombreuses sont les maladies cachectisantes susceptibles par troubles endocriniens de déterminer des mélanoses diffuses : tuberculose, paludisme chronique, amibiase, kala-azar. La syphilis* secondaire comporte des manifestations dyschromiques. Il en est de même pour la lèpre* tuberculoïde.

La mélanodermie des vagabonds prédomine à la nuque, au dos, à la ceinture, aux emmanchures postérieures. Elle est due à la phtiriase (Poux) floride et chronique. La phtiriase du pubis (Morpions) est plus discrète, et les « taches ardoisées » sont à rechercher sur l’abdomen et les cuisses.

La mélanose arsenicale d’origine thérapeutique ou professionnelle est de teinte gris brunâtre, non uniforme, mais tachetée ou réticulée. La preuve peut en être faite par le dosage de l’arsenic dans les cheveux ou les urines.