entelle

Entelle
Entelle

La mythologie indienne fait des entelles les descendants du dieu-singe Hanuman. Bouddhistes et hindous les vénèrent et leur ouvrent leurs temples. Habitants du sous-continent indien, les entelles, singes sacrés, souffrent pourtant aujourd'hui des activités humaines.

Introduction

Les primates forment un groupe ancien de mammifères qui partagent leurs plus lointains ancêtres avec les insectivores. Les premiers primates vivaient sans doute à la fin de l'ère secondaire, il y a 70 millions d'années. Le plus ancien fossile connu présentant des caractères associés aux primates est Purgatorius unio, d'Amérique du Nord. C'était un petit animal arboricole et végétarien de la taille d'un rat. Après lui, on trouve des primates de la taille d'un écureuil ; ils ont une longue queue, et leurs quatre membres se terminent par cinq doigts dont un pouce opposable. À la fin de l'éocène, il y a environ 36 millions d'années, leurs descendants, les simiiformes (singes) sont déjà des primates modernes (leur crâne est mieux développé).

Les singes regroupent les singes du Nouveau Monde (platyrhiniens) et ceux de l'Ancien Monde (catarhiniens). Parmi ces derniers, la famille des cercopithécidés, à laquelle appartiennent les entelles, était déjà présente en Afrique au début du miocène, il y a une vingtaine de millions d'années, avec Prohylobates et Victoriapithecus, qui pesaient entre 5 et 25 kg selon les espèces et étaient probablement arboricoles.

La diversification de la famille des cercopithécidés en deux sous-familles bien différenciées est plus récente, puisqu'elle remonterait seulement à quelque 7 à 8 millions d'années. D'un côté, les cercopithécinés avec, entre autres, les cercopithèques, les macaques et les babouins actuels, tous relativement omnivores, qui sont restés très proches de leurs ancêtres de la fin du tertiaire ; de l'autre, les colobinés, qui regroupent les doucs, les nasiques, les entelles et les colobes africains. Ces derniers, tous presque exclusivement végétariens, sont très différents des premiers animaux de ce groupe qui comptait, au pliocène, Mesopithecus en Europe et au Moyen-Orient et Dolichopithecus en Europe.

Aujourd'hui, sur le sous-continent indien, des pentes de l'Himalaya à Sri Lanka, les entelles, ou singes sacrés (genre Semnopithecus), sont, comme les autres colobinés, menacés par la régression de la forêt tropicale.

La vie des entelles

Un mode de vie paisible en harems ou en bandes

Les entelles, dans l'ensemble, vivent plutôt en groupes mixtes ou en harems. Tout dépend, notamment, de leur densité, très variable, et de la richesse du milieu. Ainsi, dans des zones de prairies et de cultures, il arrive que l'on compte seulement trois animaux au km2, tandis que les forêts tropicales peuvent en héberger jusqu'à 130 au km2.

Si la densité d'entelles est relativement faible par rapport à la richesse de la forêt, les animaux vivent plutôt en groupes mixtes : plusieurs mâles cohabitent avec les femelles adultes accompagnées de leurs jeunes. Si la densité est proche du maximum possible, la structure sociale se modifie : certains mâles vivent seuls avec leur harem de femelles adultes et les jeunes de celles-ci, tandis que les autres mâles célibataires se regroupent en bandes.

Le domaine vital d'un groupe mixte peut varier de 0,05 à 13 km2, et celui d'une troupe de mâles de 7 à 22 km2.

Naturellement pacifiques

Les entelles communs sont, de façon générale, paisibles et peu agressifs, par comparaison aux macaques habitant les mêmes forêts, surtout quand les densités ne sont pas trop élevées et les ressources, abondantes. Les troupes voisines ont alors souvent des domaines vitaux qui se chevauchent, et chacune n'en défend vraiment que le centre. Les disputes sont vocales, et des aboiements, brefs et sonores, permettent aux animaux de chaque groupe de se repérer et de respecter des distances raisonnables entre eux.

Lorsque le chef d'une troupe est remplacé par un autre mâle issu de la communauté, le changement s'opère sans violence et le nouveau dominant ne chasse pas son prédécesseur du groupe.

Très agressifs quand leur nombre s'accroît

En revanche, quand les densités sont plus fortes, les mâles qui vivent en harems sont régulièrement harcelés par des mâles célibataires désireux de prendre leur place. Les combats sont alors fréquents et, souvent, assez violents. Les célibataires peuvent se mettre à plusieurs pour évincer un chef de harem, puis ils poursuivent le combat entre eux jusqu'à ce que l'un d'eux s'impose comme dominant et s'approprie les femelles.

Celles-ci restent habituellement en dehors de ces conflits, mais, souvent, dans ces périodes de grand désordre, les jeunes se trouvent séparés de leur mère et en pâtissent. Quand les disputes se succèdent, le nombre des naissances décroît. Si les effectifs sont très denses, les comportements agressifs des mâles auront tendance à réduire la survie des jeunes, et donc à ralentir, voire à stopper la croissance de la population, ce qui, en retour, entraîne une diminution de l'agressivité.

Des sauts puissants

Des sauts puissants



L'entelle se rattrape en écartant mains et pieds pour mieux saisir une nouvelle prise. Par ses bonds, l'animal est capable de franchir 4 m à l'horizontale et de 10 à 12 m en oblique.

Lors du saut, le singe donne une forte impulsion des pattes postérieures, utilisant parfois l'élasticité de la branche d'appel pour prendre de l'élan, et il tend ses bras en avant, au-dessus de sa tête, prêt à se recevoir sur l'arbre voisin.

Un dévoreur de feuilles

L'entelle commun se nourrit, aussi bien à terre que dans les arbres, essentiellement de feuilles, qu'il trouve en abondance dans la forêt tropicale. Il doit avaler d'immenses quantités de ces feuilles difficiles à digérer pour compenser leur faible rendement énergétique. Grâce à son système digestif bien particulier, il peut même consommer des espèces végétales dangereuses, voire mortelles, pour d'autres singes. Ainsi, il mange en toute impunité les fruits de la noix vomique, Strychnos nusvomica, qui tueraient certainement un macaque rhésus. Il ne dédaigne pas non plus le calotropis, au latex tellement repoussant que même les insectes ne s'y attaquent pas. L'abondante sécrétion de ses glandes salivaires facilite la fermentation des aliments, dans la première partie de son estomac.

Outre des feuilles d'arbre – il choisit les plus tendres –, l'entelle se nourrit aussi de bourgeons, de petits rameaux, de fleurs et de fruits. On l'a vu également manger de la terre argileuse, des insectes, des galles d'insectes, des champignons, des gommes végétales, des racines et le cœur de certaines tiges. Pour ce qui est de l'eau, il en absorbe déjà une grande quantité dans ses aliments et boit, à l'occasion, dans des cavités naturelles sur les arbres où il se déplace.

Le groupe cherche surtout sa nourriture aux heures fraîches de la journée, tôt le matin ou tard l'après-midi. Au milieu du jour, les singes se reposent à l'ombre d'un arbre ou de rochers.

Une bonne faculté d'adaptation

Tout au nord-ouest de l'aire de répartition de l'espèce, dans les hautes vallées du Cachemire, entre l'Inde et le Pakistan, les entelles communs vivent autour de 3 600 m d'altitude en été et ne descendent pas au-dessous de 2 000 m en hiver. Ils adaptent alors leur régime à une végétation qui n'est plus tellement tropicale. Ils se nourrissent des fruits et des feuilles du marronnier de l'Himalaya, de l'érable, du pin bleu et de l'if. En hiver, leur consommation de conifères augmente, sans doute plus par nécessité que par goût, et ils sont, alors, souvent obligés de passer pratiquement la journée entière à s'alimenter. Il n'y a que l'été, quand les journées sont plus chaudes, qu'ils peuvent se reposer en milieu de journée.

Là aussi, les singes descendent volontiers à terre et savent profiter de toutes les plantes disponibles, même s'ils apprécient surtout, au début de l'été, les fruits des ronces et des arbustes comme les viornes. Dans ces zones de montagne où les sources ne manquent pas, ils peuvent boire autant qu'ils le souhaitent, même s'ils supportent fort bien la sécheresse.

Un estomac à poches

Un estomac à poches



L'entelle adulte possède un estomac très volumineux qui peut représenter le quart de la masse d'un adulte et près de la moitié de celle d'un jeune presque sevré. Dans sa partie antérieure, cet estomac présente des poches. Comme dans la panse d'un ruminant, les feuilles dont l'animal se nourrit y subissent une fermentation anaérobique qui dégrade leur cellulose en substances assimilables. Les bactéries qui permettent cette prédigestion enlèvent aussi toute nocivité aux plantes vénéneuses et assurent le recyclage de l'urée, ce qui permet à l'animal de survivre dans des milieux où nourriture et eau sont rares. Enfin, la partie postérieure de l'estomac sécrète des acides.

Principales espèces végétales consommées

Principales espèces végétales consommées



Certains entelles consomment de nombreuses espèces végétales et d'autres ont un régime hyperspécialisé, comme l'entelle de Sri Lanka (Semnopithecus priam), qui se nourrit de cinq plantes seulement mais surtout de deux d'entre elles (81 % de son alimentation). Pour le semnopithèque de Sumatra (Presbytis melalophos) au contraire, les dix plantes les plus consommées ne représentent que 27 % des végétaux absorbés.

Un petit tout rose et très convoité

Bien que l'espèce vive, dans l'ensemble, sous un climat tropical, il existe chez l'entelle une saison de reproduction où se concentre l'essentiel des naissances. Dans le nord de l'Inde, les naissances ont surtout lieu entre avril et mai, même si l'on peut rencontrer des jeunes dès le mois de février. Dans le sud, les mises-bas se situent de décembre à mars, et surtout en janvier-février. En Inde occidentale, les petits viennent au monde entre novembre et mars, alors qu'à Sri Lanka on observe deux pics de naissance, le premier entre mars et mai et le second en septembre.

À l'époque des chaleurs, les femelles ne présentent aucun signe particulier. Le mâle dominant assure l'essentiel de la reproduction. Après un peu plus de six mois de gestation naît un petit singe (rarement des jumeaux) au pelage foncé, mais sa face, les paumes de ses mains et de ses pieds et la peau du corps sont rose clair.

Du « baby-sitting » au rapt

Cette coloration rend le bébé très attractif et tous veulent le renifler et le manipuler. Une certaine forme de « baby-sitting sauvage » s'instaure, qui permet à la mère d'aller se nourrir tranquillement pendant que ses congénères gardent son petit et, parfois, l'allaitent. Il arrive que la mère ait du mal à récupérer son rejeton tant les autres femelles s'y intéressent. Les disputes ne sont pas rares, et le jeune singe, ballotté de l'une à l'autre, en fait parfois les frais. Certaines situations ressemblent même à des rapts !

Vers trois mois, le pelage du jeune singe sacré s'éclaircit, progressivement, de la tête jusqu'aux pieds. De beige, il devient blanc crème à six mois, et argenté à l'adolescence, tandis que la peau noircit.

Après le sevrage définitif, qui a lieu vers dix à douze mois, les femelles restent dans leur groupe de naissance, mais, à leur maturité, les mâles sont chassés par le dominant et rejoignent les troupes de célibataires.

Infanticides à l'occasion

Infanticides à l'occasion



Lors des changements de chef, il arrive que le nouveau mâle dominant pourchasse des femelles pour leur ravir leurs petits et tuer ces derniers à coups de dent. Le nouveau dominant provoque ainsi un retour en chaleur des femelles, qui lui permet d'engendrer sa propre descendance. Mais on a aussi observé des infanticides sans changement de mâle dominant, et des mâles qui tuaient leurs propres petits, signe de très forte tension dans la troupe. Souvent, les femelles font bloc pour s'opposer au rapt.

Pour tout savoir sur l'entelle

Entelle (Semnopithecus entellus)

L'entelle, ou singe sacré, a deux traits caractéristiques : des formes fines et élancées qui le différencient du macaque, nettement plus lourd, et une face noire aux yeux curieux entourée de poils blancs formant une sorte de cagoule à visière.

La longueur de ses membres montre sa parfaite adaptation à la vie arboricole. Il présente les caractéristiques du groupe des colobinés, à savoir des mains et des pieds relativement longs du fait d'un développement important des phalanges, et des pouces courts, surtout ceux de la main. Cette longue main permet de bonnes prises lors des déplacements dans les arbres.

Sur les grosses branches, les entelles se déplacent à quatre pattes, mais sur les rameaux plus fins, ils grimpent et font de l'escalade. Quand ils ne sautent ni ne courent, les entelles se reposent, assis. Il leur arrive de s'allonger sur le ventre ou sur le flanc, mais leur position habituelle est d'être assis sur les fesses, aussi bien pour manger que pour dormir. L'entelle a une callosité ischiale sur chaque fesse. Ces callosités sont contiguës chez le mâle, mais nettement séparées chez la femelle, contrairement à ce que l'on observe chez les babouins ou les macaques.

Les sens de l'entelle sont probablement proches de ceux de l'espèce humaine. La vision binoculaire bien développée permet une juste perception des distances, ce qui est essentiel lors des sauts d'arbre en arbre. L'ouïe est comparable à la nôtre. L'odorat n'est peut-être pas très utilisé, étant donné que la plupart des communications sont auditives et visuelles. Ce sens est néanmoins important à courte distance pour sélectionner l'alimentation, et dans les relations interindividuelles (mère-jeune et adultes entre eux).

Comme tous les colobinés, le singe sacré a un thorax assez large, mais, à la différence des autres membres de sa sous-famille, il n'a pas un très gros ventre et ce, malgré le fort développement de son estomac.

La longue queue de l'entelle a un diamètre quasi constant à tout âge et ne présente pas de touffe terminale, comme chez d'autres colobinés. Pendant les courses et les sauts, à terre comme dans les branches, elle lui sert de balancier ou de contrepoids. Quand il est assis sur une branche, sa queue, pendante, joue un rôle de stabilisateur en abaissant son centre de gravité. Chez les jeunes animaux, elle est, aussi, l'objet de nombreux jeux.

Si les paumes des mains et des pieds sont nues, le dessus est recouvert de fourrure nettement plus foncée que le reste du corps.

          

ENTELLE

Nom (genre, espèce) :

Semnopithecus entellus

Famille :

Cercopithécidés

Ordre :

Primates

Classe :

Mammifères

Identification :

Singe élancé, au pelage de couleur crème ou gris et à la peau noire ; longue queue

Taille :

Tête et corps : de 41 à 78 cm ; queue : de 69 à 108 cm

Poids :

De 5,4 à 23,6 kg ; le mâle est le plus lourd

Répartition :

Est de l'Inde et ouest du Bangladesh

Habitat :

Forêts, milieux ouverts, villes, villages, temples, jusqu'à 400 m  d'altitude

Régime alimentaire :

Herbivore strict à dominante folivore

Structure sociale :

Groupes mixtes, avec 1 mâle dominant le plus souvent, et groupes de mâles célibataires

Maturité sexuelle :

Femelle : 3 ou 4 ans ; mâle : 4 ou 5 ans, jusqu'à 7 ans

Saison de reproduction :

Toute l'année, mais pics saisonniers selon les régions

Durée de gestation :

190-210 jours

Nombre de jeunes par portée :

1 de 0,6 à 1,2 kg à la naissance ; 1 portée tous les 2 ans

Longévité :

25 ans

Effectifs :

Inconnus ; populations en baisse

Statut :

Espèce sacrée en Inde, protégée par les législations indienne et bangladaise ; inscrite en Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction)

Signes particuliers

Tête et oreilles

Le profil souligne la platitude de la face et la nudité des oreilles. Les pavillons auditifs sont souples, mais pratiquement immobiles. Les sourcils, très développés et dirigés vers l'avant, font à l'animal une véritable visière. Sur le sommet du crâne, les poils forment une petite houppe dirigée, elle, vers l'arrière.

Face

Sur le visage, de face, l'encadrement bien net des poils laisse le museau noir très dégagé. Comme chez tous les singes de l'Ancien Monde, les narines sont rapprochées. L'écartement des yeux, relativement grand, contribue à améliorer la vision binoculaire. La vision stéréoscopique est une acquisition des primates, liée à la vie arboricole. Comme chez tous les singes – à l'exception des espèces nocturnes (les douroucoulis d'Amérique du Sud, genre Aotus) –, la rétine est composée de cônes et de bâtonnets. Les cônes donnent une bonne acuité visuelle et la vision des couleurs. Les bâtonnets, plutôt situés en périphérie de la rétine, permettent une certaine vision dans la pénombre. Chez le singe sacré, la zone centrale de la rétine est ainsi composée de cellules en cônes avec la fovéa (point d'acuité visuelle maximum) placée en son centre.

Dents

Comme celle de l'homme, la dentition du singe sacré comporte 32 dents. Les canines des mâles sont nettement plus développées que celles des femelles et leur servent probablement lors des luttes ayant pour enjeu la domination des groupes de femelles et de jeunes. Les molaires et les prémolaires sont munies de pointes, ou cuspides. L'intérieur des molaires du haut et l'extérieur de celles du bas sont moins renforcés et moins convexes que chez les cercopithécinés (macaques, babouins…). Cette différence caractéristique est importante, surtout, pour reconnaître les primates fossiles. N'ayant pas à stocker de nourriture dans ses joues, le singe sacré n'a pas de poche jugale.

Les autres colobinés

La sous-famille des colobinés, dont le nom fait référence au tout petit pouce des mains, se répartit en Asie du Sud-Est (genres Semnopithecus, Presbytis, Trachypithecus, Nasalis, Simias, Pygathrix et Rhinopithecus) et en Afrique (Colobus, Procolobus et Piliocolobus).

Certains de ces colobinés sont parmi les singes les plus colorés et les plus spectaculaires. Leur régime alimentaire très spécialisé les rend particulièrement sensibles à la déforestation.

Entelles, langurs, semnopithèques

Genre Semnopithecus

Outre Semnopithecus entellus, le genre renferme six espèces (traditionnellement toutes considérées comme des sous-espèces de Semnopithecus entellus, elles ont été élevées au rang d'espèces à part entière).

Répartition : sous-continent indien. Semnopithecus ajax : nord-ouest de l'Inde ; Semnopithecus dussumieri : centre-est et sud-ouest de l'Inde ; Semnopithecus hector : Bhoutan, Népal, nord de l'Inde ; Semnopithecus hypoleucos : sud-ouest de l'Inde ; Semnopithecus priam : sud-est de l'Inde et Sri Lanka ; Semnopithecus schistaceus : chaîne de l'Himalaya.

Statut : Semnopithecus ajax est en danger, Semnopithecus hypoleucos est vulnérable, Semnopithecus priam et Semnopithecus hector sont quasi menacés.

Genre Presbytis

Onze espèces.

Identification : de 42 à 61 cm (tête et corps) ; queue de 50 à 85 cm ; poids de 5 à 8 kg. Face sans arcade sourcilière marquée. Un nouveau-né blanc ou blanchâtre par portée.

Répartition : forêts tropicales pluvieuses d'Asie du Sud-Est. Presbytis femoralis : Malaisie, Sumatra, Bornéo et petites îles ; Presbytis melalophos : Sumatra ; Presbytis siamensis : est de Sumatra, archipel Riau, péninsule malaise, extrême sud de la Thaïlande ; Presbytis comata : ouest de l'île de Java, jusqu'à 2 600 m ; Presbytis thomasi : nord de Sumatra ; Presbytis potenziani : îles Mentawai ; Presbytis chrysomela, Presbytis rubicunda, Presbytis frontata et Presbytis hosei : Bornéo ; Presbytis natunae : île Bungunran (dans les îles Natuna, au large de la côte nord-occidentale de Bornéo).

Comportement : nettement arboricoles et végétariens. Les espèces qui cohabitent se partagent les étages de la forêt. Petits groupes familiaux de un mâle et de deux à six femelles. Domaine vital de 35 à 40 ha par groupe.

Statut : les effectifs de ces semnopithèques sont en baisse ; ils souffrent de la déforestation, de la conversion de parcelles en plantations pour la production d'huile de palme, et, pour certains, de la chasse. Le plus menacé est Presbytis chrysomelas (en danger critique d'extinction) ; il en subsiste à peine 200 à 500 individus. Presbytis comata, Presbytis melalophos et Presbytis potenziana sont en danger ; Presbytis natunae, Presbytis thomasi, Presbytis hosei et Presbytis frontata sont vulnérables.

Genre Trachypithecus

Seize espèces.

Identification : de 40 à 76 cm (tête et corps) ; queue de 57 à 110 cm ; poids de 4 à 14 kg. Pelage sombre, brun ou noir, sauf Trachypithecus geei (pelage jaune doré). Nouveau-nés jaune brillant ou rouge-orange. Chez Trachypithecus obscurus et Trachypithecus phayrei, cercles clairs autour des yeux.

Répartition : forêts d'Asie. Trachypithecus vetulus : Sri Lanka ; Trachypithecus johnii : sud de l'Inde ; Trachypithecus geei : frontière Assam-Bhoutan ; Trachypithecus pileatus : Bangladesh, Assam et nord de la Birmanie ; Trachypithecus phayrei : de l'Assam au sud de la Chine ; Trachypithecus francoisi : du Laos au sud de la Chine ; Trachypithecus cristatus : de la Birmanie à Java et Sumatra ; Trachypithecus auratus : Java ; Trachypithecus obscurus : péninsule malaise ; Trachypithecus barbei : sud-ouest de la Thaïlande, nord-est de la Birmanie ; Trachypithecus delacouri : centre-nord du Viêt Nam ; Trachypithecus germaini : Cambodge, Viêt Nam, Laos ; Trachypithecus hatinhensis : Viêt Nam, Laos ; Trachypithecus poliocephalus : nord du Viêt Nam, sud de la Chine ; Trachypithecus shortridgei : nord-est de la Birmanie, sud-ouest de la Chine ; Trachypithecus laotum : Laos.

Comportement : semblable à celui des Presbytis.

Statut : Trachypithecus delacouri et Trachypithecus poliocephalus sont en danger critique d'extinction ; sept espèces sont en danger (Trachypithecus francoisi, Trachypithecus geei, Trachypithecus germaini, Trachypithecus hatinhensis, Trachypithecus phayrei, Trachypithecus shortridgei, Trachypithecus vetulus) ; quatre sont vulnérables (Trachypithecus auratus, Trachypithecus johnii, Trachypithecus laotum, Trachypithecus pileatus). En Chine, les Trachypithecus sont chassés pour leurs prétendues vertus médicinales.

Nasique

Nasalis larvatus

L'une des deux espèces du genre Nasalis.

Identification : l'un des plus grands colobinés : de 66 à 76 cm (tête et corps) ; queue de 56 à 76 cm pour un mâle de 16 à 22 kg. Femelle de 7 à 11 kg. Long nez des mâles adultes pendant devant leur bouche. Pelage à dominante rouge.

Répartition : mangroves de Bornéo.

Comportement : groupes de un mâle pour deux à sept femelles. Possibilité de rassemblements temporaires. Nage souvent et volontiers, même sous l'eau. Mange surtout des feuilles (95 % de son alimentation).

Statut : en danger, effectifs en déclin.

Nasique des îles Pangai

Simias concolor (précédemment Nasalis concolor)

Appelé aussi entelle de Pagi.

Seconde espèce du genre Nasalis.

Identification : queue petite et nue (13-18 cm) ; poids de 7 à 10 kg. Nez retroussé. Pelage plus brun que rouge.

Répartition : forêts intérieures des îles Mentawai.

Comportement : arboricole. Vit en couple avec ses jeunes sur 25 à 30 ha, mange surtout des feuilles.

Statut : espèce en danger critique d'extinction, effectifs (estimés entre 6 700 et 17 300 individus) en déclin.

Doucs

Genre Pygathrix

Trois espèces.

Identification : de 61 à 76 cm ; queue de 56 à 76 cm. Pygathrix Nemaeus et Pygathrix cinerea : face jaune et favoris blancs. Pygathrix nigripes : face gris-bleu, membres postérieurs noirs.

Répartition : forêts, de la côte jusqu'à 2 000 m d'altitude. Pygathrix nemaeus : centre du Viêt Nam, centre-est du Laos et nord du Cambodge ; Pygathrix nigripes : sud du Viêt Nam, nord-est du Cambodge ; Pygathrix cinerea : centre du Viêt Nam.

Comportement : mal connu, groupes de 4 à 15 animaux, ou troupes de 30 à 50 singes ; une hiérarchie par sexe. Mangent feuilles et fruits.

Statut : les trois espèces de doucs sont très menacées : Pygathrix cinerea est en danger critique d'extinction (population estimée entre 550 et 700 individus) ; Pygathrix Nemaeus et Pygathrix nigripes est en danger.

Rhinopithèques ou singes dorés

Genre Pygathrix ou Rhinopithecus

Quatre espèces.

Identification : de 51 à 83 cm (tête et corps) ; queue de 51 à 92 cm ; fourrure dorée, très épaisse en hiver. Nez retroussé.

Répartition : montagnes jusqu'à 4 000 m d'altitude, là où la neige peut persister six mois par an. Pygathrix (Rhinopithecus) roxellana : sud du plateau tibétain chinois (Hubei, Shaanxi, Gansu, Sichuan et Yunnan) ; Pygathrix (Rhinopithecus) bieti : Yun-ling, Tibet et Yunnan ; Pygathrix (Rhinopithecus) brelichi : Fanjin (province de Guizhou) ; Pygathrix (Rhinopithecus) avunculus : nord du Viêt Nam.

Comportement : groupes de un mâle dominant avec de trois à cinq femelles ; grands territoires, jusqu'à 20 km2 en milieu pauvre. Mangent aiguilles de pin, pousses de bambou, bourgeons, fruits et feuilles.

Statut : espèces très menacées : Rhinopithecus avunculus est en danger critique d'extinction (population connue estimée à 250 individus ; effectifs en baisse) ; les deux autres espèces sont menacées.

Colobes

Genre Colobus : cinq espèces ; Procolobus : sept espèces, dont cinq placées par certains auteurs dans le genre Piliocolobus. Ce sont les seuls colobinés d'Afrique.

– les colobes noir et blanc ; cinq espèces très arboricoles et végétariennes ; groupes de un mâle avec trois ou quatre femelles et leurs jeunes (domaines vitaux en général inférieurs à 15 ha, pelage noir avec marques blanches (tour du visage, queue, flancs), de 45 à 72 cm, queue de 52 à 100 cm, poids de 5 à 15 kg. Nouveau-nés blancs. Colobus guereza : de l'est du Nigeria à l'Éthiopie et à la Tanzanie ; Colobus angolensis : de l'Angola à la Zambie ; Colobus polykomos : de la Gambie à la Côte-d'Ivoire ; Colobus vellerosus : de la Côte-d'Ivoire au Nigeria ; Colobus satanas, colobe tout noir : sud du Cameroun, Guinée-Équatoriale et Gabon ; troupes de 15 animaux (domaine de 60 ha).

– les colobes bais (six espèces) : de 45 à 67 cm, queue de 52 à 80 cm, poids de 5 à 11 kg, pelage bai. Procolobus (Piliocolobus) badius : du Sénégal au Ghana ; Procolobus (Piliocolobus) pennantii : du sud-est du Nigeria au Congo ; Procolobus (Piliocolobus) rufomitratus : de la République démocratique du Congo à la Tanzanie ; Procolobus (Piliocolobus) gordonorum : Tanzanie ; Procolobus (Piliocolobus) kirkii : Zanzibar ; Procolobus preussi : sud-est du Nigeria, sud-ouest du Cameroun. Troupes mixtes non territoriales (jusqu'à 80 animaux hiérarchisés). Domaines de 8 à 132 ha.

– le colobe vert, Procolobus verus, arboricole, se nourrit surtout de feuilles et fréquente la strate intermédiaire des arbres, de la Sierra Leone au Bénin (autre population isolée plus petite au sud-est du Nigeria). Groupes de 10 à 15 animaux avec plusieurs mâles adultes. Cris variés. Lors des déplacements, la femelle porte son jeune plusieurs semaines dans sa bouche.

Statut : les colobes bais sont très menacés : deux espèces sont en danger critique d'extinction (Procolobus preussi, Procolobus pennantii), trois sont en danger (Procolobus badius, Procolobus gordonorum, Procolobus kirkii). Parmi les colobes, trois espèces sont vulnérables (Colobus polykomos, Colobus vellerosus, Colobus satanas).

Milieu naturel et écologie

Les entelles, se rencontrent au Pakistan, en Inde, au Sri Lanka et au Bangladesh. Ils habitent aussi bien à près de 4 000 m d'altitude, dans les hautes vallées himalayennes du Cachemire, que dans les forêts tropicales côtières, en passant par des paysages relativement secs et ouverts du centre de l'Inde. Sur ce vaste domaine, ils côtoient nombre d'autres singes, tels que le macaque rhésus, Macaca mulatta, dans tout le nord de la péninsule indienne, le macaque bonnet, Macaca radiata, au sud de la rivière Godavari, le macaque à toque, Macaca sinica, au Sri Lanka, et le rare macaque à queue de lion, Macaca silenus, dans les forêts des Ghats occidentaux du sud de l'Inde. Mais, où qu'ils se trouvent, les entelles ne cohabitent généralement qu'avec une seule espèce de macaque. La concurrence entre eux est limitée du fait que les macaques sont nettement plus terrestres et plus omnivores que les entelles. Le menu du macaque rhésus, par exemple, contient 19 % de feuilles contre 54 % pour les entelles ; et 72 % de fruits et de graines contre 37 % pour les entelles. Les fleurs représentent respectivement 4 et 5 % dans le menu de l'une et l'autre espèces et les petites proies 2 % et 0 %. Leurs spectres alimentaires sont donc suffisamment différents pour que ces singes puissent cohabiter sans difficulté. On les voit même parfois se nourrir ensemble sur un arbre en pleine fructification.

Le sud de l'Inde, montagneux et couvert de forêts humides, principalement sur la face occidentale des Ghats, héberge à la fois l'entelle Semnopithecus dussumieri, le langur du Nilgiri, Trachypithecus johnii, le macaque bonnet et le macaque à queue de lion. Ce dernier, plus arboricole que le macaque bonnet, consomme régulièrement des fruits (il laisse d'ailleurs la moitié des graines, favorisant ainsi la reproduction des arbres), mais il ne constitue pas une dangereuse concurrence car il reste à peine 1000 représentants de cette espèce. Le langur du Nilgiri, au pelage foncé, habite surtout les forêts d'altitude entre 900 et 2 000 m. Plus arboricole que le singe sacré, il affectionne les massifs forestiers humides ouverts aux vents de l'ouest, qui apportent la mousson, en juillet. Il mange beaucoup plus de feuilles (71 % de son régime) mais moins de fruits (17 %) et de graines (10 %) que celui-ci. Ce sont ces différences de régime alimentaire qui permettent à toutes ces espèces de cohabiter.

De rares prédateurs

Les principaux prédateurs des singes, les grands félins, étaient nombreux en Inde. Malheureusement, le guépard n'y est plus qu'un souvenir, le lion n'habite plus qu'un seul massif forestier dans le nord-ouest du pays et la panthère des neiges a été refoulée loin dans l'Himalaya. Restent le tigre et surtout la panthère. Les gros pythons et certains rapaces diurnes peuvent aussi saisir un singe à l'occasion. Mais l'ensemble de ces prédateurs est loin de mettre en danger la population d'entelles.

Le cas des îles Mentawai

Au nord-ouest de Sumatra, en Indonésie, l'archipel des Mentawai (7 000 km2) constitue un écosystème original avec nombre d'espèces endémiques, notamment le gibbon de Kloss (Hylobates klossii), le macaque de Mentawai (Macaca pagensis), le langur à queue de cochon (Nasalis concolor), le semnopithèque de Mentawai (Presbytis potenziani). Y sont étudiées les menaces qui pèsent sur ces singes (la chasse de subsistance, qui affecte surtout le langur à queue de cochon, celle du macaque, accusé de piller les récoltes, et l'exploitation de la forêt) et les mesures à prendre : éducation des populations, élevage en captivité et protection des sites (la plus grande île, Siberut, a été classée réserve de la biosphère par l'Unesco en 1981).

Le singe sacré et l'homme

Un héros de légendes parfois encombrant

En Inde, les singes sacrés bénéficient d'une situation privilégiée, puisqu'ils y sont vénérés. Mais d'autres colobinés sont chassés pour leur viande, pour leur fourrure ou pour approvisionner la pharmacopée traditionnelle. Tous souffrent de la disparition accélérée de leurs forêts tropicales.

Une solide réputation d'effronterie

Comme beaucoup d'espèces, le singe sacré possède de nombreux noms vernaculaires ou très savants, selon les sources. En hindi, il se nomme hanuman, ou langur. Ce dernier nom est, d'ailleurs, parfois attribué très largement à toutes les espèces asiatiques de la sous-famille des colobinés. Les scientifiques, quant à eux, appellent parfois semnopithèques (du grec semnos, vénérable, et pithecos, singe) l'entelle commun ainsi que tous les représentants des genres Semonopithecus, Presbytis et Trachypithecus. Chez les Anglais, ces mêmes espèces de singes portent le nom éloquent de « mangeurs de feuilles » ou « singes des feuilles » (leaf monkeys). Le terme d'entelle vient pour sa part du grec et signifie « celui qui commande » ; c'était le nom d'un héros de l'Antiquité, guerrier troyen que chanta Virgile dans le livre V de l'Enéide.

La mythologie indienne fait de l'entelle le descendant du dieu-singe Hanuman. La célèbre épopée indienne du Ramayana raconte l'intervention d'Hanuman et de son peuple singe pour aider le prince Rama (incarnation de Vishnou) à libérer sa femme Sita, prisonnière de Ravana, le roi des démons, qui la retient captive à Lanka, une ville au-delà des mers. Pour ce faire, les singes ramassent des arbres et des rochers et les transportent jusqu'à la grève. En cinq jours, ils réussissent ainsi à construire un gigantesque pont sur l'océan, qu'ils empruntent avec Rama pour aller affronter victorieusement le roi des démons à la terrible bataille de Lanka. Cette tradition se retrouve à travers toute l'Inde et dans le Sud-Est asiatique, même loin de l'aire de répartition actuelle du singe sacré. Le combat de Rama et des singes contre le démon figure sur des bas-reliefs de nombreux temples, sur celui d'Angkor Vat, au Cambodge, et sur celui de Prambanan, à Java, en Indonésie, par exemple, de même qu'il est repris à Bali comme thème de danses.

Une autre légende explique la coloration contrastée du singe sacré. On raconte que c'est lui qui introduisit la mangue en Inde, après l'avoir volée à Lanka. Condamné au bûcher pour ce larcin mais s'étant échappé, il en a gardé la face, les mains et les pieds tout noirs.

Dans la littérature contemporaine, Rudyard Kipling fait de ces singes des héros du Livre de la jungle. On raconte aussi que le meilleur confiseur de Simla, ayant préparé un magnifique gâteau de noces, l'avait enfermé, en attendant le repas, dans une pièce dont la fenêtre était restée ouverte, face à la montagne. Quand on vint chercher le gâteau, les entelles faisaient la chaîne pour le sortir, morceau par morceau. Les miettes blanchirent le flanc de la montagne.

On dit encore que, pour jouer un très mauvais tour à son voisin, il suffit de jeter une poignée de grains sur son toit à l'époque de la mousson. Dès que les entelles ont repéré les grains, ils viennent les ramasser, n'hésitant pas à retourner et à jeter les tuiles pour ne rien laisser perdre.

En Inde, les entelles bénéficient du respect de la population hindoue et vivent dans l'enceinte des temples, où ils sont protégés et nourris. Mais, parfois, ils deviennent si familiers avec les hommes qu'ils n'hésitent pas à s'approcher des maisons pour y voler quelque chose ou pour piller les jardins et les récoltes. On raconte qu'au début du xxesiècle, une bande de singes qui avaient été transportés par charrette loin de l'endroit où ils étaient devenus indésirables étaient revenus tranquillement, en suivant à pied la charrette tout le long du chemin de retour !

Des fourrures trop appréciées

Les colobes africains ont vécu une époque très difficile au début du xxe siècle, lorsque la fourrure de colobe guéréza fit fureur en Europe. En fait, cette mode avait commencé dès la fin du xixe siècle, et ce sont des dizaines de milliers de peaux de colobes noir et blanc qui ont été exportées tous les ans pendant cette trop longue période. La fourrure servait de doublure pour des pelisses ou était utilisée pour confectionner de petits tapis.

Aujourd'hui, la chasse commerciale pour la fourrure a pratiquement cessé en Afrique, et les colobes guérézas sont, heureusement, passés de mode. Mais il y existe toujours une chasse locale, qui semble avoir un effet non négligeable dans l'ouest de l'aire de répartition de l'espèce.

Mais le colobe guéréza, comme les autres colobes, souffre aujourd'hui essentiellement de la disparition de son habitat (déforestation pour l'exploitation du bois, expansion des terres cultivées…).

Le virus de la forêt de Kyasanur

Dans la région de Mysore, au sud de l'Inde, les entelles et le macaque bonnet jouent un rôle important dans le cycle d'une maladie qui a commencé à faire parler d'elle en 1957. Dans la forêt de Kyasanur, ces singes, ainsi que de nombreux autres vertébrés, sauvages ou non (le bétail est lui aussi touché), peuvent être atteints par le virus de la maladie de la forêt de Kyasanur (genre Flavivirus). Ce virus, un arbovirus (pour Arthropode Born Virus, virus transmis par des arthropodes piqueurs comme les moustiques et les tiques) transmis par des tiques Haemaphysalis, provoque une fièvre hémorragique potentiellement mortelle chez les singes.

L'homme peut être touché par la maladie de la forêt de Kyasanur, mais il est un hôte occasionnel. Cependant, il a provoqué de façon indirecte, par son activité, une augmentation considérable de la prévalence de la maladie chez les animaux. Dans les années précédant la reconnaissance de cette maladie chez l'homme, la population a pratiquement doublé autour de la forêt. Les villageois ont déboisé de grandes surfaces et ont mené leurs bovins pâturer dans le sous-bois. Les zones déboisées ont été rapidement envahies par une plante d'origine américaine, la corbeille d'or, Lantana sp., qui pousse en fourrés denses, favorables à la prolifération de petits mammifères (musaraignes, rongeurs, etc.). La population de tiques vivant dans la région sur les petits mammifères et les bovins s'est donc fortement accrue. Les entelles et les macaques, descendant volontiers à terre, sont piqués par les tiques et contractent la maladie. Les mêmes tiques piquent également les forestiers, les ramasseurs de bois, les bergers. L'infection chez l'homme s'accompagne rarement des signes cliniques qui permettent de la déceler : fièvre, maux de tête, douleurs musculaires, perte d'appétit et de sommeil. La convalescence est longue et la mortalité atteint 5 % des cas cliniques. Les méthodes de prévention consistent à surveiller l'état de santé des populations d'entelles pour suivre le développement du virus et à encourager le port de vêtements protecteurs contre les piqûres de tiques par les personnes qui vont en forêt. Il existe un vaccin.

Menaces et mesures de protection

Les populations d'entelles sont toutes en déclin. L'entelle le plus menacé est Semnopithecus ajax, du nord-ouest de l'Inde ; ses effectifs sont estimés (2003) à moins de 500 individus, dont 250 adultes. Semnopithecus hypoleucos du sud-ouest de l'Inde est vulnérable, tandis que Semnopithecus priam, du sud de l'Inde et du Sri Lanka, et Semnopithecus hector, du nord de l'Inde, du Bhoutan et du Népal, sont quasi-menacés. Ces espèces souffrent de la déforestation intensive.

Le langur du Nilgiri, Trachypithecus johnii, dans l'ouest du massif des Ghats (sud-ouest de l'Inde), souffre de la fragmentation et de la disparition de son habitat, ainsi que de la chasse (sa peau est utilisée pour la fabrication de percussions, sa chair est consommée et sert en médecine traditionnelle – la pression exercée par celle-ci sur l'espèce diminue toutefois, résultat de campagnes de protection impliquant les communautés locales).

Plus à l'est, des pays tels que le Viêt Nam, aidés par des organismes internationaux comme l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), mettent en place des programmes de protection. Ce pays héberge plus de quinze espèces de primates, dont huit colobinés : un rhinopithèque ou singe doré, les trois espèces de doucs et quatre espèces du genre Trachypithecus. Mais les espèces sauvages du pays doivent faire face à une déforestation dramatique : en 1944, la forêt recouvrait encore 43 % du pays ; en 1993, elle ne représentait plus que 20 % de sa surface, voire moins. Parallèlement, la population humaine a considérablement augmenté. C'est dire la menace qui pèse sur les espèces sauvages en général, et les singes en particulier. Malgré cela, il existe au Viêt Nam une stratégie nationale de leur conservation.

En Chine, les projets de protection sont maintenant nombreux, et heureusement, car les singes y ont longtemps été chassés pour de prétendues propriétés médicinales, fort prisées dans la pharmacopée traditionnelle locale. Au sud du pays, la forêt tropicale humide de la province du Yunnan et la forêt subtropicale du Guangxi hébergent encore de nombreux primates, dont des entelles comme le langur de François, Trachypithecus francoisi (entre 1 400 et 1 650 individus sur son aire de répartition chinoise) et Trachypithecus phayrei. En-dehors de cette zones, les programmes les plus importants concernent les rhinopithèques ou singes dorés. La réserve de Fanjingshan abrite le rarissime et très menacé Rhinopithecus brelichi, dont ne subsistent qu'environ 750 individus (estimation 2005).

Rhinopithecus roxellana, le rhinopithèque de Roxellane, et Rhinopithecus bieti bénéficient de l'existence de plusieurs réserves sur leur aire de répartition. Parallèlement à la protection des habitats, indispensable pour la survie des écosystèmes, Rhinopithecus bieti fait l'objet d'un programme de reproduction en captivité.

Un autre colobiné menacé est le nasique, Nasalis larvatus, endémique de l'île de Bornéo. Il est présent sur l'ensemble des entités politiques de l'île : le petit État de Brunei, les provinces malaises de Sabah et de Sarawak, les provinces indonésiennes de Kalimantan Timur, Kalimantan Tengah, Kalimantan Barat et Kalimantan Selatan. Dans la partie malaise, la quasi-totalité de la population de nasiques se trouve dans la province de Sarawak, et n'atteint pas 1 000 individus. Les nasiques sont plus nombreux dans la partie indonésienne. Sur toute l'île, les populations de nasiques décroissent et sont maintenant totalement isolées les unes des autres.

À l'échelle internationale, les colobinés sont protégés par la Convention de Washington (Cites) qui réglemente le commerce des espèces sauvages menacées ; ils y sont, selon les espèces, inscrits en Annexe I (toute chasse ou capture interdite) ou en Annexe II (prélèvements réglementés).