saumon

Saumons
Saumons

Nageurs infatigables du début à la fin de leur vie, les saumons du Pacifique parcourent plusieurs milliers de kilomètres aller et retour entre la rivière et la mer. Se nourrissant en eau salée, ils remontent les cours d'eau pour se reproduire, succombant sitôt après le frai dans la rivière où ils sont nés.

1. La vie du saumon

1.1. De la mer à la rivière

S'il franchit victorieusement tous les obstacles qui jalonnent la descente de la rivière où il est né, le jeune saumon parvient dans les estuaires et les côtes du Pacifique nord. Ces milieux sont riches d'une faune variée, car, très diversifiés, ils sont balayés par des courants et bénéficient en de nombreux endroits de la remontée en surface des eaux profondes et froides (« upwelling »), qui fait d'eux les zones parmi les plus productives du globe.

Une couleur due aux crustacés

Le saumon du Pacifique n'est pas difficile : il peut consommer tous les petits animaux marins, harengs ou crustacés – seul le saumon sockeye ou saumon rouge, Oncorhynchus nerka, se nourrit essentiellement de zooplancton, ou plancton animal. C'est d'ailleurs dans la carapace des crustacés que le saumon trouve le pigment caroténoïde orange, l'astaxanthine, qui, retenu par les tissus musculaires, donne à sa chair sa couleur rose-orangé caractéristique.

Certains individus vont rester dans les eaux du littoral, alors que d'autres vont gagner la haute mer : on estime que tout le Pacifique nord, du 45e au 70e parallèle, est utilisé par ces poissons comme zone d'engraissement. S'y retrouvent les Oncorhynchus de toutes origines, provenant aussi bien de la côte asiatique (Corée, Chine, Japon, Russie) que de la côte nord-américaine (États-Unis, Canada). Les distances parcourues pour se rendre du cours d'eau natal à ces aires les plus éloignées sont comprises entre 500 km pour le saumon coho ou saumon argenté, Oncorhynchus kisutch, par exemple, confiné aux côtes de l'État du Washington et de la Colombie-Britannique, à plus de 1 000 km pour le saumon sockeye.

Une croissance fulgurante

Durant sa vie en eaux salées, le saumon a une croissance très rapide. Elle s'effectue pendant une période dont la durée varie entre un an pour le saumon coho, Oncorhynchus kisutch, qui est le plus précoce, et sept ans pour le saumon quinnat, Oncorhynchus tshawytscha. La taille adulte est essentiellement fonction du temps passé en mer, elle se situe entre moins de 40 cm pour un poids de un kilo, et 1,50 m pour un poids de 55 kilos.

Ayant atteint sa maturité, le saumon commence alors le grand voyage de retour vers sa rivière natale et, cessant de se nourrir, il rejoint ses congénères. Les saumons vont se regrouper d'abord près des côtes, puis aux abords des estuaires. Ils nagent à contre-courant, exploitant au mieux les marées montantes et les crues des cours d'eau. Leurs bancs imposants remontent les fleuves entre les mois de juin et de septembre.

Le homing

L'ensemble des mécanismes qui conditionnent cette remontée vers les lieux où les saumons sont nés, ou « homing », fait l'objet de nombreuses études. Les chercheurs distinguent la phase océanique, durant laquelle les poissons seraient guidés par les courants marins ou – selon des recherches récentes – par le magnétisme terrestre, et la phase pendant laquelle les adultes seraient conduits par leur odorat vers leur rivière d'origine, dont ils ont, très jeunes, enregistré les odeurs.

Une étude de l'I.N.R.A. menée sur le saumon de l'Atlantique, Salmo salar, en Normandie, a montré que, du moins chez cette espèce, le homing n'est pas un phénomène absolu. En effet, si leur rivière d'origine se trouve à proximité d'une autre rivière présentant des caractéristiques environnementales proches, une partie des saumons adulte remonte la première. Inversement, il existe des saumons dans cette dernière qui n'ont plus la « mémoire » de leur rivière de naissance et remontent sa voisine, ce qui se traduit par un brassage des populations des deux rivières.

Des frayères creusées dans le gravier

La situation des lieux de reproduction varie selon les espèces de Oncorhynchus ; les saumons rose (Oncorhynchus gorbuscha) et kéta (O. keta) n'effectuent qu'une courte incursion en eau douce et se confinent dans les zones proches des estuaires, à l'embouchure des cours d'eau, alors que les autres espèces (en particulier le saumon coho) remontent plus en amont, parfois jusqu'à de tout petits affluents. En revanche, la nature de ces sites est assez homogène : fonds constitués de graviers de 1 à 10 cm, profondeur de l'eau souvent inférieure à un mètre et vitesse du courant assez forte – de 30 à 70 cm par seconde. Les gravières favorables à la reproduction sont en permanence traversées par l'eau, avec une bonne circulation interstitielle. Elles sont, en général, propres, non colmatées par des éléments trop fins, et situées là où le courant s'accélère.

Pour l'ensemble du genre Oncorhynchus, le frai (rapprochement des mâles et des femelles) a lieu entre juillet et février, selon les espèces. Sa périodicité est constante dans le temps pour la population d'un même cours d'eau. En tout cas, le frai suit la fin de la migration : des saumons sockeyes trouvés dans une importante frayère de la rivière Fraser, en Colombie-Britannique, et qui étaient arrivés au début d'octobre avaient, dès la mi-novembre, terminé leur reproduction.

La femelle creuse sa frayère en se mettant sur le flanc et en battant vigoureusement de la queue. Les graviers s'accumulent et forment un dôme en aval de la dépression, où la femelle se tient en compagnie d'un ou de plusieurs mâles.

La maturation sexuelle, qui commence en mer, commande le début de la remontée et s'achève à l'arrivée sur les lieux de ponte, ou plus tôt si la remontée est retardée par le froid ou les barrages (mais alors, le succès de la reproduction peut être compromis).

Quand les œufs sont prêts à être fécondés, les sacs ovariens de la femelle, qui renferment les ovules, se rompent et libèrent ces derniers dans la cavité abdominale, une cavité qu'ils occupent dans sa presque totalité. La femelle contracte alors ses muscles abdominaux, expulsant presque tous les ovules par le pore génital. Toutefois, si la migration a été retardée ou si la concurrence entre les poissons est importante, une partie des ovules ne peut être expulsée.

Grâce à la laitance du mâle qui se trouve à proximité, les ovules sont fécondés lors de l'expulsion ; puis, entraînés par le courant, ils se déposent sur le dôme de graviers. La femelle creuse alors à nouveau pour recouvrir les œufs et reste sur le nid, comme en sentinelle, aussi longtemps qu'elle peut résister au courant.

Après avoir recouvert la première ponte, il arrive que la femelle creuse une ou plusieurs autres frayères, à proximité de la première ou dans une zone différente. Un ou plusieurs mâles tentent de s'approcher lors de la ponte pour expulser leur laitance. Chaque mâle peut aussi participer à la ponte de plusieurs femelles.

1.2. À la recherche de nourriture et d'un abri

Le nombre d'œufs enfouis dans les graviers dépend de la taille de la femelle ; il varie entre 2 000 et 5 000. La laitance du mâle assure très efficacement la fécondation, puisque jusqu'à 90 % des œufs peuvent être fécondés.

Les œufs des saumons, d'un diamètre de 5 à 6 mm, sont plus gros mais moins nombreux que chez d'autres poissons, telle la carpe, qui en pond jusqu'à 100 000. Bien oxygénés par l'eau qui circule entre les graviers, les embryons ont un temps d'incubation qui dépend de la température : cette période, évaluée en degrés-jours, se situe entre 500 et 600 unités pour les saumons Oncorhynchus (c'est-à-dire 100 jours à une température moyenne de 5 ou 6 °C). Lorsqu'il sort de l'œuf, l'alevin porte en lui une réserve de nourriture, la vésicule vitelline, qui lui permet de poursuivre sa croissance tout en restant enfoui sous les graviers, sans s'alimenter à l'extérieur. Il perd cette vésicule au bout d'environ un mois, passant alors au stade de jeune saumon, ou saumoneau. Dès qu'il peut se nourrir et nager, il entreprend sa remontée vers la lumière et forme sur place, avec d'autres jeunes, des groupes assez compacts. Très vite, il gagne, individuellement, un autre territoire, ou rejoint la mer.

Les jeunes saumons rose (Oncorhynchus gorbuscha) et kéta (O. keta) gagnent la mer aussitôt que la résorption de leur vésicule vitelline est achevée. Les jeunes saumons sockeyes (O. nerka), eux, grandissent dans les lacs proches de leur lieu de naissance, alors que le saumon coho (O. kisutch) et le saumon quinnat ou chinook (O. tshawytscha) restent dans les rivières.

Commence alors pour le jeune saumon une double quête. Quête de la nourriture d'abord, constituée de microplancton puis de plancton et enfin de toutes sortes de petites proies adaptées à sa taille – les saumoneaux de un à trois ans avalent, à l'occasion, de gros insectes (mouches, libellules...) ou leurs larves, de 2 à 3 cm de long.

Quête du territoire ensuite. Cette recherche est vitale, en particulier pour les espèces dont le séjour en rivière se prolonge (jusqu'à 3 ans parfois). En effet, plus le saumon grandit, plus son territoire doit s'étendre. Or, le nombre de zones propices disponibles est limité. Une hiérarchie s'établit donc entre les saumons : les poissons dominants sont ceux qui, avec une dépense d'énergie minimale, peuvent disposer d'un abri et d'une source de nourriture. La concurrence est particulièrement âpre entre les individus d'une même espèce, mais elle peut aussi exister entre des espèces différentes, quand les besoins sont comparables. Ainsi, le saumon coho l'emporte sur le saumon quinnat.

Les populations les plus nombreuses (70 % de l'ensemble des espèces Oncorhynchus) sont celles du saumon rose et du saumon kéta, dont le séjour en eau de rivière dure moins d'un mois. C'est en effet en eau douce que la vie est le plus difficile pour ce poisson.

La smoltification

Avant de partir pour sa grande migration printanière vers les océans, le jeune saumon subit, sous l'effet de la température et de la lumière, une métamorphose physiologique qui lui permet de supporter le passage du milieu aquatique au milieu marin. Son corps se fait plus élancé, sa couleur s'uniformise en l'argenté caractéristique des poissons des mers froides. D'autres modifications physiologiques portent sur le mode d'excrétion de l'urine, la production et l'activité de certaines hormones ou enzymes, et sur la perméabilité des cellules.

C'est également durant cette période que le jeune saumon, ou smolt, est le plus sensible à son environnement, une sensibilité notamment aux odeurs, qui favorisera, au retour, la reconnaissance des lieux. Enfin, un comportement beaucoup plus grégaire annonce le grand voyage des smolts, qui descendent vers la mer par bancs (c'est le cas précisément des espèces qui, en eau douce, ont pourtant un comportement individuel et territorial).

1.3. La mort brutale du saumon

Dès qu'il s'est reproduit, le saumon a à peine le temps de vieillir : il meurt presque immédiatement et sa dégénérescence est foudroyante. Dès la fin du frai, les géniteurs montrent des signes de vieillissement. Leur organisme connaît un affaiblissement général, avec la chute de toutes leurs barrières immunologiques. Ils sont affectés par des germes pathogènes opportunistes, notamment ceux du genre Saprolegnia, qui provoquent des ulcérations de l'épiderme, formant des tâches blanchâtres sur le corps et les nageoires. Le processus de vieillissement accéléré s'étend bientôt à presque tous les organes : muscles, intestin, foie, reins, avant de provoquer la mort du saumon.

La brutalité de ce phénomène a intrigué bien des biologistes, qui ont cherché à l'analyser. Le phénomènes pourrait avoir pour origine une mobilisation des réserves et de toute l'énergie en vue de la reproduction, aux dépens des autres fonctions de l'organisme. En fait, les causes de cette mort ne sont pas clairement élucidées. Pour certains, le changement de salinité du milieu ambiant serait un élément important ; pour d'autres, le stress, qu'il soit dû à la migration, à la maturation sexuelle ou encore à l'arrêt de l'alimentation, aurait également un rôle non négligeable.

Contrairement aux saumons Onchorhynchus, le saumon atlantique (Salmo salar) ne meurt pas forcément après le frai. Il peut alors rester en rivière pendant quelques mois, ou retourner immédiatement à la mer.

1.4. Milieu naturel et écologie

La répartition des saumons du genre Oncorhynchus se fait, pour l'essentiel, en fonction de l'environnement océanique – en particulier de la composition physique et chimique de l'eau de mer et de la nature des courants marins. La courbe de salinité doit être de 30 à 35 %, soit autour de 30 g de sel par litre d'eau. En ce qui concerne le seuil de la température, il est de 0 °C à 20 °C en surface et de 0 °C à 10 °C à 200 m de profondeur. Les différentes espèces de saumons marquent une préférence pour les températures de l'ordre de 12 °C à 14 °C.

La circulation dans les océans présente certaines constantes : les remontées ont lieu dans les zones de faible salinité et là où il existe des courants froids. Les essais d'implantation effectués dans des zones aux courants relativement chauds ont toujours échoué. De nombreux scientifiques expliquent le phénomène de la remontée par un grand mouvement giratoire des courants dans la zone pacifique, qui ramènerait les saumons à leur rivière d'origine.

Les caractéristiques générales des rivières parcourues par les saumons au cours de leur séjour en eau douce sont à peu près les mêmes partout : il s'agit de cours d'eau à pente relativement forte, en particulier dans les zones amont souvent situées en montagne, où l'eau est au-dessous de 24 °C, pure et bien oxygénée, et dont les débits sont souvent forts, alimentés par des pluies abondantes.

Les espèces qui passent très peu de temps en rivière quand elles sont jeunes (saumons rose et kéta) ne s'y nourrissent pas, et n'y possèdent pas d'habitat à proprement parler. Les jeunes saumons sockeyes quittent très rapidement la rivière où ils sont nés pour se disperser dans un lac situé tantôt en amont, tantôt en aval. Les jeunes saumons cohos et quinnats, en revanche, s'établissent complètement dans le cours d'eau où ils sont nés.

La grande variété des proies

Les saumons peuvent capturer leurs aliments près de la surface, voire au-dessus d'elle (quand il s'agit de proies tombées à l'eau), dans la masse d'eau ou encore près du fond. Leur régime est souvent constitué d'autres poissons : les saumons cohos se nourrissent d'alevins de saumons sockeyes, leurs proies favorites après les invertébrés.

En mer, au contraire, les saumons qui vivent habituellement en pleine eau, loin du fond, se nourrissent plutôt près de la surface sur de petits bancs de poissons. Plus ils grandissent, plus leurs proies sont importantes.

Une âpre compétition

Entre alevins de la même espèce ou entre les différentes espèces de truites ou de saumons dont les besoins sont proches, la compétition est grande, en eau douce, pour l'alimentation et la conquête de l'espace vital. En mer, milieu plus vaste et plus productif, cette compétition est moins apparente, mais doit exister, au moins entre deux espèces piscivores, comme le coho et le quinnat, capables de cohabiter durant la croissance.

Les prédateurs du saumon

Les jeunes en eau douce peuvent être à leur tour la proie d'autres salmonidés tels que la truite arc-en-ciel, la truite fardée ainsi que de certains chabots. La prédation dont les saumons sont victimes est surtout importante quand les jeunes sont regroupés, par exemple au moment où ils sortent de la frayère, ou lorsqu'ils descendent vers la mer.

En mer, si l'on fait abstraction de l'homme, leurs principaux ennemis sont quelques grands mammifères marins tels que le phoque, l'orque et certains poissons comme la lamproie marine.

La remontée et le frai sont également une aubaine pour les ours et les oiseaux carnassiers, friands de ces poissons au moment où ceux-ci sont nombreux ainsi que vulnérables.

Les saumons peuvent aussi être atteints par des maladies d'origine bactérienne ou virale, ou par des affections parasitaires dont les effets, parfois désastreux dans les élevages, sont mal connus en milieu naturel.

Le rôle capital de l'environnement

Compétition et prédation jouent toutefois un rôle moins important sur le développement de la population que les facteurs qui entourent la reproduction, l'éclosion et la descente vers la mer, autant de phases critiques du cycle de vie de ces poissons, étroitement soumis aux conditions du climat et à l'équilibre écologique : ainsi, en remuant les fonds des cours d'eau, en colmatant ou en détruisant les frayères, de fortes crues peuvent leur être funestes. À l'inverse, la sécheresse peut empêcher la remontée des reproducteurs et réduire l'espace vital.

Quant aux conditions de vie en mer, plus difficiles à contrôler, elles sont sans doute au moins aussi importantes.

Aussi les populations de saumons connaissent-elles naturellement de grandes variations annuelles… Fluctuations naturelles auxquelles s'ajoutent les conséquences néfastes des activités humaines.

2. Zoom sur... le saumon sockeye et le saumon atlantique

2.1. Saumon sockeye (Oncorhynchus nerka)

Le saumon sockeye, appelé aussi saumon rouge, est un poisson dont le squelette est entièrement ossifié (téléostéen). Son corps fuselé, long de 65 cm en moyenne, est hydrodynamique et comprimé sur le côté. De petites écailles (entre 120 et 150) le couvrent entièrement.

Sept des huit nageoires sont portées par une structure de rayons osseux (l'anale qui comporte de 13 à 18 rayons, la caudale, une des dorsales, les deux pelviennes et les deux pectorales) ; la huitième nageoire, seconde dorsale, est adipeuse.

La robe marine des adultes est argentée, d'une tonalité variant du bleu acier au bleu-vert pour le dos et les flancs, tandis que le ventre est d'un blanc brillant, sans marbrures. Les nageoires dorsales portent parfois quelques taches sombres.

Lors de la maturation sexuelle, la tête et le corps du mâle se compriment, et une bosse dorsale, fortement marquée, apparaît. Le museau s'allonge, la mâchoire supérieure forme un crochet. La coloration du corps change radicalement : le dos et les flancs deviennent tout rouges – un rouge brillant par endroits et grisâtre en d'autres. Le dessus de la tête, jusqu'à la mâchoire inférieure, devient vert, avec une partie noire sur le museau. Les deux nageoires dorsales et la nageoire anale sont rouges, les autres varient entre le vert foncé et le noir. Les femelles n'ont pas de bosse, mais leur coloration est identique, avec une bande rouge sombre sur les flancs.

Cette espèce de saumon du Pacifique comprend une variété d'eau douce, non migratrice, le kokanee (nom d'origine amérindienne). De petite taille, 23 cm à la maturité sexuelle, il effectue la totalité de son cycle en eau douce.

Les narines, qui ne communiquent pas avec la cavité buccale mais sont reliées à de petits sacs olfactifs, sont les organes de l'odorat, sens très important pour le homing. Les oreilles internes comportent des organes destinés à assurer l'équilibre, et qui sont constitués de cellules sensorielles recouvertes de pièces dures en carbonate de calcium, les otolithes.

          

SAUMON SOCKEYE ou SAUMON ROUGE

Nom(genre, espèce) :

Oncorhynchus nerka

Famille :

Salmonidés

Ordre :

Téléostéens

Classe :

Ostéichtyens

Identification :

Saumon de taille moyenne. Coloration en mer à dominante argentée, avec de fines mouchetures noires sur le dos. Nageoire adipeuse

Longueur :

Entre 40 et 85 cm (moyenne 65 cm)

Poids :

De 0,7 à 4,5 kg (moyenne 2,7 kg)

Répartition :

Pacifique nord et fleuves tributaires : de la Californie à l'Alaska et à l'océan Arctique, en Amérique du Nord, et du nord d'Hokkaido (Japon) jusqu'au fleuve Anadyr (Russie)

Habitat :

Lacs ou rivières tributaires, séjour en estuaire et zone côtière proche ; puis vie en mer

Régime alimentaire :

Lac : petits crustacés planctoniques, larves d'insectes aquatiques et insectes terrestres ; en mer : zooplancton, petits encornets (rarement petits poissons)

Structure sociale :

Grégaire

Maturité sexuelle :

Entre 3 et 8 ans

Saison de reproduction :

De juillet à décembre, selon la région, à une température de l'eau entre 3 et 7 °C

Nombre d'œufs par ponte :

4 000 œufs par femelle en moyenne, en plusieurs pontes

Effectifs, statut :

Encore relativement importants, mais déclin généralisé des populations. Situation des populations variable selon les régions ; au Canada, celles des lacs Cultus et Sakinaw sont considérées par le Cosepac (Comité sur la situation des espèces en péril du Canada) comme en voie d'extinction, mais elles ne sont pas protégées

Particularité :

La forme dite « kokanee » effectue la totalité de son cycle en eau douce (lacs, rivières)

 

2.2. Signes particuliers

Rostre

Chez le mâle Oncorhynchus, le rostre désigne le crochet formé par la mâchoire supérieure au fur et à mesure de sa maturation sexuelle. Ce caractère sexuel secondaire a donné son nom au genre : Oncorhynchus signifie en effet « museau-crochet ». La déformation progressive de ses mâchoires interdit au saumon de fermer la bouche. Des dents apparaissent, qui pourraient jouer un rôle dans la compétition entre mâles lors du frai et de la reproduction.

Robe

La couleur du saumon est due à des phénomènes physiques (réflexion, diffraction) mettant en cause la lumière, ainsi qu'à la présence dans le derme de cellules spécialisées contenant des pigments, les chromatophores. Ceux-ci sont sous le contrôle des nerfs et des hormones : grâce aux informations recueillies visuellement, le saumon peut harmoniser sa robe avec le milieu ambiant. Ce phénomène de mimétisme se produit surtout en eau douce. Avec la maturation sexuelle, la livrée bleu argenté habituelle peut se trouver radicalement transformée et prendre des couleurs vives de teintes diverses selon les parties du corps.

Écailles

Les écailles sont transparentes, en lamelles, et composées d'une couche externe en émail et d'une couche interne osseuse. Elles sont imbriquées les unes dans les autres comme les tuiles d'un toit. Leur nombre est constant et caractéristique d'une espèce. Rapide en été, lente en hiver, leur croissance se fait par couches concentriques visibles à la loupe, et d'autant plus espacées que la croissance du poisson est rapide. En mer, l'écartement des anneaux est plus grand. Les scientifiques utilisent la lecture des écailles (scalimétrie) pour déterminer l'âge du saumon.

2.3. Saumon atlantique (Salmo salar)

Grand poisson argenté remontant les torrents et bondissant dans les chutes, Salmo salar (le terme « salmo » vient de salio, sauter) est sans doute le plus connu des saumons. C'est l'unique espèce de saumon atlantique, alors que les saumons du Pacifique en comportent plusieurs. On trouve Salmo salar dans le bassin de l'Atlantique nord et dans les mers adjacentes, du cercle Arctique jusqu'au Portugal, et du Québec jusqu'à la rivière Connecticut.

Semblable, du point de vue morphologique, au saumon du Pacifique, en particulier dans sa phase marine, il s'en distingue toutefois par une nageoire anale saillante, plus haute que longue, et ne comportant que de 7 à 12 rayons osseux. À l'approche de la maturité sexuelle, la couleur de sa robe se modifie également mais de façon moins spectaculaire. Ce n'est pas sa mâchoire supérieure mais sa mâchoire inférieure qui forme un bec, parfois si important qu'il peut percer le palais.

Migrateur comme son cousin du Pacifique, le saumon de l'Atlantique vit presque toujours alternativement en eau douce et en eau salée. Font exception certains poissons qui ne peuvent plus sortir des lacs où ils sont enfermés, comme dans la sous-espèce appelée Ouananiche, qui vit dans le lac Saint-Jean, au Québec. Les principales zones marines de croissance du saumon atlantique se situent au large des îles Féroé, dans la mer Baltique, où l'on ne rencontre toutefois que les saumons originaires des pays riverains, et au Groenland, où se retrouvent uniquement les poissons des côtes américaines et certains poissons d'Europe, qui couvrent dans leur migration des milliers de kilomètres.

Avec un cycle biologique analogue à celui des saumons du Pacifique, le saumon atlantique revient à sa rivière natale au bout de un à quatre ans passés en mer. Sa taille varie entre 60 cm et plus d'un mètre (avec un record de poids proche des 40 kg), selon la durée du séjour en eau salée. Le retour peut s'effectuer à tout moment, les saumons se regroupant par classes d'âge de mer. Les « castillons », saumons qui ont passé une année en mer, remontent plutôt à la fin du printemps ou en été, alors que les gros saumons, plus âgés, remontent surtout en période hivernale.

Quelle que soit la date de leur entrée en rivière, le frai a toujours lieu à la même époque, d'octobre à janvier. En attendant, le saumon atlantique stationne dans les zones profondes ou remonte les fleuves les plus longs (2 000 km pour la rivière Pechora, en Russie, 800 km pour l'Allier, en France). La remontée peut durer plus d'un an, sans que le saumon s'alimente. Quant aux zones et au comportement liés au frai, ils sont identiques à ceux des saumons du Pacifique.

Mais, contrairement à ce qui se passe pour les autres espèces de saumons, certains géniteurs vont survivre à la reproduction, se reconstituer dans des zones de repos, subir des transformations s'apparentant à la smoltification et regagner la mer avant de revenir, généralement l'année suivante, pour un deuxième frai.

Fortement territoriaux, les jeunes se développent dans des fonds semblables à ceux fréquentés lors de la reproduction, l'eau devant être froide, bien oxygénée, non polluée, et le courant relativement rapide, les nageoires pectorales de l'animal, particulièrement larges et développées, lui permettant de se maintenir près du fond.

La smoltification peut se produire entre l'âge de un an (c'est le cas en France, pays proche de la limite sud de l'aire de répartition du saumon atlantique) et de huit ans (pour les saumons de la baie d'Ungava, au nord du Québec).

Cette étroite dépendance à l'eau douce fait du saumon atlantique un poisson fragile, dont la population est réduite. Dans les pays industrialisés, celle-ci a parfois régressé de façon considérable, à cause de la pollution et de l'édification de barrages nuisant à la remontée des rivières. Au Pays-Bas, dans le Rhin, plus de 100 000 de ces saumons ont été capturés en 1885, 25 000 l'ont encore été en 1927, mais plus aucun en 1990.

3. Les autres espèces de saumons et de truites

La famille des salmonidés, habitant l'hémisphère Nord, est caractérisée par la présence d'une deuxième nageoire dorsale adipeuse et par l'absence de barbillons au niveau de la bouche. Elle comprend trois sous-familles :

– les thymallinés, à larges écailles et petite bouche ;

– les corégoninés (les corégones), à petite bouche et petites dents ;

– les salmoninés, à dents fortes et dont la bouche atteint la partie postérieure de l'œil. Cette sous-famille comprend les Oncorhynchus, ou saumons du Pacifique (dont les espèces les plus connues sont présentées ci-dessous), dont le saumon sockeye ou saumon rouge, les truites et les ombles comprenant, outre la truite arc-en-ciel et la truite fardée du genre Oncorhynchus, les genres Salmo et Salvelinus, et enfin Salmo salar, le saumon de l'Atlantique, en fait plus proche de la truite commune que l'on trouve en Europe que des Oncorhynchus. Les dénominations françaises peuvent parfois prêter à confusion ; ainsi l'omble de fontaine est-il improprement appelé « saumon de fontaine ».

3.1. Autres saumons du Pacifique

Saumon rose (Oncorhynchus gorbusha)

C'est le plus petit des Oncorhynchus.

Identification : 50 cm, pour 2 kg en moyenne ; vert noirâtre, ventre blanc ; le mâle mature a une bosse dorsale très marquée. Séjour en eau douce.

Répartition : côtes ouest et est du Pacifique entre le 45e parallèle et le cercle polaire.

Saumon kéta (Oncorhynchus keta)

Identification : taille moyenne : 65 cm pour 5,5 kg, parfois 1 m ; mâle mature jaune pourpré sans taches. Dents proéminentes, d'où son surnom de « chien saumon » en anglais (dog salmon).

Répartition : semblable à celle du précédent.

Saumon coho (Oncorhynchus kisutch)

Parfois appelé « silver salmon ».

Identification : taille et poids moyens : 68 cm pour 4,5 kg ; mâle mature : dos vert foncé, flancs lie-de-vin ; femelle plus sombre.

Les jeunes restent de 1 à 3 ans en rivière. Même répartition que les précédents.

Saumon quinnat (Oncorhynchus tshawytscha)

C'est le plus gros des Oncorhynchus.

Identification : 90 cm ; 10 kg en moyenne, peut atteindre 1,50 m et 55 kg ; robe brune et jaune doré chez le mâle et la femelle en maturation.

Séjour en rivière compris entre 1 et 3 ans. Même répartition que les précédents.

Saumon masu (Oncorhynchus masu)

Identification : ressemble à O. keta.

Répartition : peu abondant et limité à l'Asie, de la Corée au Kamtchatka.

Seul saumon du Pacifique capable de survivre au frai et de se reproduire plusieurs fois.

3.2. Truites et ombles

Truite commune (Salmo trutta)

Identification : assez proche du jeune saumon de l'Atlantique ; nageoire caudale peu échancrée ; coloration à dominantes jaune et brune ; points rouges sur les flancs ; nageoire adipeuse rouge-orange.

Répartition : rivières froides et oxygénées d'Europe, d'Amérique du Nord (où elle a été introduite) et dans quelques cours d'eau de l'hémisphère Sud.

La truite commune peut passer toute sa vie en rivière ; cette truite de rivière est aussi appelée truite fario. Certaines populations grandissent ou vivent dans des lacs (truite de lac), tandis que d'autres gagnent la mer (truite de mer ou truite saumonnée) – pour s'adapter au milieu marin, elle passe, comme le saumon, par un phénomène de smoltification. En dépit de leur aspect très différent, les truites de rivière, de lac et de mer sont donc des représentantes d'une même et unique espèce.

Truite fardée (Oncorhynchus clarkii – anciennement salmo clarkii)

Identification : assortiment de couleurs très variable d'un groupe à l'autre ; toujours une ligne rouge-orange sur les côtés de la mâchoire inférieure, ce qui lui a valu, en anglais, son nom de truite à gorge coupée (cutthroat trout).

Répartition : eaux douces, saumâtres ou salées. Originaire de l'ouest des Rocheuses, elle est cantonnée à l'Amérique du Nord.

Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss)

Identification : bande irisée violette caractéristique sur le corps ; nageoires anale et dorsale mouchetées de noir. Les individus migrateurs sont argentés.

Répartition : se reproduit en rivière, mais peut ensuite peupler des lacs ou migrer vers la mer. Originaire de la côte ouest des États-Unis, elle a été introduite ailleurs, y compris en Europe, en raison de son intérêt pour l'élevage.

Omble chevalier (Salvelinus alpinus)

Identification : coloration variable selon le milieu et le stade physiologique.

Répartition : rivières froides et lacs de montagne. Originaire de la région polaire, s'est acclimaté dans tout l'hémisphère Nord.

Omble de fontaine (Salvelinus fontinalis)

Aussi appelé, de façon impropre, saumon de fontaine.

Identification : proche pour la coloration de l'omble chevalier, avec des traces marbrées sur le dos.

Répartition : cours d'eau ou lacs. Originaire du continent nord-américain, introduit en Europe au xixe siècle.

Omble du Canada ou cristivomer (Salvelinus namaycush)

Identification : coloration à dominante grise et nombreuses taches.

Répartition : lacs et cours d'eau. Originaire du nord du continent américain, a été introduit en Europe, mais y est peu représenté.

Huchon (Salvelinus hucho)

Identification : peut atteindre 1,50 m pour 15 kg ; gris-bleu argenté.

Répartition : grands fleuves. Originaire du bassin du Danube, où il est très menacé. Essais d'acclimatation dans le Rhin et le Rhône.

Dolly varden (Salvelinus malma)

Espèce peu répandue.

Répartition : limitée aux eaux douces et salées de l'ouest de l'Amérique du Nord uniquement.

4. Origine et évolution du saumon

Les saumons du Pacifique, les Oncorhynchus, et le saumon atlantique, Salmo salar, se reproduisent en eau douce, effectuant des migrations importantes, de plus de 10 000 kilomètres parfois, pour aller vivre jusque dans les eaux salées et revenir ensuite se reproduire dans leur rivière d'origine.

La double appartenance marine et fluviale des salmonidés est source de controverses et d'interrogations. Leurs ancêtres, probablement apparus au crétacé, étaient-ils, à l'origine, des poissons marins ou d'eau douce ? Aucune des espèces actuelles ne passant toute leur vie en mer, il est probable que les salmonidés trouvent leur origine dans les fleuves. De plus, le plus ancien salmonidé connu, Eosalmo driftwoodensis, dont les fossiles ont été découverts en Colombie-Britannique et datent d'il y a environ 50 millions d'années (à l'éocène), habitait en lac et en rivière ; on sait qu'il ne migrait pas vers la mer (en effet, des fossiles aussi bien de jeunes que d'adultes ont été retrouvés dans les mêmes terrains).

Au pliocène, les salmonidés sont bien diversifiés. Oncorhynchus (ou Smilodonichthys) rastrosus, trouvé dans les dépôts du pliocène de l'Amérique du Nord, il y a environ 5 millions d'années, est le géant de la famille – un spécimen atteint 1,90 m de long. Ce grand poisson pélagique (vivant en haute mer) se nourrissait sans doute essentiellement de plancton, abondant à cette époque dans l'est du Pacifique, qu'il filtrait grâce à ses branchies nombreuses et serrées. Deux dents dépassaient de sa mâchoire supérieure, ce qui lui a valu de se faire baptiser, en anglais, sabertoothed salmon, c'est-à-dire « saumon à dents de sabre » !

Les relations entre les différentes espèces de la famille des salmonidés restent mal élucidées. Des études génétiques tendent à montrer que les genres Oncorhynchus (saumons du Pacifique, truite fardée), Salmo (saumon atlantique, truite commune) et Salvelinus (ombles) descendent de la même espèce ancestrale.

S'il n'existe qu'une espèce de saumon dans l'océan Atlantique, Salmo salar, le saumon atlantique, les saumons du Pacifique sont représentés par plusieurs espèces, appartenant toutes au genre Oncorhynchus.

5. Le saumon et l'homme

Apprécié pour sa chair rose, fraîche ou fumée, le saumon a, pendant des siècles, intrigué l'homme par ses voyages au long cours. Aujourd'hui exploité de façon industrielle, il fait aussi l'objet d'une aquaculture intensive pour alimenter une demande toujours croissante.

5.1. Le poisson par excellence

Dans le monde celtique, le saumon est le poisson par excellence ; aussi les mots « poisson » et « saumon » sont-ils souvent employés indifféremment. La chair de l'animal y est aussi considérée comme une nourriture spirituelle. Les textes irlandais l'évoquent comme étant une source de sagesse.

Dans toutes les régions où le saumon se reproduit, les peuples aborigènes l'ont célébré par des danses, des chants, des sculptures. En Colombie-Britannique (Canada), par exemple, les Bella Coola punissaient de mort toute personne coupable d'avoir souillé un cours d'eau pendant la remontée des saumons. Des cérémonies étaient organisées en l'honneur du premier saumon, leur durée et les tabous qui s'y rattachaient assurant sans doute aux bancs de géniteurs la liberté de remonter sans encombre vers les frayères.

Pour certains peuples, le saumon était un être surnaturel et immortel, qui offrait sa chair en sacrifice aux humains et pouvait se réincarner si l'on rejetait intacts à la rivière son squelette et sa queue.

5.2. Pêche et surexploitation

D'un goût agréable, riche en protides et en lipides, le saumon a toujours été très recherché par les pêcheurs. Avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord, plusieurs villages amérindiens étaient établis tout près des zones de remontée des saumons. Les pêcheurs fabriquaient des instruments aussi variés qu'efficaces : foène ou trident, gaffe, épuisette, filets. Le saumon, frais, séché ou fumé, représentait l'élément de base de l'alimentation de ces peuples.

Il y a quelques années encore, le saumon fumé était un mets de luxe dans la plupart des pays européens. Aujourd'hui, l'aliment s'est démocratisé et la demande ne cesse de s'accroître. Des centaines de milliers de tonnes de saumons du Pacifique sont pêchées tantôt près des côtes, au filet ou à la ligne traînante, tantôt en haute mer, à la senne, par de véritables flottilles modernes. La pêche industrielle ne va pas sans problèmes, en raison du cycle du saumon, car il peut être capturé très loin des pays producteurs. Ainsi, les Japonais pêchent de grandes quantités de saumons du Pacifique provenant de Sibérie et d'Amérique. Les pêcheries du Groenland ou des îles Féroé puisent dans les stocks canadiens ou irlandais.

La pêche sportive se pratique à la ligne dans tous les pays de reproduction, à l'époque de la remontée. À cette activité est lié un important tourisme, dans les pays où les populations de saumons sont abondantes – Canada, Alaska, îles Britanniques, pays Scandinaves. Une telle pêche est partout très réglementée et soumise à plus de contrôles – concernant la taille, le nombre des poissons que l'on peut capturer, voire les dates d'ouverture ou de fermeture de la pêche – que la pêche industrielle en mer, qui affecte pourtant des quantités très supérieures de poissons. Dans certains pays, la réglementation est très ancienne. En Écosse, elle remonte au xiie siècle, époque où Guillaume le Lion avait établi une législation sévère pour sa protection.

Fragile, le cycle du saumon se rompt en effet facilement, et en plusieurs points. Parfois, la nature est seule responsable de ces ruptures : le glissement de terrain survenu en 1913 dans les gorges du fleuve Fraser, en Colombie-Britannique, en bloquant la remontée du saumon sockeye, a eu pour effet un effondrement des captures, qui sont passées de 29 millions d'individus en 1913 à 2 millions en 1921. La plupart du temps, toutefois, l'intervention humaine a eu des conséquences beaucoup plus graves, à plus long terme. Ainsi, l'implantation de barrages hydroélectriques dans les rivières a considérablement réduit l'accès aux zones de frai. La multiplication des usines, la poussée démographique, l'utilisation pour l'agriculture et l'exploitation des forêts de certains bassins propices à la ponte ont entraîné une pollution de l'eau – zones de graviers envasées, rivières détournées.

En mer, la surexploitation des fonds, due en particulier au perfectionnement des engins de pêche, est souvent dénoncée. Il y a eu un fort déclin des stocks mondiaux de saumons du Pacifique depuis 1900. Il s'est considérablement raréfié dans certains bassins hydrographiques, comme celui du Fraser, au Canada.

Le saumon atlantique surtout est atteint. Non seulement il a disparu des grands fleuves d'Europe (Elbe, Rhin, Tamise, par exemple), mais il est très menacé sur presque toute son aire de répartition. La pêche au filet dérivant pratiquée l'été, au large des côtes, au moment où les saumons migrent vers les rivières où il se reproduit, a entraîné un effondrement généralisé du stock de saumon atlantique. Il s'est notamment considérablement raréfié dans les rivières d'Irlande, au large des côtes de laquelle la pêche était massive ; le pays a finalement interdit – sous les pressions d'organisations de protection de l'environnement et de l'Union européenne – la pêche commerciale du saumon au filet dérivant ; la mesure a pris effet en janvier 2007. Au niveau de l'Union européenne, le saumon atlantique et ses principales zones de répartition en eau douce sont protégés par la directive Habitats, et la pêche au filet dérivant soumise à autorisation annuelle.

Pour empêcher que les activités industrielles sur la terre ferme ne nuisent trop aux saumons, des moyens spécifiques ont été mis en œuvre : les barrages ont été équipés de passes permettant aux poissons adultes de franchir l'obstacle – passes à bassins successifs, c'est-à-dire pour lesquelles la grosse chute a été divisée en plusieurs chutes de faible hauteur ; passes à ralentisseurs réduisant la vitesse du courant ; écluses ou système d'ascenseurs qui remontent mécaniquement les saumons capturés au pied des barrages.

La gestion des pêcheries

La gestion des pêcheries



Pour exploiter au mieux les stocks de saumons, en effectuant un prélèvement maximal sans porter atteinte pour autant à la survie de l'espèce, les gestionnaires des pêcheries doivent connaître toute une série de données : le nombre de géniteurs nécessaires à la reproduction, les conditions et la durée du cycle biologique, la diversité des milieux concernés.

5.3. La salmoniculture

Pour repeupler les rivières, on a eu recours également à la reproduction artificielle par la pisciculture. Connue dès le xviiie siècle, celle-ci n'a été appliquée qu'à partir du xixe siècle. Des salmonicultures de repeuplement ont aussi été créées comme, en France, pour le saumon atlantique, celle du Haut-Allier, qui a ouvert en 2001.

La salmoniculture joue surtout un rôle majeur dans la production industrielle de saumon pour l'alimentation. Pour le saumon atlantique, elle est notamment développée en Norvège et en Écosse, aux îles Féroé, pays qui bénéficient, grâce aux fjords, d'une grande réserve d'eau froide et très bien oxygénée. Dans les autres pays européens, les eaux sont souvent trop chaudes et trop salées pour permettre cet élevage. Pour les saumons de l'Atlantique, le principal producteur historique est le Canada.

Si la part de l'aquaculture dans la production de l'ensemble des salmonidés a augmenté de façon considérable depuis le milieu des années 1980 (passant d'environ 500 000 tonnes en 1990 à 2 millions de tonnes en 2005), elle ne semble pas avoir allégé la pression sur les stocks sauvages : la quantité de salmonidés pêchés est stable, autour de 0,8 à 1 million de tonnes chaque année.

Un faux : la truite saumonée

Un faux : la truite saumonée



Un étrange salmonidé est né de l'élevage : la truite saumonée. En fait, il s'agit d'une truite arc-en-ciel ou d'une truite fario, mais dont les aliments comportent un colorant de synthèse ajouté par les éleveurs, uniquement pour des raisons commerciales, de façon à donner à la chair de la truite une teinte rosée, créant ainsi la confusion avec le saumon.

5.4. Les méfaits de l'élevage des saumons

Comme de façon générale tous les élevages d'aquaculture, la salmoniculture à grande échelle n'est pas sans poser des problèmes environnementaux. Tout d'abord, elle contamine les eaux avoisinantes en polluants divers : elle utilise en effet des produits chimiques pour éliminer les déchets, des médicaments en grandes quantités (antibiotiques et antiparasitaires) pour lutter contre les maladies des saumons, et souvent des pesticides contre les poux de mer. Une pollution qui se retrouve aussi dans la chair des saumons élevés…

Ensuite, la salmoniculture entraîne une diminution des stocks de proies disponibles pour les poissons sauvages. En effet, les salmonidés sont des carnivores que l'on nourrit de farines et d'huiles issues de poissons sauvages sans valeur commerciale… qui font l'objet d'une pêche intensive pour la salmoniculture. Environ 3 kg de poissons sauvages sont ainsi nécessaires pour produire 1 kg de salmonidé d'élevage.

5.5. Les techniques du marquage

Très vite, on a utilisé pour ces poissons la pratique du marquage (procédé équivalent au baguage des oiseaux), afin de mettre en évidence la remontée vers la rivière d'origine. Les techniques ont évolué au cours des siècles : au xviie, Piscator, le héros du roman du Britannique Isaac Walton The Compleat Angler (1653), fait allusion à des rubans ou à des fils accrochés aux nageoires de jeunes au début de leur voyage vers les océans et retrouvés sur les adultes à leur retour. Mais, aujourd'hui, on fixe à différents endroits du corps du saumon des étiquettes numérotées, ou l'on introduit dans le nez ou l'abdomen de minuscules marques magnétiques invisibles, dont le code peut être détecté par un appareil. On a aussi placé dans l'œsophage des saumons des émetteurs radio permettant de suivre leurs déplacements. Grâce à des analyses biochimiques complexes, on a pu comprendre les mécanismes de la smoltification.