Lisbonne

en portugais Lisboa

Lisbonne
Lisbonne

Capitale du Portugal, sur la rive droite du Tage (formant en amont la mer de Paille).

  • Population : 547 733 hab. (recensement de 2011)
  • Nom des habitants : Lisbonnins, Lisbonnais ou Lisboètes
  • Population pour l'agglomération : 2 869 000 hab. (estimation pour 2014)

GÉOGRAPHIE

1. Le cadre physique

Lisbonne doit sa fortune à la remarquable situation de son site portuaire. La basse vallée du Tage, établie sur le flanc nord d’un vaste synclinal, est envahie par un bras de mer, la mer de Paille, dominée sur sa rive droite par le rebord abrupt d’un plateau tournant une ample convexité au sud, tandis que la rive gauche est basse et profondément indentée. Ce bras de mer est bien protégé du large par un goulet étroit (2 km), mais profond de plus de 10 m, permettant l’accès de navires de fort tirant d’eau. Dans un pays étiré du nord au sud, où les fleuves descendus de la Meseta espagnole constituent des obstacles difficilement franchissables, ce site portuaire, souvent comparé à celui de Constantinople, occupant une position relativement centrale, a favorisé la fonction de capitale de Lisbonne en facilitant les relations par mer avec les autres provinces. Mais, à cette fonction nationale, Lisbonne a ajouté des siècles durant un rôle international de premier plan qu’explique sa position dans un tournant du littoral de l’Europe, à la fois près de la Méditerranée et de la mer du Nord, non loin de l’Afrique occidentale, regardant l’Amérique et ouvrant l’accès facile de son estuaire immense à la mer sillonnée en tous les sens par les bateaux de tous les pays transportant, depuis le xvie siècle, les produits de tous les climats.

Le climat de Lisbonne est méditerranéen, avec des précipitations assez moyennes (708 mm par an), qui tombent surtout de septembre à mai, et des températures qui oscillent entre 23 °C en juillet et 11 °C en janvier, pour une moyenne annuelle de 16 °C.

2. La croissance historique de la ville

La ville s’est développée à partir du château São Jorge, perché sur un promontoire du plateau à 111 mètres d’altitude, en un site défensif tourné vers le sud. La vieille ville, aux rues escarpées, tortueuses et étroites, escalade les flancs de cet oppidum. La partie située au sud du château jusqu’à la cathédrale était enceinte d’épaisses murailles, la Cerca Moura des Arabes ; au-delà s’étalaient à l’ouest et au sud-est les anciens faubourgs, dont l’Alfama conserve le souvenir.

Après la Reconquête, en 1255, Lisbonne était choisie comme capitale de la royauté portugaise. Les musulmans demeurés fidèles à leur religion furent alors regroupés au nord du château São Jorge, dans la Mouraria, et la ville se développa principalement vers l’ouest dans la large vallée qui entaille le rebord du plateau au pied du château. En 1375, une nouvelle ceinture de murailles, la Cerca Fernandina, entoura la ville, mais fut rapidement débordée vers l’ouest au fur et à mesure que l’activité commerciale croissait.

Il ne reste rien de ces quartiers, qui furent détruits en 1755 par un violent tremblement de terre et l’immense incendie qu’il déclencha. Le marquis de Pombal, ministre de Joseph Ier, fit reconstruire la ville basse suivant un plan en damier, un peu monotone, entre le Rossio, vaste place centrale qui sert de nœud de communications, et la monumentale place du Commerce, qui, avec les ministères, la grande poste, les douanes et la Bourse, est le centre des affaires et ouvre sur le Tage (avec, de part et d'autre, le Bairro Alto et l'Alfama au pied du château São Jorge) une superbe perspective.

3. La ville aujourd'hui

La ville, très compartimentée, s’est développée à la fois vers le nord et vers l’ouest. Les quartiers centraux, les plus densément bâtis, enveloppent la vieille ville, d’Alcantara à l’ouest à Xabregas à l’est, en un tissu urbain rendu complexe par le relief escarpé et que divise en deux la large avenue de la Liberté, tracée en ligne droite du Rossio à la place de Pombal, dans l’axe de la vallée où s’est logée la ville basse. Les quartiers périphériques, situés sur le plateau, s’ordonnent à l’intérieur de la ceinture de la voie ferrée en un plan plus simple aéré de nombreux parcs.

Les faubourgs s’étirent en étoile le long des grands axes de communication. Depuis 1938, dix quartiers de logements sociaux (bairros sociais) ont été construits, dont le plus important est celui d’Alvalade. Mais l’extension a été beaucoup plus rapide le long de la mer de Paille, où elle atteint Vila Franca de Xira, ainsi qu’en bordure du goulet du Tage, où elle a dépassé la célèbre tour de Belém. Dans cette dernière direction, aux quartiers populaires voisins du port succèdent de luxueux quartiers résidentiels jusqu’aux plages d’Estoril et de Cascais.

La ville, dont le centre historique a été gravement ravagé par un incendie en 1988, a été réaménagée à l'occasion de l'Exposition mondiale de 1998 (parc des Nations, avec son Océanorium).

La croissance de Lisbonne est liée davantage à ses fonctions économiques que politiques et intellectuelles, bien qu'elle compte de remarquables bibliothèques et un archevêché. L’activité industrielle surpasse aujourd’hui l’activité commerciale qui a fait sa fortune.

3.1. Le franchissement du Tage et ses difficultés

La difficulté de franchissement du Tage explique cette dissymétrie du développement urbain sur les deux rives. Le premier pont de chemin de fer est situé à Setil, à quelque 60 km en amont de Lisbonne, et, jusqu’en 1951, le pont routier le plus proche se trouvait à Santarém, à 70 km. À cette date, un pont suspendu fut lancé au-dessus du fleuve à Vila Franca de Xira, à 30 km du centre de Lisbonne, et ce n’est qu’en 1966 que les deux rives du goulet furent enfin reliées par un grand pont. Long de plus de 2 km, cet ouvrage prend appui au sud sur des collines voisines du hameau de Pragal et reste suspendu au-dessus de la rive nord, où un viaduc le prolonge jusqu’au fond du vallon d’Alcantara, en surplomb sur des quartiers ouvriers. Desservi par des autoroutes et des voies de dégagement, ce pont tente de rééquilibrer l’agglomération de part et d’autre du Tage et d'améliorer les relations de la ville avec le sud du pays.

Ce n’est qu’au début du xxe siècle que la ville a débordé sur la rive gauche du Tage. Les industries qui y ont été implantées, faute de place sur l’autre rive, ont servi de noyaux de fixation aux populations ouvrières. L’agglomération y est encore discontinue de Trafaria à l’ouest à Alcochete à l’est ; les principaux centres sont Barreiro, Seixal, Almada et Cacilhas.

Le métro a été installé en 1959, un pont a été lancé sur le Tage en 1966 vers la rive sud, qui regroupe les établissements industriels (sidérurgie à Seixal, chimie à Barreiro, chantiers navals). La rive nord concentre les points d'attrait touristique (Belém et les stations littorales de la presqu'île de Sintra).

Un deuxième pont, le pont Vasco-de-Gama, inauguré en 1998, franchit le Tage au nord de Lisbonne. L'aéroport international (Portela) est au N.-E. de la ville.

3.2. Le port

Bien que port soit le plus grand du pays, il n’occupe plus, en effet, qu’une place modeste dans l’Europe occidentale depuis qu’il a perdu son rôle de marché international de redistribution. Il reste cependant un important port de voyageurs au long cours. Le trafic est fortement déséquilibré : les entrées dépassent de loin les sorties. Aux importations dominent les produits pétroliers, le charbon, des matières premières et des produits semi-ouvrés destinés aux industries ; en dehors du Moyen-Orient, fournisseur de pétrole brut, l’essentiel de ces importations provient d’Europe occidentale. Les produits alimentaires constituent l’autre part notable des importations. Lisbonne achète non seulement des produits tropicaux aux colonies portugaises, mais aussi des céréales en complément de la production portugaise déficiente. Les sorties consistent principalement en une redistribution des marchandises débarquées vers les autres ports lusitaniens, Porto en tête. Le reste est destiné aux colonies et à l’Europe occidentale, auxquelles sont vendus des produits peu valorisés : bois, liège, résine, ciment, matériaux de construction, superphosphates, vins...

L'HISTOIRE DE LISBONNE

Depuis son origine, Lisbonne vit avant tout sous le signe du commerce : Ulisipo, puis Olisipo fut une escale sur les routes maritimes de l'Antiquité, Felicitas Julia un carrefour de voies romaines, puis al-Uchbuna un gros centre commercial musulman. Située en dehors du comté primitif, reconquise puis perdue par les chrétiens, la ville n'a été occupée définitivement par les Portugais qu'en 1147. C'est au milieu du xiiie s. qu'Alphonse III en fit la capitale de son royaume ; mais d'autres cités, Évora par exemple, lui disputèrent un temps ce rôle. Coimbra lui a ravi le rôle de capitale universitaire ; Braga revendique la primauté dans le domaine ecclésiastique ; mais aucune ville n'a pu, tout au long de l'histoire portugaise, supplanter Lisbonne, capitale politique certes, mais surtout capitale économique du monde portugais.

La fortune de Lisbonne est liée essentiellement à son port, comme en témoigne sa prospérité aux Temps modernes. Dès le xive s., Lisbonne était un port actif, accueillant chaque année 400 à 500 navires. En transférant dans la capitale la Casa da Guiné créée par Henri le Navigateur à Lagos, la royauté a fait de Lisbonne la métropole du commerce atlantique. Au fur et à mesure que s'étendent les conquêtes affluent à Lisbonne l'or d'Afrique, les épices d'Orient, le sucre brésilien et les produits européens offerts en contrepartie. La liberté du commerce avec le Brésil a pu, un bref moment, favoriser d'autres ports ; mais les dangers de la guerre sur mer ont contraint à revenir au système des convois, pour le plus grand profit de Lisbonne comme au temps du monopole royal. En 1796, elle assurait encore les quatre cinquièmes du commerce impérial.

La croissance de la ville reflète l'activité du port : 60 000 habitants en 1415, au début de l'expansion ; 100 000 habitants en 1550 ; 165 000 habitants en 1619. Au xvie s., tant par sa richesse que par le nombre de ses habitants, Lisbonne figure parmi les premières villes d'Europe. Les 15 ha de la ville wisigothique, les 100 ha du xiiie s. sont depuis longtemps insuffisants. Des rives du Tage, la ville déborde largement sur les flancs des collines. Mais, au xviiie s., un terrible désastre affecte cette ville prospère. Le 1er novembre 1755, un très violent séisme – sans comparaison avec ceux que Lisbonne avait déjà subis en 1344 et en 1531 – ruine les bas quartiers commerçants, faisant plus de 30 000 morts. De ce malheur naquit une ville nouvelle, édifiée sur les plans d'Eugênio dos Santos, la Lisbonne de Pombal, avec un large front de mer sur l'admirable site portuaire qu'offre la « mer de Paille ».

L'empire colonial disparu, Lisbonne en est réduite, au début du xixe s., au rôle de simple capitale politique, et cela dans un pays qui connaît bien des difficultés. Il semblerait même qu'elle ait abandonné à Porto, la métropole du Nord, le rôle de capitale industrielle. De 1801 à 1864, la population de la ville stagne aux alentours de 200 000 habitants. Depuis un siècle, l'essor démographique, largement alimenté par une forte migration rurale, a repris à un rythme accéléré. Certes, la ville à proprement parler compte moins de 700 000 habitants, et certaines paroisses comme Carnide ou Charneca ont encore un caractère rural ; mais Lisbonne déborde largement sur les concelhos voisins, où se sont créées des cités dortoirs. Dans la ville même, le secteur tertiaire (commerce, banque, fonction publique) s'est considérablement développé ; sur la rive sud du Tage se sont créés de gros centres industriels : Seixal, Cacilhas, Almada et surtout Barreiro. Depuis 1966, un pont joint les deux parties d'une grande agglomération qui, débordant la Lisbonne historique ou les 82 km2 de la cité officielle, s'étale largement sur les deux rives du Tage. En 1988, un incendie a gravement endommagé le cœur de la vieille ville.

L'ART À LISBONNE

Le charme de la ville est fait de la diversité de ses monuments. Le tremblement de terre de 1755 a certes détruit l'essentiel de l'agglomération, mais l'architecture civile en était connue pour sa médiocrité, et les édifices notoires étaient heureusement situés pour la plupart hors de la zone la plus atteinte.

Le noyau médiéval est le château de São Jorge, bastion de la résistance mauresque, emporté par le roi Alphonse Ier Henriques en 1147. Il en reste une belle salle gothique, entourée de jardins créés dans l'enceinte wisigothique qui domine la ville à l'est. Tout autour s'étend l'Alfama, ancien quartier maure. La Sé (cathédrale) traduit une nette influence du style roman auvergnat (sensible aussi à Évora) dans son plan, son triforium et son portail de façade, tandis que le cloître cistercien est d'obédience bourguignonne ; le déambulatoire a été construit après le séisme de 1344.

Pendant le xve s., Lisbonne absorba les quartiers maures et juifs, s'étendit le long du Tage pour prendre son allure caractéristique. Mais l'enrichissement fabuleux qui avait suivi les grandes découvertes ne donnait lieu à aucun luxe architectural. Le roi avait quitté le vieux château São Jorge pour s'installer symboliquement au « Paço da Ribeira » (palais de la Rivière), une construction avec « peu de dessin et pauvre », relate un ambassadeur vénitien en 1504. Mais la Cour résidait souvent à Évora, où l'on construisait plus qu'à Lisbonne.

Après 1500 apparaissent les perles de l'architecture manuéline, le monastère des Hiéronymites et la tour de Belém. Construite par Francisco de Arruda (?-1547), celle-ci était autrefois isolée par les eaux du Tage ; elle ressemble aux tours du littoral marocain, connues du maître d'œuvre, mais est ornée comme le sont rarement les ouvrages de défense. Les architectes Boytac (ou Boytaca), d'origine languedocienne, et João de Castilho (1490-1581) construisirent l'église et le cloître du monastère des Hiéronymites, le premier dans une manière dynamique, multipliant les effets de torsion de câbles et de lianes enserrant piliers et voussures, le second traitant en style plateresque le répertoire de la Renaissance italienne. Le chœur, dû à João de Castilho, est surmonté d'une voûte finement quadrillée, d'une remarquable élégance.

La période de domination espagnole ne donna pas naissance à un style original : les façades d'églises de l'Italien Filippo Terzi (vers 1520-1597) sont d'un classicisme froid.

Après la catastrophe de 1755, la reconstruction dirigée par le marquis de Pombal donna naissance à une ville au plan régulier, aux façades et aux intérieurs d'une austère uniformité. Devant l'immensité de la tâche à accomplir, et la main-d'œuvre locale ne suffisant plus, on donna à fabriquer aux chantiers de province des éléments calibrés et interchangeables (pierres de taille, menuiseries, ferronneries). Cette expérience de préfabrication fut sans lendemain, mais elle explique l'aspect rigoureux de l'ensemble, réalisé par les architectes Eugênio dos Santos (1711-1760) et Carlos Mardel (?-1763), d'origine hongroise, secondés par les ingénieurs de l'Académie militaire. La praça do Comércio, centre de la ville neuve, est une grande réussite, comparable à celle des places monumentales édifiées à la même époque à Paris, Bordeaux, Copenhague. On y pénètre par un arc de triomphe d'un baroque tardif. Bordée d'arcades sur trois côtés, elle s'ouvre sur le Tage ; en son centre s'élève la statue de Joseph Ier, première statue équestre édifiée au Portugal. La reconstruction de Lisbonne exprime un rationalisme bourgeois, opposé au baroque capricieux du château de Queluz (près de la capitale). C'est l'œuvre de Pombal et non celle de la Cour, qu'il n'aimait guère.

Les nombreux musées de Lisbonne traduisent assez exactement l'histoire des arts au Portugal. Le musée d'Art ancien abrite une splendide collection de peinture portugaise des xve et xvie s. (polyptyque de Nuno Gonçalves). Les périodes suivantes sont surtout représentées par les écoles étrangères, italienne, flamande et hollandaise notamment ; il ne semble pas que l'évolution de la société portugaise à l'époque classique ait permis aux peintres et aux sculpteurs de s'élever au-dessus de la condition artisanale. Mais l'artisanat et les arts mineurs, florissants aujourd'hui encore, sont magnifiquement représentés au musée d'Art populaire, au musée des Arts décoratifs, charmante reconstitution d'une demeure seigneuriale des xviie et xviiie s., et au spectaculaire musée des Carrosses. Il faut signaler également le musée de la Fondation Gulbenkian, consacré aux collections de l'homme d'affaires C. Gulbenkian (peintures et objets d'art, notamment du xviiie s. français).