lycaon
Aussi appelé « loup peint », Lycaon pictus, en raison des taches de couleur qui ornent son pelage, le lycaon est un chien sauvage africain. Animal des grands espaces, ce prédateur, desservi par une réputation d'animal impitoyable et nuisible, est aujourd'hui très menacé dans une aire de répartition historique qui s'est considérablement réduite. Aucun de ses ancêtres directs n'ayant été retrouvé, son origine précise demeure incertaine.
Introduction
L'histoire des mammifères débute il y a un peu plus de 210 millions d'années. Durant quelque 150 millions d'années, ils occupaient une place limitée tant la suprématie des reptiles était totale. Puis, à l'extinction de ces derniers, au début du paléocène, ils engendrèrent peu à peu les diverses formes des mammifères actuels. Certains groupes devinrent chasseurs, comme les créodontes, apparus il y a environ 60 millions d'années, et les carnivores. Les créodontes, aux membres courts et puissants et à la longue queue, plus primitifs que les carnivores, s'éteignirent environ 30 millions d'années plus tard, à la fin de l'éocène, laissant la place aux carnivores, mieux adaptés. Ceux-ci se diversifièrent et, au cours du paléocène, apparurent notamment les miacidés, ancêtres des carnivores fissipèdes, dont les canidés font partie.
Viverravus et Miacis, petits miacidés prédateurs des forêts inondées de l'éocène, retrouvés en Amérique du Nord, sont considérés comme les représentants primitifs des carnivores actuels.
Les canidés Cynodictis à l'éocène, Cynodesmus datant de 24 millions d'années et Pseudocynodictis à l'oligocène (environ 13 millions d'années) sont les plus anciens fossiles de cette famille.
Chez les canidés, la différenciation entre les renards, les chiens sauvages et les loups est très récente et s'effectua au cours du pléistocène et de l'holocène, c'est-à-dire entre 1,7 million d'années et 10 000 ans. On retrouve leurs traces dans l'hémisphère Nord, en Amérique du Sud et en Afrique, où les canidés ne seraient arrivés qu'au cours du pliocène, il y a seulement 5 millions d'années.
Amphicyon, un fossile du miocène, est cependant considéré comme un ancêtre possible de tous les canidés africains, mais le lien entre le lycaon et les autres canidés africains n'est pas précisément établi, plusieurs branches de canidés ayant pu évoluer parallèlement, en fonction de leur localisation géographique. Selon certaines hypothèses, le plus proche parent du lycaon africain serait le dhole, un canidé asiatique aux mœurs très similaires, mais rien n'est certain.
Aujourd'hui, le lycaon est très menacé et au bord de l'extinction dans certaines parties de son aire de répartition traditionnelle. Seules des mesures de protection rapides et efficaces pourraient arrêter ce processus de régression.
La vie du lycaon
Une meute nomade où dominent les mâles
Hors la période de reproduction, le lycaon est un nomade qui ne vit jamais seul mais en meutes hiérarchisées. Un vieux mâle expérimenté, qui n'en est pas le chef, conduit tous les déplacements de la meute. Celle-ci compte environ neuf ou dix animaux adultes dans le parc du Serengeti, en Tanzanie, et plutôt onze au Zimbabwe et dans le parc Kruger, en Afrique du Sud. En général, les mâles y sont plus nombreux que les femelles, mais il n'existe pas de répartition typique.
La moitié des mâles reste dans la meute où ils sont nés, assurant la continuité de celle-ci, l'autre moitié, arrivée à maturité, migre. En revanche, toutes les femelles viennent d'autres groupes. Lorsqu'elles sont âgées de 18 à 24 mois, elles abandonnent, en général ensemble, leur groupe natal à la recherche d'une meute d'accueil dépourvue de femelles matures où, peu après leur arrivée, elles se hiérarchisent.
Une double hiérarchie
Au sein de la meute, deux hiérarchies coexistent, celle des mâles et celle des femelles ; leur respect garantit la cohésion sociale et la pérennité du groupe.
Les disputes sont rares et surviennent au cours des repas ou du rut. Un lycaon dominant, que toute son allure désigne comme tel (position du corps, des oreilles, de la queue et des dents), sera plus ou moins tolérant selon son humeur du moment vis-à-vis de celui de ses congénères qui ne lui aura pas marqué le respect qui lui est dû. Il peut se contenter, si le manquement est bénin, de se tenir debout, tête droite et oreilles dressées, ou bien tenter de mordre le cou que l'animal dominé fera mine de lui offrir en signe de soumission. Bien souvent, ce dernier adopte d'emblée une attitude soumise : tête basse, il émet un petit cri, grimace un sourire en agitant la queue ou se couche sur le dos, les pattes écartées.
La position hiérarchique occupée par un individu n'est pas définitive. H. Van Lawick a assisté au conflit qui existait entre deux femelles dont l'une occupait le bas de la hiérarchie et l'autre une position moyenne. Dressées sur leurs pattes postérieures, les pattes antérieures posées sur les épaules de l'autre, les deux animaux se mordirent férocement. L'issue du combat, favorable à la chienne dominée, permit à celle-ci de monter en grade.
Des petits toujours entourés et choyés
La saison de reproduction dure environ trois mois, avec un pic en mars-avril en Afrique de l'Est, en mai-juillet en Zambie, en avril-juin en Afrique du Sud. À cette époque, le terrier où a lieu la mise-bas devient le point de ralliement de la meute qui se sédentarise.
Un mécanisme complexe détermine les relations sexuelles entre les lycaons. Seuls les animaux dominants se reproduisent, toutefois un jeune mâle mature peut profiter parfois de l'absence momentanée du mâle dominant pour s'accoupler avec une femelle dominante sans risque, mais seulement, semble-t-il, quand celle-ci n'a pas tout à fait atteint la période de l'ovulation.
Les femelles en rut sont rivales. Le mâle ne fait pas la cour à la femelle et l'accouplement a lieu sans préliminaires.
Une dizaine de chiots très joueurs
Après une gestation de 69 à 73 jours, une dizaine de petits chiots aux oreilles immenses et fripées naissent dans le terrier. Ils sont de couleur assez sombre et unie, aveugles et presque totalement dépourvus de poils...
Allaités par leur mère, ils ne quittent pas le terrier durant les trois premières semaines. Ce terrier est souvent une cavité où une litière d'herbes a été aménagée à leur intention. Peu à peu, les chiots grandissent, et apparaissent les taches et le pelage, plus court et plus doux que celui des adultes.
L'allaitement dure de six à douze semaines. À un mois environ, les jeunes chiots commencent à consommer de petites quantités de viande que les membres de la meute régurgitent devant eux. Lorsque la femelle n'a plus de lait, le petit apprend, en deux ou trois jours, à aller quémander cette nourriture aux adultes.
Les petits grandissent vite et passent de plus en plus de temps à l'extérieur. Ils sont pris en charge par l'ensemble de la meute : n'importe quel adulte peut les rentrer au terrier à la tombée de la nuit.
Les jeunes passent beaucoup de temps à jouer entre eux. Vers l'âge de deux mois, ils accueillent les chasseurs avec de petits cris et en remuant la queue.
La meute abandonne le terrier et reprend sa vie nomade lorsque les jeunes ont environ trois mois. Au début, ceux-ci quémandent leur nourriture auprès des chasseurs et restent en arrière pendant que les adultes festoient. Plus tard, si la prise est importante, ils peuvent prétendre à un morceau.
Une chasse-poursuite bien orchestrée
Un lycaon, dès l'âge de 14 mois, peut chasser seul une gazelle de Thomson dont le poids est sensiblement égal au sien, mais l'espèce chasse plutôt en groupe. Il arrive que des lycaons de meutes distinctes, ayant appartenu à une même bande et ayant gardé des liens d'amitié, chassent ensemble, mais le plus souvent le groupe de chasse réunit mâles et femelles d'une seule meute.
Matin et soir, avant de partir en chasse, tous les animaux du groupe, mâles et femelles, se retrouvent et se saluent selon un rituel dénué de toute agressivité, affirmant ainsi l'unité du groupe et l'abandon de la propre identité de chacun au profit de celle de la meute. Les animaux bondissent les uns vers les autres et se frottent mutuellement le museau, le nez, le corps. Ceux de rang inférieur en profitent pour témoigner leur respect aux dominants.
La meute se fie à l'expérience de son chef, un mâle âgé qui conduit la chasse et décide du choix de la proie. L'approche est silencieuse et se fait à vue, les lycaons progressant lentement, cou allongé et tête baissée. Puis, en général, une course-poursuite s'engage, lancée par le chef de meute.
Une parfaite coordination
Endurants à la course, les animaux sont capables de poursuivre leur proie pendant plusieurs kilomètres (une meute a été suivie, en voiture, sur près de 5 km à une vitesse de 45 km/h), mais continuent rarement au-delà de cette distance. Lorsqu'ils poursuivent un troupeau, les lycaons se séparent parfois en plusieurs pistes simultanées et tentent d'isoler un animal et de le faire courir en cercle. Cette course-relais, pendant laquelle les lycaons tour à tour fatiguent leur proie, est épuisante pour celle-ci, qui se laisse bientôt rattraper. S'il s'agit d'une gazelle solitaire, les lycaons tentent de lui barrer la route. La proie est attrapée en pleine course.
C'est le lycaon le plus rapide, le plus habile ou le mieux placé par rapport à la proie qui s'en saisit le premier. Il n'y a pas de mise à mort. Le lycaon percute la proie si elle est petite, la bouscule avec force, et, souvent, les deux animaux tombent ensemble. Pour les proies de grande taille, plus difficiles à immobiliser, le poursuivant tente de maîtriser sa victime en lui saisissant la lèvre et, lorsqu'il a réussi, s'arc-boute sur ses pattes pour tirer de toutes ses forces l'animal vers lui. Dès que la victime est immobilisée, les autres commencent aussitôt à la dévorer.
L'importance des taches
L'importance des taches
La réussite de la chasse dépend en partie de la coordination des chasseurs entre eux. D'après G. Schaller, les taches du pelage, différentes chez chaque lycaon, leur permettraient de garder un contact visuel les uns avec les autres. En effet, dans le feu de l'action, ils doivent pouvoir identifier leur partenaire à tout moment et bien le localiser afin de voir comment évolue la poursuite.
Des victimes dévorées avant d'être mortes
La proie immobilisée, c'est la curée. Toute la meute tente de lui mordre les flancs et le ventre, là où la peau est la plus fine ; les lycaons occupés à maintenir la proie attendent que celle-ci soit affaiblie pour desserrer peu à peu leur étreinte et manger à leur tour. Dans tous les cas, l'animal meurt quelques minutes après sa capture et est rapidement dévoré. Chacun tente de se nourrir le plus possible, essayant de continuer à manger, même s'il dispute un morceau à un autre lycaon. Bien que tous les chiens cherchent à consommer beaucoup de viande, les querelles graves opposant les membres d'une meute sont rares et n'engendrent pas de blessures. Généralement, les adultes mangent sur place.
Les lycaons choisissent leurs proies parmi les espèces herbivores les plus abondantes qui les entourent : il s'agit surtout des gazelles de Thomson (de 42 à 69 % des chasses) et des gnous (de 18 à 38 %), dans le Serengeti ; des impalas et, dans une moindre mesure, des koudous, dans le parc Kruger, en Afrique du Sud. Dans l'ensemble, leurs victimes sont des ongulés, de taille moyenne, vivant en troupeaux : gazelle de Grant, gnou, antilope topi, cobe ou bubale, et, dans certaines régions, phacochère, zèbre, oribi, redunca ou dik-dik. Les autruches agrémentent parfois leur menu. Les lycaons solitaires mangent aussi des lapins et, à l'occasion, des chrysalides d'insectes.
Pour tout savoir sur le lycaon
Lycaon (Lycaon pictus)
Également appelé « loup peint », « mbwa mwitu » en kiswahili, « osuyiani » en masai, « suyian » en samburu, « mbwa » en kikuyu, « mulula » en kinyiramba, le lycaon a l'allure d'un grand chien bigarré, au museau allongé aux mâchoires puissantes. La peau de la face est souvent noire : elle est éclairée par le regard perçant de grands yeux marron-fauve légèrement arrondis. Les oreilles, elles aussi arrondies, surprennent par leur grande taille.
Le lycaon est un animal bien proportionné, habitué à parcourir de grandes distances à la recherche de terrains de chasse favorables, grâce à sa musculature de marathonien développée mais fine. Sa légèreté, sa mobilité et sa célérité, couplées à un formidable esprit d'équipe, font de lui un chasseur efficace et redouté. La technique de chasse en meute est bien adaptée à sa taille, car son absence de puissance est alors compensée par l'endurance, la ruse et la mise en commun des capacités de chacun des chasseurs. Les femelles y semblent plus endurantes et plus rapides que les mâles.
Excepté sa couleur, sa fourrure présente peu d'intérêt. Le pelage ras, tacheté de jaune, de noir, de blanc ou de gris, est plus ou moins fourni et couvre l'ensemble du corps. Cependant, les poils sont parfois si clairsemés que la peau demeure visible sur de grandes parties du corps. Le lycaon est le seul canidé à posséder un manteau aussi coloré. Le noir du museau et le blanc de l'extrémité de la queue sont les seuls points communs à tous les lycaons. La répartition des autres couleurs, noir ou brun foncé, jaune et blanc, varie d'un animal à l'autre. En Afrique du Sud, les taches jaunes sont plus larges que chez les lycaons d'Afrique de l'Est.
Mâles et femelles sont très semblables. Leur taille et leur poids sont sensiblement identiques.
La régurgitation ne semble pas être une réaction réflexe à la sollicitation exercée par les chiots ou par d'autres adultes, mais un acte volontaire pouvant se produire à tout moment avant l'amorce du processus de digestion ; un mâle a été vu en train de régurgiter environ onze heures après la fin d'une chasse.
La vue est probablement le sens le plus aigu chez cette espèce, mais les autres sens sont, eux aussi, bien développés. L'odorat joue un rôle dans la reconnaissance des congénères appartenant à une meute étrangère. Lorsque l'animal séparé de sa meute cherche à la retrouver, il émet alors un cri de contact, une sorte de « hoo... hoo... hoo ». Il repère l'arrivée des prédateurs à l'ouïe.
Ses besoins en eau sont variables. Si l'animal peut se passer de boire, il met en revanche à profit toutes les mares qu'il rencontre pour se baigner dans leur eau souvent boueuse. En séchant, la boue adhère au pelage et constitue une isolation thermique et une protection contre les mouches ou les taons. Durant la période de reproduction, la présence d'une mare à proximité du terrier constitue un facteur propice à l'installation. Les femelles allaitantes ont souvent besoin de se réhydrater et elles peuvent alors aller s'abreuver seules.
Sous-espèces
Cinq sous-espèces ont été décrites d'après des critères morphologiques et à partir de spécimens isolés :
Lycaon pictus pictus, trouvé sur la côte du Mozambique en 1820 ;
L. p. lupinus a été décrit en 1902 ;
L. p. manguensis, type d'Afrique de l'Ouest, trouvé près de Manga, au Togo ;
L. p. sharicus, type sahélien, plus petit que les autres, découvert près de la rivière Shari, au Tchad ;
L. p. somalicus, plus à l'ouest du continent.
Les quatre dernières sous-espèces ont été identifiées au début du xxe siècle alors que le lycaon était encore abondant.
Il semblerait que les populations restantes appartiennent plutôt aux types L. p. pictus et/ou L. p. somalicus.
LYCAON |
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Nom (genre, espèce) : |
Lycaon pictus |
Famille : |
Canidés |
Ordre : |
Carnivores |
Classe : |
Mammifères |
Identification : |
Allure de chien svelte et longiligne ; pelage ras et multicolore ; oreilles grandes et arrondies ; pattes fines et longues ; queue terminée par un panache généralement blanc |
Taille : |
De 76 à 112 cm (tête-corps), de 30 à 41 cm (queue) |
Poids : |
Entre 17 et 36 kg, plus souvent autour de 25 kg ; les mâles et les femelles sont sensiblement de même poids et de même taille |
Habitat : |
Milieux ouverts, plaines ; savane herbacée et savane arbustive, forêts claires |
Répartition : |
Tanzanie, Botswana, Zimbabwe, Zambie, Éthiopie, Kenya, Malawi, Mozambique, Namibie, Afrique du Sud, Cameroun, Sénégal, République centrafricaine, Tchad, Soudan. Éteinte dans la plus grande partie de son aire de répartition historique. Présence incertaine en Algérie et au Swaziland |
Régime alimentaire : |
Carnivore |
Structure sociale : |
Meute d'environ 20 animaux ou plus |
Maturité sexuelle : |
Vers 20 mois (femelles) ; entre 20 mois et 5 ans (mâles) |
Saison de reproduction : |
Dure 3 mois, entre janvier et juin selon les lieux |
Durée de la gestation : |
De 69 à 73 jours |
Nombre de jeunes par portée : |
De 2 à 19 ; une portée par an |
Espérance de vie : |
11 ans |
Effectifs : |
Entre 3 000 et 5 500 individus à l'état sauvage |
Statut : |
Espèce classée dans la catégorie « en danger » par l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) depuis 1990 |
Signes particuliers
Pelage
La diversité de la coloration du pelage a intrigué un grand nombre de chercheurs, et certains se sont demandé si elle n'était pas déterminée génétiquement. La coloration pourrait intervenir dans la reconnaissance des animaux au sein d'un même groupe. Certains scientifiques ayant séjourné plusieurs années en Tanzanie et au Kenya ont noté les dessins de chaque animal pour le reconnaître individuellement.
Squelette
Le squelette et la musculature du lycaon démontrent son adaptation à la course (allongement des membres notamment et torsion du zeugopode). Comme les autres canidés, ce digitigrade marche sur l'extrémité de ses pattes (relèvement de l'autopode). Il est le seul représentant de cette famille à ne posséder que quatre doigts à chaque pied.
Oreilles
Elles sont garnies, côté réceptacle, de nombreux poils fins qui constituent une excellente barrière naturelle à la pénétration de petits insectes et de poussières légères. Le développement des pavillons fait des oreilles un instrument auditif très performant, puisque les chiens peuvent capter les sons de très loin. Comme chez beaucoup d'espèces animales vivant dans les pays chauds, les oreilles, par leur grande taille (de 9 à 12,5 cm), pourraient jouer un rôle dans la régulation de la température interne en offrant une plus grande surface de refroidissement.
Dentition
Les 42 dents se répartissent en : I3/3 ; C1/1 ; PM4/4 ; M2/3. Le lycaon possède une dentition bien adaptée au régime alimentaire carné. Les dents sont suffisamment acérées pour déchirer la chair, mais ne peuvent broyer les os.
Les autres lycaons
Dhole (Cuon alpinus)
Le dhole, Cuon alpinus, de la famille des canidés, est la seule espèce du genre Cuon. Il est parfois surnommé le « chien rouge » à cause de son pelage. Celui-ci, plus ou moins abondant et uni, est roux foncé à brun-roux avec du brun clair réparti sur le bas du corps et une longue queue noire assez touffue. Dans les contrées froides, en hiver, le dhole développe un pelage dense, long, assez doux au toucher. Durant la belle saison, celui-ci est plus court, s'éclaircit et tend vers le roux clair.
Le dhole se rencontre en Asie depuis le sud de la Sibérie jusqu'en Inde, en Chine, en Birmanie, sur la péninsule malaise et en Indonésie. Il est absent du Sri Lanka. En Asie centrale, il fréquente plutôt les espaces montagneux et les forêts denses.
Quelques individus sont sans doute encore présents dans les forêts montagneuses du Sichuan et dans la partie est du Tibet. Plus au sud, il occupe la forêt et la brousse indiennes au-dessus de 1 200 m d'altitude, les forêts d'altitude thaïlandaises au-dessus de 3 000 m. Il est très rare (peut-être éteint) au Bangladesh, en Birmanie et à l'est de l'Inde, et a disparu du Pendjab, de l'Haryana, du Gujerat et sans doute du Cachemire. Au Ladakh, seuls quatre individus ont été observés dans une forêt de haute altitude. Plus court sur pattes que le lycaon, le dhole mesure en moyenne 90 cm de long avec une queue de 40 à 45 cm, mais, en Asie centrale, il peut dépasser le mètre. Les mâles pèsent entre 15 et 20 kg et les femelles de 10 à 13 kg.
Il vit en groupes de 5 à 12 animaux, parfois plus, qui constituent chacun une sorte de famille élargie, plus territoriale que celle des lycaons. L'espèce chasse en groupe des proies d'une taille supérieure à la sienne. Son mode de chasse diffère de celui du lycaon. Moins véloce mais plus endurant que lui, le dhole poursuit sa proie sur de plus grandes distances. Pour conserver la cohésion du groupe, les chasseurs émettent des vocalisations de contact. Ils utilisent parfois les accidents de terrain pour mener leur proie vers un précipice. Au terme de la poursuite, ils l'entourent et commencent à l'attaquer et à la manger. En Inde, sa proie favorite est le chital, suivi du sambar, deux cervidés asiatiques. Dans d'autres régions, des reptiles, des caprins et ovins sauvages et des blaireaux sont aussi capturés. Le dhole consomme à l'occasion des végétaux. Il ne s'attaque ni au bétail ni à l'homme.
La saison de reproduction dure de septembre à février au nord et au centre de l'Inde et de septembre à décembre au sud.
Après une gestation de 60 à 62 jours, une portée de 4 à 6 petits, parfois 8 ou 9, la femelle met bas dans un terrier. Les femelles ont de 12 à 16 mamelles et allaitent pendant huit semaines. Après cette période, comme chez le lycaon, les petits sont nourris de viande régurgitée par les membres du groupe, qui alimentent de la même façon les jeunes après le sevrage.
Victime d'empoisonnements, le dhole fait l'objet d'une chasse importante partout où il est présent. En effet, les chasseurs le considèrent comme un concurrent car il consomme des antilopes. Il est protégé en Inde depuis 1972. En 1990, l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) a classé le dhole parmi les espèces vulnérables et dans la catégorie « en danger » en 2004. La sous-espèce indienne, Cuon alpinus primaevus, présente une régression inquiétante de ses effectifs en raison d'une sensibilité à certaines maladies, comme la rage. L'espèce est inscrite à l'annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction).
Milieu naturel et écologie
Autrefois présent dans une quarantaine de pays, le lycaon est une espèce exclusivement africaine. L'aire de répartition historique des lycaons s'étendait du nord-ouest-de la Côte d'Ivoire jusqu'au sud du Soudan et englobant le Burkina, le nord du Nigeria, le sud du Tchad et une grande partie de la République centrafricaine . L'espèce occupait également la majeure partie de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe, de l'Éthiopie à la Tanzanie et de l'Angola jusqu'en Afrique du Sud. de l'Afrique du SudDes populations éparses existaient également au nord de la Guinée, en Mauritanie et au sud de l'Algérie, dans le Tanezrouft, dans l'Adrar, dans l'Aïr et au Tibesti. Le lycaon habitait alors tous les types de milieux, à l'exception de la forêt tropicale et des zones désertiques ; certains observateurs rapportaient sa présence en montagne, quelquefois même jusqu'à 3 000 m d'altitude, car la neige ne l'effraie pas du tout.
Aujourd'hui, l'espèce a disparu de la plupart de ces régions. Son habitat s'est considérablement fragmenté et l'animal vit surtout dans quelques réserves et parcs nationaux africains. Sa préférence pour les milieux ouverts implique que les populations de lycaons se rencontrent plus souvent dans les pâturages, les savanes et les bois clairs.
La vie nomade
Le lycaon n'est ni un sédentaire ni un casanier. L'exploration des grands espaces ne lui fait pas peur ; un groupe de lycaons peut se déplacer sur des superficies allant de 500 km2 à 1 500 km2, selon la disponibilité des proies. Les plus grands territoires s'observent là où les espaces protégés sont très vastes.
Ce mode de vie nomade garantit, dans une certaine mesure, un prélèvement limité de proies dans un même site puisque l'animal renouvelle sans cesse son garde-manger avant de l'épuiser. Cette nomadisation présente de plus en plus de risques. Dès que le lycaon quitte les zones protégées des parcs et des réserves, il entre en contact avec l'homme et le bétail domestique.
Partout où la pression humaine s'accentue, l'espèce est en déclin. L'expansion des populations humaines contribue au morcellement des espaces vitaux dont il pouvait autrefois disposer et à l'isolement de certaines de ses populations dont les faibles effectifs ne permettent ni un renouvellement satisfaisant ni une vie sociale cohérente.
Dans bien des régions, il devient la cible des éleveurs qui lui reprochent de se nourrir au détriment de leur bétail et qui souhaitent le voir disparaître. Le remodelage de ses territoires originaux par la construction d'infrastructures humaines lui est également préjudiciable. Des chiens sauvages ont été retrouvés morts le long de la route traversant le parc national de Mikumi, en Tanzanie, ou bien au bord de celle menant aux chutes Victoria et longeant le parc de Hwange, au Zimbabwe.
Une place menacée dans l'écosystème
Une forte population de lycaons dans la savane est signe d'équilibre de l'écosystème de ce milieu où il tient une place prépondérante.
En abandonnant les restes des proies qu'il tue (gros herbivores, tels que zèbres, gnous et gazelles, et, dans une moindre mesure, petits mammifères, rongeurs et autres), le lycaon fournit une part de leur alimentation aux espèces charognardes que sont les vautours et les chacals.
Si les populations de lycaons sont suffisamment nombreuses, elles peuvent disputer avec succès leurs proies aux autres gros prédateurs d'herbivores, comme les lions et les hyènes.
Mais cet équilibre tend à disparaître depuis que les lycaons se raréfient. Les hyènes deviennent alors des ennemis redoutables pour les lycaons. La forte compétition alimentaire entre les deux espèces, dont les niches écologiques sont proches, et la fragilité des populations de chiens sauvages accentuent en effet la régression de ces derniers. Pour défendre leur butin, ils combattent les hyènes en les mordant férocement, mais celles-ci peuvent s'approprier la capture d'une meute de lycaons, l'obligeant à chasser de nouveau.
Les hyènes peuvent aussi s'attaquer aux chiots. Lorsque la meute est composée d'un petit nombre de lycaons adultes, tous les membres du groupe doivent alors partir en chasse. Le terrier demeure sans surveillance et les jeunes sont alors très vulnérables. La progression en nombre des populations de hyènes doit être mise en corrélation avec l'augmentation constatée de la mortalité chez les jeunes lycaons. Globalement, ce sont ainsi les hyènes qui ont le mieux tiré parti de la dynamique de l'écosystème Serengeti-Mara, et les lycaons en ont fait les frais. Au début des années 1990, les quelques dizaines d'animaux qui y survivaient avaient disparu, le coup fatal ayant été probablement donné par une épidémie de rage et par la maladie de Carré causée par le virus CDV (Canine Distemper Virus). Entre 1990 et 2000, de petits groupes furent pourtant de nouveau observés dans les secteurs de Loliondo et du Ngorongoro, et un projet de conservation fut lancé en 2005. Mais l'espèce reste au bord de l'extinction dans cette région. La population totale de lycaons est estimée à 3 000 - 5 500 individus, dont moins de 2 500 animaux matures : les populations les plus importantes sont en Afrique australe (surtout dans le nord du Botswana, dans l'ouest du Zimbabwe, dans l'est de la Namibie et dans le Parc national Kruger, en Afrique du Sud) et dans la partie méridionale de l'Afrique de l'Est (pour l'essentiel en Tanzanie jusque dans le nord du Mozambique). La réserve de Selous (43 000 km2 dans le sud de la Tanzanie) abrite 800 animaux ; celle de Moremi, au Botswana, environ 700 ; le parc national de Hwange, au Zimbabwe, environ 800 ; le Parc national Kruger, en Afrique du Sud, environ 360 individus répartis en 27 meutes.
Des recherches en vue de mieux connaître et sauver l'espèce
Divers programmes de recherche ont été développés dans plusieurs pays. Dans le parc Kruger, en Afrique du Sud, on étudie les rapports prédateur-proie, à l'intérieur et à l'extérieur du parc, pour mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes et pour tenter d'évaluer l'importance de la prédation sur le bétail qui pâture aux abords de la zone protégée. Ce genre d'étude peut permettre de résoudre les conflits entre les hommes et les animaux.
Des recherches similaires ont été conduites au Botswana, en particulier dans la réserve de Moremi et dans les parcs nationaux de Chobe et de Nxai Pan.
En Tanzanie, parallèlement au suivi des populations, des lycaons ont été réintroduits à partir de 1995 dans la réserve de chasse de Mkomazi, devenue parc national en 2005. Le Kenya, quant à lui, s'est surtout spécialisé dans l'établissement de la structure génétique de différents groupes de lycaons présents sur son territoire. Trois programmes de réintroduction du lycaon ont été tentés dans le parc namibien d'Etosha, mais sans succès.
Des maladies contribuent au déclin des populations
Comme les autres canidés, le lycaon est sensible à certaines maladies. La vie en groupes sociaux facilite une transmission assez rapide des infections d'un animal à l'autre. Entre 1927 et 1933, dans le sud du parc Kruger, en Afrique du Sud, les lycaons ont presque tous disparu, infectés par Rickettsia canis, germe transmis par un ixode (tique). Les rickettsioses, ou typhus à tiques, provoquent des fièvres boutonneuses mortelles. Au contact des animaux domestiques, le lycaon contracte des maladies souvent mortelles. En 1968 avait déjà été découverte chez les lycaons du Serengeti la présence d'un agent de la brucellose bovine, Brucella abortus, dont les bovins sont le réservoir naturel. Outre la maladie de Carré, qui semble bien avoir décimé les maigres populations restantes du Serengeti et qui a sans doute été introduite au début du xxe siècle en Afrique de l'Est, les animaux sont surtout victimes de la rage.
Ces différentes infections pourraient engendrer de véritables épidémies et contribuer à des pertes importantes et donc à la raréfaction des lycaons. L'homme, en tant que gestionnaire de la faune sauvage, doit alors intervenir préventivement par le prélèvement des individus malades ou par la vaccination à titre prophylactique pour protéger les espèces sauvages ou domestiques susceptibles d'être contaminées.
La vaccination a été expérimentée sur des lycaons détenus en captivité. La mise au point de vaccins efficaces et sans danger n'a pour l'instant pas été réussie. Mais les succès de la vaccination orale contre la rage effectués en Europe, Allemagne et France notamment, sur les renards roux sont encourageants.
Le lycaon et l'homme
Un chien africain injustement persécuté
Le lycaon, qui joue un rôle indispensable dans la nature, est une espèce au bord de l'extinction. L'élevage en captivité, en vue de sa réintroduction dans le milieu naturel, semble être sa meilleure chance de survie.
Un nom de légende
Lycaon dérive du grec « Lukaôn ». Dans la mythologie grecque, Lukaôn, fils de Pelasgos et roi d'Arcadie, était réputé pour son impiété. Il servit de la chair humaine à Zeus, qui s'était dissimulé sous l'habit d'un paysan. Furieux, Zeus se vengea en transformant Lukaôn en loup et en foudroyant 49 de ses 50 enfants. Seul Nyctimos échappa à la colère de Zeus et devint roi. Il se pourrait que le mythe de Lukaôn fasse référence aux sacrifices humains pratiqués alors en Arcadie.
À travers les siècles, l'animal conserve sa réputation. Le premier écrivain français mentionnant son nom est Rabelais, en 1552, dans le tome II du Quart Livre des faits et dits héroïques du noble Pantagruel, mais il n'est pas certain que l'intention de l'auteur soit d'évoquer le lycaon. Des chercheurs du CNRS pensent qu'il s'agit peut-être du guépard. C'est ensuite Victor Hugo qui mentionne le « lycaon hideux » dans son Théâtre en liberté, en 1885, et le décrit sous un jour défavorable. Le poète français René Char (1907-1988) écrit dans les Matinaux que « l'histoire n'est que le revers de la terre des maîtres. Aussi, une terre d'effroi où chasse le lycaon et que racle la vipère ».
Des scientifiques ont tenté de redonner une image plus positive de l'animal. Dans Tueurs innocents, Hugo Van Lawick et Jane Goodall rappellent que sa prétendue cruauté constitue en réalité son unique moyen de survie.
Une mauvaise réputation tenace
Le lycaon ne bénéficie pas d'une bonne image de marque, contrairement à d'autres prédateurs tels le lion, la panthère ou le guépard. Son mode de chasse y est pour quelque chose. En 1914, le chasseur R.C.F. Maugham, dans son ouvrage Chasses sauvages au Zambèze, décrit le lycaon comme un animal abominable et cruel et souhaite ardemment son extermination totale. Le lycaon a été persécuté par l'homme jusqu'à une date récente. Rarement effrayé par l'homme et ses véhicules, il se laisse facilement approcher et tuer. Partout traqué, abattu, empoisonné, le lycaon paie lourdement sa réputation d'animal féroce. Au Zimbabwe, on estime que 3 400 lycaons ont été tués entre 1956 et 1975, y compris dans le parc national de Hwange. Souvent, les mesures de protection n'ont été mises en place par les gouvernants africains que tardivement, quand les populations atteignaient un seuil critique et n'ont pas, ou très peu, été respectées comme en témoigne par exemple l'empoisonnement volontaire d'une vingtaine d'animaux dans la réserve de Loliondo en décembre 2007.
Élevage et reproduction en captivité
Les différents parcs zoologiques du monde abritent 637 lycaons. Dans certains cas extrêmes, le maintien en captivité d'une espèce menacée peut contribuer à sa sauvegarde. Des programmes officiels d'élevage en vue d'une réintroduction des animaux dans leur milieu naturel sont conduits dans certains parcs zoologiques avec des scientifiques. Mais les recherches génétiques semblent confirmer une différence entre les lycaons d'Afrique australe, auxquels appartiennent la majorité des animaux vivant en captivité, et ceux d'Afrique de l'Est étudiés sur le terrain. Ce qui exclut, a priori, d'éventuelles réintroductions ailleurs qu'en Afrique du Sud, pour préserver la pureté de l'espèce.
Le classement du lycaon en espèce protégée, l'arrêt de la persécution, la création de parcs nationaux et de réserves naturelles sont les garanties à obtenir des pays d'Afrique pour sauvegarder l'espèce dans son milieu naturel, d'autant que la détention en captivité des lycaons pose des problèmes sérieux en raison de la forte mortalité des jeunes, sans doute due à la difficile reproduction de la structure sociale complexe des groupes.