daim
Avant la dernière glaciation, le daim était largement répandu en Europe et en Asie Mineure. Puis il disparaît presque complètement. Depuis, il a reconquis peu à peu une grande partie de son ancienne aire de répartition durant les derniers millénaires, considérablement aidé par l'homme qui l'a réintroduit pour le chasser. Aujourd'hui, devenu l'ornement des parcs d'agrément, il ne vit plus guère à l'état sauvage dans nos régions.
Introduction
L'ordre des artiodactyles est essentiellement représenté par les cervidés et les bovidés, deux familles de ruminants à cornes. Les restes fossiles retrouvés attestent la présence de cervidés en Europe dès le miocène (entre 30 et 10 millions d'années). Chez Euprox, une espèce de petite taille, les mâles possèdaient des canines supérieures développées et des bois simples qui reposaient sur une tige osseuse persistante. Au cours de leur évolution, ces cervidés d'Europe et d'Asie grandirent, leurs canines diminuèrent et disparurent, le pédicule osseux se raccourcit et les bois se ramifièrent. Herbivores ruminants parfaitement adaptés aux forêts tempérées, ils prospérèrent pendant tout le pliocène, puis, au début du pléistocène – il y a environ deux millions d'années –, cette lignée se diversifia et deux branches apparurent, les cerfs, Cervus, et les daims, Dama (plus particulièrement l'espèce Dama nestii, en Europe). Sur ce continent, depuis l'Irlande jusqu'à la Sibérie, les divers Dama côtoyaient, à cette époque, une sorte de daim géant, Megaceros, dont les bois atteignaient parfois 3,50 m d'envergure, mais dont on ignore les liens de parenté avec Dama.
Très proche du daim actuel mais nettement plus grand que lui, sans toutefois atteindre la taille de Megaceros, Dama dactoniana vivait il y a 250 000 ans dans ce qui est aujourd'hui la Grande-Bretagne. Les fossiles retrouvés dans toute l'Europe occidentale et datés de la dernière période interglaciaire (qui se termine il y a environ 120 000 ans), sont ceux d'animaux de même taille que les daims actuels. Mais le daim disparut peu à peu de toute son aire de répartition du pléistocène, pendant la dernière glaciation de Würm, et, il y a 10 000 ans, au début de notre époque, ne subsistant qu'en petites populations éparses en Asie Mineure.
L'espèce aurait été introduite par les Phéniciens sur le pourtour occidental de la Méditerranée et par les Romains et les Normands en Europe du Nord où elle est maintenant très apprivoisée et vit dans les parcs et les jardins. Mais la plupart des daims d'Europe sont issus d'introductions beaucoup plus récentes, à l'exception de certaines populations anciennes, par exemple au Royaume-Uni (à New Forest, espace naturel créée au xiesiècle par Guillaume le Conquérant pour lui servir de terrain de chasse et préservé depuis) et en Italie (dans la réserve naturelle de Castel Porziano [Latium]). Toutefois, les dernières populations de daims véritablement sauvages dans le monde étaient les quelques dizaines de daims de Mésopotamie, Dama mesopotamica, confinés dans le sud-ouest de l'Iran, et très menacés.
La vie du daim
Des hardes indépendantes
Les daims se rassemblent parfois en groupes d'une centaine d'animaux, mais, le plus souvent, la taille des hardes est moindre. Chez les mâles, les hardes se divisent en petits groupes rarement constitués de plus de 6 animaux, de tous âges, et sans relations particulières entre eux. Chez les femelles, la harde se forme autour d'une daine adulte et de son petit et, éventuellement, de ses filles des années précédentes. Elle est de taille très variable et peut regrouper plusieurs dizaines d'animaux. Les jeunes faons mâles restent généralement dans le même groupe que leur mère jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 18 mois. Ils rejoignent alors les hardes de mâles célibataires, dont la composition fluctue en cours d'année.
De novembre à janvier, les mâles sont plus souvent solitaires, puis, de février à septembre, ils se retrouvent de nouveau par 4 ou 3, mais rarement à plus de 6, changeant de groupe au gré de leurs déplacements. Habituellement en octobre, les daims se rapprochent des daines et restent parfois auprès d'elles en novembre et décembre puis ils passent quelque temps solitaires.
À l'inverse, c'est en juin que les hardes de femelles sont le plus éclatées, car chaque daine cherche à s'isoler pour mettre bas. Après les naissances, ces groupes se reconstituent. Mais, là aussi, leur composition peut changer à tout moment.
Animal peu territorial, le daim se déplace beaucoup, explorant tout autant la forêt que les prairies et les pelouses à proximité des bois. Selon les ressources du milieu, la densité de daims varie de 8 à 43 animaux pour 100 ha. Les surfaces exploitées par une harde ou par un individu ne sont ni délimitées ni marquées et recoupent celles d'autres troupeaux ou animaux solitaires. L'espace vital nécessaire à une femelle occupe en moyenne 70 ha et celui d'un mâle 110 ha. En hiver, la surface peut doubler, les animaux devant prospecter beaucoup plus loin pour se nourrir.
Les études de divers spécialistes, en Grande-Bretagne, en France et en Nouvelle-Zélande, ont montré que les hardes changeaient d'habitat au gré des saisons, passant des forêts de feuillus à celles de conifères, mais exploitant toute l'année les allées forestières et les clairières.
Variation saisonnière de l'habitat
Variation saisonnière de l'habitat
Dans le parc de New Forest en Grande-Bretagne (Hampshire), les milieux habités sont les prairies, la forêt de feuillus, la forêt de conifères, les allées forestières et les clairières. La forêt de feuillus est exploitée plutôt en automne et au printemps. La forêt de conifères est surtout visitée en hiver et en été.
Écorce, fruits ou graminées selon la saison
Sous nos climats, le daim se montre plus diurne que le cerf et peut se nourrir pratiquement toute la journée, avec, cependant, 3 pics d'activité : le matin, au milieu de la journée et le soir. Pour ruminer, il se couche généralement dans un endroit bien dégagé, d'où il surveille attentivement les alentours. Pour dormir, il s'abrite et se cache dans la forêt. Il rabat parfois sa tête le long de son flanc et prend alors une position rappelant celle du chien. Il cherche aussi le couvert lorsqu'il se sent traqué. Il allonge sa tête et son cou devant lui, sur le sol, et s'immobilise, tentant ainsi de passer inaperçu. Il ne prendra la fuite qu'au dernier moment, si le danger se précise.
Capable d'assimiler des végétaux très différents, le daim broute et cueille sa nourriture. L'essentiel de son alimentation se compose de graminées, de champignons et de lichens. En Nouvelle-Zélande, il consomme aussi bien des végétaux importés d'Europe ou d'Asie que des plantes indigènes.
Au fil des saisons, sa robe varie en même temps que son alimentation. En été, le pelage du dos et des flancs, brun-roux tacheté de points blancs, se fond parfaitement dans un champ de blé dont le daim coupe les têtes des épis aussi nettement que le ferait une faux. L'hiver, le pelage des daims s'épaissit et s'assombrit, prenant une teinte brun-gris uniforme. Les taches s'estompent, le ventre blanc crème devient grisâtre. Seule contraste noir et blanc de l'arrière du corps persiste.
En automne, en plus des glands et des faines, les daims consomment des châtaignes et des marrons d'Inde. En hiver, ils élargissent leur choix et broutent des rameaux de buissons ou d'arbres, dont ils recherchent les bourgeons et les feuilles : saules, peupliers, cornouillers, fusains d'Europe, troènes, chênes, hêtres, bouleaux. Ils broutent aussi les ronciers, le lierre, les framboisiers. Au printemps, en Alsace, la neige recouvre encore le sol ou bien la forêt et les prairies sont inondées par les crues. Les daims arrachent alors l'écorce des arbres, car c'est l'époque de la montée de sève. Leurs écorces préférées sont celles des peupliers, des saules, et surtout l'écorce mince et juteuse des frênes et des érables.
Régime alimentaire à new forest
Régime alimentaire à New Forest
De mars à septembre, les graminées entrent pour 60 % dans le régime alimentaire du daim. Elles ne représentent plus que 20 % au cœur de l'hiver. À cela s'ajoutent des plantes herbacées non graminées et des feuilles d'arbres. En automne, glands et faines représentent un apport important, quoique variable d'une année sur l'autre.
En plein hiver, quand les fruits et les graines sont épuisés, le daim se rabat sur le houx, les ronces, la bruyère, les rameaux de conifères. La proportion de nourriture cueillie augmente par rapport à la proportion de nourriture réellement broutée.
Les arènes des mâles
L'accouplement du daim repose sur la conquête, par les mâles, de places particulières, plus ou moins espacées les unes des autres selon la densité des populations, que l'on appelle « arènes ».
Il arrive que les postes des mâles soient rapprochés et que 8 ou 9 animaux voisinent sur seulement quelques centaines de mètres carrés. Ces arènes sont alors connues sous le nom de « lek ». Pour les conquérir, les affrontements entre mâles sont assez fréquents. Des animaux peuvent être mortellement blessés lors de ces combats, même si cela est rare. En règle générale, ces derniers, très ritualisés, ont lieu entre animaux de taille et de corpulence comparables. Si ce n'est pas le cas, le plus jeune ou le plus faible cède le pas devant le plus grand.
L'approche des femelles
Les mêmes sites sont fréquentés année après année, un mâle retrouvant son emplacement habituel, où viennent le rejoindre les mêmes femelles que l'année précédente puis leurs filles. En Europe occidentale, la pleine période du rut du daim a lieu durant la seconde quinzaine du mois d'octobre. Bramant afin d'attirer les femelles, les mâles font entendre leurs appels pratiquement jour et nuit, bien avant d'avoir choisi une arène. Lorsqu'ils l'ont conquise ou reconquise, ils attendent l'approche des femelles, alliant à leurs appels des signaux visuels et olfactifs.
Le daim marque les arbres alentour en y frottant ses bois. Très excité, il urine, creuse le sol avec ses sabots et se couche dans la dépression ainsi formée.
Quand les daines traversent une zone occupée par un mâle, ce dernier cherche à les retenir en tournant autour d'elles. Il s'intéresse à celles qui sont en chaleur. Les préliminaires sont simples : reniflements du cou, du dos, de la croupe de la femelle et tentatives de chevauchement. Les accouplements sont brefs et se succèdent, mâle et femelle émettant des grognements particuliers.
Lorsque les animaux vivent en troupeaux mixtes toute l'année, notamment dans des paysages très ouverts, il n'y a pas d'arènes de reproduction, et les querelles de mâles sont rares, ceux-ci couvrant les femelles réceptives qu'ils rencontrent.
Au début de novembre, le rut cesse. Le calme revient. Les mâles entament une vie de solitaires pendant quelques semaines pour reconstituer leurs réserves de graisse, afin d'aborder l'hiver dans de bonnes conditions. Cependant, ils restent féconds et s'accouplent avec des daines non couvertes pendant le rut ou d'autres qui, ayant perdu leur embryon précocement, connaissent une nouvelle période de chaleurs.
Une structure sociale à trois
La fécondité des daines est élevée. Même lorsque la population est dense, 90 % au moins des femelles se reproduisent. En automne, celles-ci ont plusieurs cycles. Toutefois, leur réceptivité se prolonge sans doute après novembre, car on observe des naissances très tardives, en été, voire à l'automne suivant. Pendant le rut, le cycle sexuel de la femelle dure 21 jours et elle est fécondable une quinzaine d'heures. Elle se reproduit pour la première fois à 16 mois (la maturité étant plus tardive chez le mâle), puis tous les ans. Cependant, l'ovulation est liée à son état général. Au-dessous d'un certain poids, elle n'est plus féconde.
Un jeune généralement unique
Si la fécondation a eu lieu en octobre, la naissance survient en juin, après 32 semaines de gestation, soit 230 jours environ. Les chiffres les plus précis sont de 229 plus ou moins 2,7 jours ! La saison normale des mises-bas s'étend, en fait, de mai à juillet. La daine ne met au monde qu'un seul faon.
Un peu avant la mise-bas, la femelle s'éloigne du reste de la harde, accompagnée du jeune de l'année précédente, mais, le moment venu, elle écarte celui-ci, qui reste seul quelque temps. À la naissance, le faon pèse entre 4,5 kg en moyenne, dans les troupeaux anglais de New Forest, et 2,5 kg dans ceux vivant en Alsace. Précoce, il tente de se lever dès les premières minutes de sa vie. Au bout de 2 heures, il commence à se mouvoir avec maladresse. Pendant tout ce temps, la femelle le lèche. C'est la période d'imprégnation qui crée le lien entre le jeune et sa mère.
Un sevrage progressif
Le lait de la daine est nettement plus riche en matières grasses que celui de la vache : 12,6 % de lipides contre 3,6 % en moyenne chez cette dernière ; 6,5 % de protéines et 6,1 % de sucres (lactose).
Dès l'âge de 2 ou 3 semaines, le faon goûte la végétation, mais certains jeunes animaux tètent encore à 9 mois. À New Forest, 90 % des faons boivent encore le lait de leur mère à 7 mois, bien que le rythme et l'importance des tétées soient nettement diminués.
En août, deux mois après la naissance, la femelle accepte de reprendre avec elle son petit de l'année précédente. Elle vit alors avec ses deux jeunes. Lors des déplacements, le plus jeune faon marche derrière sa mère, mais devant la dainette ou le daguet.
La mortalité est importante chez les jeunes faons de moins de un an. Le premier hiver prélève son tribut et la mort peut frapper 25 % des jeunes de l'année. Au-delà de un an, les chances de survie augmentent.
La croissance du daim n'est pas très rapide. Quand le poids de naissance est compris entre 4 et 5 kg, le jeune daguet atteint entre 19 et 32 kg à un an, et entre 50 et 80 kg à 3 ans, lorsqu'il est adulte. Les femelles sont plus légères. Leur poids varie avec le climat et les ressources. La densité de population l'année de leur naissance conditionne également la croissance des jeunes, qui se ralentit au-dessus de 10 animaux à l'hectare. Une femelle arrive à sa taille définitive vers 6 ans, un mâle vers 9 ans.
Dans la nature, les daims vivent de 8 à 10 ans et les daines 16 ans, contre 20 ans en captivité.
Pour tout savoir sur le daim
Daim (Dama dama)
Élégant dans sa robe tachetée, le daim est un cervidé de taille moyenne, reconnaissable à ses bois palmés volumineux. Quatre couleurs de robe se rencontrent dans les troupeaux, mais cela est dû à une sélection par l'homme des variations naturelles. En général, le pelage du daim est fauve et parsemé de tâches blanches. Il s'assombrit et s'épaissit en hiver. Dans la forme de type sauvage, les taches disparaissent en hiver, alors qu'elles persistent toute l'année dans la forme blonde, et qu'elles ne sont presque jamais visibles dans les formes noire et blanche. Toutes portent une ligne dorsale médiane sombre.
De profil, le mâle se reconnaît, dès l'âge de trois ans, à la touffe de poils qui prolonge l'étui pénien. Cette touffe est particulièrement développée pendant le rut. Celle de la femelle, située sous la vulve, peut mesurer 12 cm de long. Le daim mue 2 fois l'an, de la fin de septembre au début de novembre et de mai à juin.
Les daims mâles et femelles disposent de glandes odorantes de 3 types : les larmiers, ou glandes sous-orbitales, sur la tête, les glandes interdigitales et, aux pattes postérieures, les glandes métatarsales. Les glandes interdigitales sont actives pendant toute la vie de l'animal, chez les deux sexes. Elles sont fonctionnelles dès les premières semaines de vie. La région péri-anale est riche de glandes sudoripares et de glandes sébacées. Enfin, des glandes se développent sur l'étui pénien du mâle pendant le rut.
Le cycle de croissance des bois du mâle est sous la dépendance des hormones sexuelles et est totalement lié à la période de spermatogenèse qui dure environ d'août à mars. Le déclenchement de la chute ou de la repousse semble lié à la longueur de l'éclairement diurne au cours des saisons. Chez le daguet, les premières pousses apparaissent entre 5 et 12 mois. Elles se limitent à une simple bosse ou atteignent une vingtaine de centimètres de long sous la forme de pointes simples. Les 2e ou 3e têtes ont parfois des extrémités poreuses, car le velours peut s'en aller avant la minéralisation complète de la pointe. À partir de la 3e ou 4e année, la palmure caractéristique de l'espèce apparaît, et les bois sont complètement développés chez les daims de 5 ou 6 ans. Leur croissance est très rapide ; tombés entre avril et juin, ils ont déjà repoussé en août-septembre. Les animaux les plus âgés perdent les leurs avant les plus jeunes, mais leur velours disparaît plus tard que celui de ces derniers. Les bois s'épaississent plus qu'ils ne grandissent à mesure que l'animal prend de l'âge et, chez le daim adulte, mesurent de 63,5 à 94 cm le long de la grande courbure, avec une envergure de 30,5 à 76 cm. Ils reposent sur des pivots qui font partie de l'os frontal et apparaissent dans l'année qui suit la naissance des jeunes. Longs d'environ 4 cm au début, ils s'élargissent sans s'allonger les années suivantes. Au-delà de 12-13 ans, ils commencent à régresser : on dit que la tête « ravale ».
L'allure normale du daim est le pas ou le trot. En cas de besoin, il galope. Inquiet, il pratique un saut très particulier sur ses quatre pattes raides, le pronk. Après quelques bonds, il s'arrête pour identifier la source de dérangement. Si elle se confirme, il part en courant. Il nage et saute bien, mais il passe sous une branche basse ou une barrière plutôt que par-dessus, sauf s'il est poursuivi. Bien qu'il détecte vite tous les mouvements autour de lui, il distingue très mal les objets immobiles un peu éloignés. Son ouïe et son odorat semblent plus aigus.
Pendant le rut, seuls les mâles brament constamment. Leurs appels sont chevrotants et moins graves que ceux du cerf. Les femelles sont généralement silencieuses, mais une femelle suitée peut aboyer si elle suspecte un danger. Le faon bêle jusqu'à 6 mois environ quand il cherche sa mère ou qu'il est alarmé. Pour le rassurer, elle lui répond sur le même ton. Enfin, les daims tapent du pied lorsqu'ils sont dérangés.
Daim de mésopotamie (Dama mesopotamica)
Le daim de Mésopotamie, autre espèce du genre Dama, est probablement, aujourd'hui, le cervidé le plus rare de la planète.
La forme particulière de ses bois l'a fait reconnaître en 1875 comme nouvelle espèce par sir V. Brooke. Par la suite, les informations sont restées rares. L'animal a même été considéré comme éteint vers 1930. Il a finalement été redécouvert en 1956-1957 par un Allemand, Werner Trense, dans le Khuzistan iranien, région proche de la frontière irakienne.
La répartition initiale du daim de Mésopotamie est encore mal connue. L'animal ne devait pas dépasser 36° de latitude nord, mais se rencontrait probablement en Iran, en Iraq, en Syrie, en Jordanie et en Israël. Il n'a pas dû atteindre la Turquie, occupée par Dama dama. Vers l'Afrique, on parle de daims, aujourd'hui disparus, jusqu'en Afrique du Nord et en Éthiopie. Il s'agirait de D. mesopotamica. Il ne faut cependant pas exclure la possibilité de déplacements anciens du daim européen par l'homme.
Le daim de Mésopotamie est un peu plus grand que le daim européen, et ses bois ont une forme différente. Au garrot, il atteint 0,90 à 1,40 m et la longueur de son corps, tête comprise, peut varier de 1,50 à 2,50 m. Sa queue mesure de 20 à 30 cm de long. Son poids est de l'ordre de 100 à 150 kg pour un mâle adulte. La coloration de la robe ressemble à celle de D. dama : fond brun-roux foncé marqué de taches blanches. Le ventre est blanc, les flancs sont jaune sable, la tête est grise. Une ligne foncée parcourt le haut du dos. Des poils blancs tapissent l'intérieur des oreilles et l'avant de la lèvre inférieure est blanc.
La dernière population sauvage de daims de Mésopotamie, redécouverte par W. Trense, se trouvait près des rivières Dez et Karkheh, au Khuzestan, dans le sud-ouest de l'Iran. Mais, si la population de la région du Dez se maintenait, celle vivant aux abords du Karkheh, au contraire, baissa, et l'effectif total, dans les années 1980, ne comprenait plus que 40 à 60 têtes malgré l'établissement de deux « refuges de vie sauvage » dans ces deux régions en 1960. La guerre Iran-Irak et les nombreuses modifications du milieu auraient éliminé les derniers daims à la fin des années 1980 si un programme de réintroduction n'avait été mis en place dans les réserves de Dasht-e-Naz et de Semeskandeh (province du Mazandaran, dans le nord de l'Iran, en bordure de la mer Caspienne), dans les îles Ashk et Kaboudan sur le lac Uromiyeh (au cœur d'un parc national dans la province de l'Azerbaïdjan de l'ouest, dans le nord-ouest du pays), ainsi que dans les zones protégées d'Arjan et de Parishan (province du Fars, dans le sud). Une partie des populations de la réserve de Semeskandeh sont des hybrides, dont certains (environ 150) ont été élevés dans la réserve naturelle Hai-Bar, en Israël, puis réintroduits (environ 200) dans le nord du pays (réserve de Kziv). En 2008, la population iranienne de daims de Mésopotamie comptait environ 365 individus de race pure et l'espèce a été classée par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) dans la catégorie « en danger ». L'espèce figure à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction). Environ 180 animaux vivent en captivité dans le monde, répartis dans 14 zoos ou parcs animaliers.
L'habitat naturel du daim de Mésopotamie était la forêt clairsemée, riche en buissons, s'étendant le long des deux rivières Dez et Karkheh, une zone de 25 km de long, large de quelques centaines de mètres à 2 km, entre les berges. Les buissons de peupliers, de saules, d'acacias et de tamaris offraient aux animaux gîte et nourriture. Les dérangements incessants causés par les troupeaux domestiques, les bergers et les forestiers avaient rendu les daims solitaires et nocturnes. Le rut avait lieu en été, à la fin d'août. Les animaux devaient se protéger des loups, des hyènes et... des inondations.
DAIM |
|
Nom(genre, espèce) : |
Dama dama |
Famille : |
Cervidés |
Ordre : |
Artiodactyles |
Classe : |
Mammifères |
Identification : |
Cervidé de taille moyenne ; robe fauve tachetée de blanc ; queue assez longue ; bois en palette chez les mâles |
Taille : |
Tête et corps : de 140 à 180 cm ; queue : de 14 à 24 cm ; hauteur au garrot : de 80 à 90 cm ; mâles plus grands |
Poids : |
Mâles : de 50 à 90 kg, femelles : de 40 à 60 kg |
Répartition : |
Largement introduit dans le monde entier |
Habitat : |
Forêts matures bordées de prairies herbacées |
Régime alimentaire : |
Herbivore généraliste, surtout brouteur |
Structure sociale : |
Hardes de mâles et de femelles séparées le plus souvent ; rut sur des arènes ou « leks » |
Maturité sexuelle : |
16 mois (femelles) ; plus tardive chez les mâles |
Saison de reproduction : |
Rut fin du mois d'octobre en Europe occidentale |
Durée de gestation : |
De 225 à 234 jours |
Nombre de jeunes par portée : |
1 ; jumeaux : moins de 1 % des gestations |
Poids à la naissance : |
De 2,5 à 5 kg |
Longévité : |
20 ans en captivité. Record : 32 ans |
Effectifs : |
200 000 animaux (estimations dans les années 1980). Nombreux élevages. Tendance inconnue |
Statut, protection : |
Espèce élevée en parc, donc relativement protégée. Très menacée dans certaines portions de son aire de répartition historique (Turquie, île de Rhodes, Sardaigne) |
Signes particuliers
Larmier
Située dans l'os lacrymal, cette glande préorbitale produit une sécrétion que le daim dépose sur la végétation de son arène pendant le rut.
Larynx
Il est très proéminent, en particulier chez les mâles. C'est la pomme d'Adam. La raison de ce développement n'est pas connue, mais est peut-être à mettre en relation avec la voix pendant le brame.
Dents
À la mâchoire supérieure, les incisives sont remplacées par un simple bourrelet gingival. Les 2 canines inférieures ont la forme d'incisives. La formule dentaire par demi-mâchoire est : I 0/6 ; C 0/2 ; PM 3/3 ; M 3/3.
Miroir
On appelle « miroir » la queue et la tache blanche cernée de noir qui l'entoure sur l'arrière-train. Ce signal optique favorisant le regroupement de la harde se distingue nettement de ceux du cerf et du chevreuil, qui n'ont pas de noir, et dont le fond n'est pas aussi régulièrement blanc.
Bois
Le bois proprement dit pousse à partir du pivot qui reste solidaire du crâne. L'axe principal est le merrain : il porte la palme et les andouillers. La meule est la zone de contact entre le merrain et le pivot. De la meule vers la palme, les andouillers sont : l'andouiller de massacre, bien développé, le surandouiller, peu développé, la chevillure. Les palmes peuvent être rectangulaires, triangulaires ou en forme de sabre. La palme est bordée par la crête de coq qui se termine par l'ergot. Le bois qui tombe au printemps est appelé « mue ».
Milieu naturel et écologie
Les habitats fréquentés par le daim sont très variés et vont des parcs anglais à la forêt de l'Ill, en Alsace, et au parc national de Doñana, en Andalousie (Espagne). Le daim vit dans toute l'Europe ainsi que, à la suite d'introductions beaucoup plus récentes, dans plusieurs états des États-Unis, en Amérique centrale (Barbade et Cuba), en Amérique du Sud (Argentine, Chili, Pérou), en Afrique (Tunisie, Afrique du Sud), à Madagascar, en Australie et en Tasmanie, en Nouvelle-Zélande. Cette répartition est unique pour un cervidé. Certaines îles de la Méditerranée, de Rhodes (à l'est) à la Sardaigne (à l'ouest), en passant par Chypre, hébergeaient ou hébergent encore le daim. On admet de plus en plus qu'il s'agit d'introductions humaines anciennes, le plus souvent en provenance d'Asie Mineure d'où arrivaient les flux migratoires. Génétiquement très distincte des autres comme l'ont montré des recherches en 2006, la population de Rhodes trouverait ainsi son origine au néolithique.
Des paysages ouverts
Quel que soit le pays où il vit, le daim apprécie la forêt, dans laquelle il s'abrite. Mais il a besoin de paysages ouverts pour se nourrir, étant avant tout un brouteur. On peut donc le rencontrer dans des lieux assez peu boisés. En forêt caducifoliée (arbres perdant leurs feuilles en automne), les groupes sont généralement petits et les sexes séparés la plupart du temps sauf à l'époque du rut. En forêt de conifères, les groupes sont plus importants. Enfin, les hardes fréquentant des zones largement ouvertes sont les plus denses et les sexes se côtoient pratiquement toute l'année.
Peu de prédateurs
Dans les parcs, le daim n'a pratiquement pas de prédateurs. Il risque de rencontrer le lynx pardelle dans le sud de l'Espagne, le lynx européen en Europe centrale, et les derniers loups ici et là. Pourtant, aucun de ces carnassiers ne représente un véritable danger pour lui. Lorsqu'il cohabite avec le renard roux (Grande-Bretagne, par exemple), ses faons sont exceptionnellement capturés par le petit canidé. Les chiens errant en liberté dans les parcs font bien plus de dégâts : jusqu'à 3 mois, un jeune daim est facilement tué par un chien de chasse.
Très sédentaire
La Nouvelle-Zélande héberge actuellement 8 espèces de cervidés, alors qu'il n'y en avait aucune avant l'arrivée des Européens. C'est un excellent champ d'expérimentation, permettant de comparer le pouvoir d'adaptation des diverses espèces introduites. On a ainsi observé que les daims se déplacent peu au cours de leur vie et qu'ils restent le plus souvent près du lieu de leur naissance. Après des lâchers d'animaux, les petites populations, bien que faisant souche, augmentent peu leur domaine vital. Elles n'avancent que de 0,6 à 0,8 km par an. Un daim peut passer toute sa vie à moins de 3 km de son lieu de naissance. Alors que les cerfs élaphes se déplacent à plus de 30 km de leur site natal et occupent ainsi beaucoup plus rapidement le terrain.
Plutôt lié aux lisières et aux clairières qu'à la grande forêt, le daim peut cependant atteindre de plus grandes densités que le cerf en forêts matures. Animal de basse altitude, il semble capable de partout évincer le cerf élaphe, sauf des zones d'altitude.
Ses aptitudes à assimiler de nombreuses plantes expliquent peut-être son succès face à ses concurrents alimentaires. Sur certains types de prairie, les daims grandissent mieux que les moutons ou les bovins. D'où l'intérêt que certains éleveurs portent à l'espèce et la tentative de domestication dont elle est l'objet actuellement.
Des études sur le polymorphisme génétique des populations de daims ont été entreprises en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande. Tous les résultats révèlent une faible diversité entre les animaux étudiés, descendant donc d'un petit nombre de parents fondateurs. Quelques animaux déplacés ont été à l'origine de chacun des troupeaux, ensuite gérés par l'homme à l'abri des conditions extrêmes, ce qui a permis aux individus noirs, blancs ou blonds de se reproduire. Il serait intéressant d'explorer par électrophorèse des protéines du sang un grand nombre de sujets. Les plus anciennes lignées se trouvent sans doute en pays méditerranéens. L'absence de diversité prouverait que l'effectif ayant survécu à la dernière glaciation était faible.
Le daim et l'homme
Animal d'agrément, gibier ou animal domestique ?
L'alliance de l'homme avec le daim est fort ancienne. Alors que ce cervidé avait une aire de répartition sans doute limitée il y a quelques millénaires, les hommes, dès l'Antiquité, l'ont introduit partout. Sa présence à Chypre, en Crète, à Rhodes, en Sardaigne en est une preuve flagrante. Ces déplacements d'animaux se poursuivent et le daim est peut-être, aujourd'hui, en voie de domestication.
Agrément des parcs anglais
Dans les parcs de Grande-Bretagne évoluent aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers de daims en semi-liberté. Pourtant, la date d'arrivée de l'espèce sur l'île est encore incertaine.
Pour tous, le daim y a disparu après la dernière glaciation, il y a 12 000 ans, et a été réintroduit. Mais certains pensent que son retour date des Phéniciens qui commerçaient avec ces contrées des siècles avant les Romains. Pour d'autres, ce sont les Romains qui l'ont réintroduit après leur conquête. Quoi qu'il en soit, des traces de sa présence existent de façon certaine à l'arrivée des Normands (au xie siècle) pour qui il représentait un gibier de choix. Dès le xive siècle, le daim était l'hôte de centaines de parcs où on pouvait le chasser. Initialement, ces parcs étaient quasi naturels. Plus tard, des bâtiments furent construits sur place et ces paysages prirent l'aspect de parcs aménagés.
Tous les daims du Royaume-Uni descendent de ces ancêtres médiévaux. Des sujets échappés ont sans doute créé des hardes sauvages en forêt ouverte. Ces évasions ont été nombreuses durant les deux guerres mondiales.
Enfin, il existe quelques troupeaux sauvages depuis des siècles, comme ceux de New Forest (Hampshire), Epping Forest (Essex), Dean Forest (Gloucestershire), Rockingham Forest (Northamptonshire) et Cannock Chase (Staffordshire). Le daim est également présent au pays de Galles, en Irlande et, probablement depuis 1290, en Ecosse.
Viande « diététique » déjà très prisée
Dès l'Antiquité, le daim était élevé en enclos ; l'idée de le domestiquer n'est pas nouvelle. On le trouve dans l'iconographie de l'Egypte ancienne. Les Hittites et les Grecs gardaient ses troupeaux ou maintenaient les animaux captifs. À l'époque romaine, l'écrivain latin Columelle parle des enclos dans lesquels les Gaulois gardaient les daims. Aujourd'hui, l'élevage des cervidés se développe et le daim peut y tenir une place importante.
Le débouché de cet élevage est double : d'une part la venaison, d'autre part le marché de la médecine traditionnelle asiatique, grande consommatrice de toutes sortes de substances d'origine animale. Le daim a des qualités certaines. Il est relativement résistant aux maladies. Sa croissance semble plus rapide que celle du cerf et peut-être même que celle des ovins et des bovins. La production annuelle de viande à l'hectare de prairie peut dépasser celle des bœufs et des moutons. À cela s'ajoute le rendement excellent des carcasses. Après élimination des abats, il reste 57 % du poids de l'animal vif pour un daim mâle d'un an, c'est-à-dire autant que pour un veau ou un bovin adulte, contre seulement 50 % pour un agneau. Le pourcentage de morceaux nobles (filets) est aussi de 57 % du poids de la carcasse, autant que pour un veau à l'engrais (de 55 à 60 %), alors qu'il est de 45 à 50 % pour un agneau.
De plus, le kilo de viande de venaison se vend plus cher que la viande courante, et la chair de cervidé a la réputation d'être une viande peu grasse, pouvant obtenir le label « viande diététique ». La carcasse d'un daim adulte contient 8 % de gras, celle d'un jeune daim 4 %, et celle de nos aminaux domestiques 20 %. Sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles nos ancêtres, qui aimaient les viandes grasses, n'entreprirent pas la domestication du daim, par ailleurs très « intéressant » puisque l'espèce se reproduit bien : 90 % des femelles ont un petit chaque année.
Les atouts en faveur de l'élevage du daim en ferme sont donc nombreux et la demande pour cette viande se précise.
En Alsace et... en Turquie
Les daims du massif de l'Illwald, en Alsace, sont célèbres, car il s'agit de l'un des plus anciens troupeaux sauvages connus en France. Ils habitent le ried, plaine boisée située au cœur de l'Alsace, entre l'Ill et le Rhin. Les animaux proviennent d'un lâcher effectué en 1858 près de Sélestat. La population actuelle, répartie entre les départements français du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, compte quelques centaines d'animaux recensés dans les divers massifs, avec des densités pouvant varier de 1 à 2 et jusqu'à 20 daims sur 100 hectares boisés.
Un plan de gestion de la forêt est prévu pour que le milieu puisse supporter 12 daims sur 100 ha, par des aménagements du milieu, avec l'introduction d'arbres fruitiers et de chênes rouges d'Amérique, par la création de parcelles agricoles et de prairies artificielles dans les massifs, l'entretien des allées forestières et l'élagage de certains arbres dont les rameaux sont recherchés par les daims. La chasse n'est pas interdite dans ces zones, mais, très sélective, elle se fera à l'approche.
Terre d'origine de l'espèce, la Turquie est probablement l'un des seuls pays où le daim a survécu à la glaciation de Würm. Mais c'est là qu'il est aujourd'hui le plus menacé.
Autrefois, il abondait, surtout en Anatolie. Aujourd'hui, il s'est réfugié dans le Düzlercami sur les pentes nord de la chaîne du Taurus, près d'Antalya. En 1969, il n'en restait plus qu'une centaine. Vingt ans après, grâce à un effort important de protection, l'effectif était remonté à 600, mais il demeurait trop faible pour assurer la survie de l'espèce. Aujourd'hui, la population est restreinte au Parc national de Telmessos (Fethiye), dans le sud du pays, et ne compte plus qu'une trentaine d'individus.
Des couleurs et des comportements
La domestication du daim a été particulièrement étudiée par Helmut Hemmer. Il considère que le daim est la seule espèce réellement domestiquée depuis des siècles. Pour Hemmer, la domestication repose sur trois principes : les espèces sauvages les plus domesticables sont capables de se reproduire en captivité, même en forte densité ; au sein d'une espèce sauvage, les animaux les plus faciles à domestiquer sont ceux qui ont, relativement, le plus petit cerveau ; la sélection et la combinaison de certains morphotypes (couleurs, robes...) peuvent favoriser le processus de domestication. Si les daims captifs deviennent très familiers, ils s'affolent aussi très facilement dans un enclos et se blessent sur les clôtures en voulant s'enfuir. Pour rendre leur élevage plus facile, la domestication, c'est-à-dire la perte des réflexes de fuite et de panique, est la seule solution.
Rainer Schaad, de l'équipe de Hemmer, a pu montrer le lien entre le comportement et la couleur de la robe. Dans un troupeau où les trois robes, blanche, noire et blonde (ménil) coexistent avec la robe de type sauvage, les plus méfiants sont les daims de type sauvage. De même, les noirs, les blancs et les blonds se laissent approcher facilement, surtout si le visiteur apporte du pain. Enfin, les daims à la robe de type sauvage ont des réactions synchrones : ils se lèvent, se couchent, ruminent en même temps ; alors que les autres, notamment les daims blancs, sont plus indépendants. Ces différences prises en compte permettent d'éviter les mouvements de panique.
La population mondiale de daims est inconnue ; elle a été estimée à 200 000 animaux dans les années 1980, en excluant ceux qui étaient élevés pour la viande (78 500 environ étaient alors élevés pour la venaison). L'Allemagne venait en tête avec 24 000 animaux et la Nouvelle-Zélande avec 35 000. Les pays européens et l'Amérique du Nord ne produisent que de la viande. La Nouvelle-Zélande et l'Australie (4 000 têtes) produisent à la fois de la viande et des produits de base pour la pharmacopée traditionnelle de l'Extrême-Orient. Les velours de tous les cervidés sont particulièrement recherchés dans les pays asiatiques, car ils auraient la propriété de « rajeunir » les fonctions de l'organisme humain, mais ce sont surtout les cerfs d'Asie et de Nouvelle-Zélande qui ont été les victimes de ce commerce (il est en effet interdit de couper les bois dans plusieurs pays d'Europe).
Des réserves de viande sur pied pour les marins
Le daim atteint l'Australie via la Tasmanie en 1850, la Nouvelle-Zélande en 1870, l'Afrique du Sud dans les années 1890 et Madagascar en 1932. Ces pays et les États-Unis, l'Argentine, le Chili, l'Uruguay, le Pérou se souviennent de l'arrivée par bateau des premiers daims, au xix esiècle ou au début du xxe. Peut-être s'agissait-il chaque fois de transporter des réserves de viande sur pied pour nourrir l'équipage. Le daim s'adapte à tant de situations qu'il représente une sécurité pour l'homme lors de ses longs voyages vers des terres mal connues.
Une présence remontant au néolithique
Les plus anciens déplacements du daim remonteraient au néolithique. La présence du daim à Rhodes est ainsi fort ancienne et on la pense indigène de cette île. Un couple de daims en bronze figure sur les deux colonnes qui encadrent l'entrée du port de Mandraki, là où, autrefois, se dressait le colosse de Rhodes, haut de 31 m, l'une des sept merveilles du monde antique. Un tremblement de terre abattit la statue, trente ans après son édification.
Malgré la légende selon laquelle Rhodes reçut d'Athènes l'interdiction de rebâtir le colosse, dont le bronze fut emmené au loin par un marchand syrien, certains affirment aujourd'hui que les daims du port, fondus bien plus récemment, l'auraient été avec ce qui restait du bronze de la statue.
En Sardaigne, l'histoire est différente. Encore récemment, l'île possédait deux espèces de cervidés : Cervus elaphus corsicanus, le cerf, et Dama dama, qui aurait été introduit par les Phéniciens. Le dernier bastion du daim en Sardaigne était également une zone de refuge pour le cerf. À l'est de Cagliari, dans les montagnes de Sarrabus, le maquis et la forêt méditerranéenne ont caché l'un et l'autre. Éteinte dans les années soixante, l'espèce a été réintroduite, notamment dans la réserve naturelle de Monte Acorsu.