cigogne blanche
Le bel oiseau blanc chargé de symboles, dont le vol plané fait rêver enfants et adultes et qui se plaît dans la compagnie des hommes, a pour ancêtres lointains d'immenses et cauchemardesques animaux ailés qui ne savaient pas voler, mais étaient dotés de pattes si puissantes qu'ils pouvaient défier tous les prédateurs.
Introduction
L'ordre des ciconiiformes auquel appartient la famille des ciconiidés est d'origine très ancienne : sa naissance date du crétacé, il y a une centaine de millions d'années. Malheureusement, très peu de fossiles permettent de connaître l'origine des ancêtres de la famille de la cigogne. Les seuls restes découverts sont ceux de l'oiseau géant Phororhacos dans des terrains miocènes en Patagonie.
À cette époque, il y a entre 40 et 25 millions d'années, ce volatile arpentait – tel un oiseau de cauchemar – les étendues du continent américain. Il mesurait plus de 1,60 m de haut et sa tête avait plus de 90 cm de longueur. Cet oiseau, qui ne pouvait pas voler, possédait des pattes si puissantes qu'elles lui permettaient de tuer reptiles et mammifères et assuraient sa sécurité contre presque tous les prédateurs. Aujourd'hui, l'espèce qui ressemble le plus à cet étrange animal est Balaeniceps rex, le bec-en-sabot, qui vit caché dans des marais difficilement accessibles de l'Afrique tropicale.
En revanche, il existe peu d'éléments sur les ancêtres directs de la cigogne blanche : les spécialistes, cependant, s'accordent pour situer l'origine de l'espèce sur le continent africain.
Les ciconiiformes regroupaient traditionnellemeent 35 familles dont les ciconiidés. Ces derniers sont tous de grands échassiers dont la taille varie entre 0,30 et 1,50 m, avec un cou, des pattes et un bec presque toujours longs. Cet ordre comprendrait également les hérons, ou ardéidés, les spatules et les ibis, ou threskiornithidés, de même que le genre Balaeniceps (le bec-en-sabot, classé désormais parmi les pélécanidés) et les scopidés (l'ombrette).
En réalité, des changements de classification sont intervenus et certains oiseaux que l'on associait auparavant à cet ordre, comme les grues ou les vautours du Nouveau monde (cathartidés), en sont apparus éloignés. En 2008, de nouvelles recherches (Hackett Shannon J. et alii, « A Phylogenomic Study of Birds Reveals Their Evolutionary History » in Science, 27 juin 2008, vol. 320, n° 5884, pp. 1763 - 1768) ont bouleversé la classification de nombreuses espèces d’oiseaux et les ciconiiformes ne regrouperaient finalement plus que la famille des ciconiidés.
Aujourd'hui, les caractéristiques principales des ciconiidés sont leurs larges ailes arrondies et leur queue courte ainsi que les trois doigts antérieurs légèrement palmés accompagnés d'un quatrième, postérieur, permettant à ces oiseaux de se tenir sur les branches des arbres. Ils sont tous adaptés à la vie dans les eaux peu profondes.
Les cigognes et les autres oiseaux de cet ordre (marabouts, becs-ouverts ou tantales) sont familiers de l'homme, qui les protège tout en leur attribuant des pouvoirs légendaires.
La vie de la cigogne
Vols planés pour des migrations spectaculaires
Plutôt solitaire lors de la nidification, la cigogne blanche devient grégaire lorsqu'elle voyage ou hiverne. Lors des grandes migrations, elle adopte le vol plané, dépensant ainsi peu d'énergie. Elle ne bat des ailes qu'au décollage et abandonne ce type de vol dès que possible. La troupe nomade s'offre alors, ailes déployées, aux courants d'air chaud qui l'aspirent littéralement. Prenant rapidement de l'altitude, à la vitesse de 2 à 3 m par seconde (si le courant d'air chaud est puissant), les cigognes planent ensuite sans efforts. Par plusieurs centaines, on peut les voir monter, les ailes rigides, et former de larges cercles avant de disparaître dans le ciel.
Elles atteignent alors de très hautes altitudes, parfois jusqu'à 3 500 m. Avec une maîtrise inouïe, elles parviennent à se diriger en utilisant les vents comme les courants d'altitude, quelle que soit la force de ces derniers.
Pendant les vols migratoires, sur de longues distances, les cigognes se livrent ainsi à une série d'ascensions et de planés, au cours desquels elles perdent peu à peu de l'altitude. D'abord quelques oiseaux décollent à l'aube, avant la colonie : ils jouent le rôle d'éclaireurs à la recherche des courants thermiques. Dès qu'ils les ont trouvés, ils sont rejoints par la troupe.
Cette technique ne nécessite pas une organisation de type « vol en escadrille » comme en adoptent d'autres grandes voyageuses, telles les oies cendrées, qui pratiquent le vol battu. Mais elle n'est possible que le jour et lorsque le soleil réchauffe suffisamment la terre pour que se créent des courants thermiques. Cela exclut l'hypothèse selon laquelle les cigognes effectueraient de nuit leurs migrations au-dessus des déserts.
La descente vers la terre est, elle aussi, très impressionnante : les cigognes se laissent tomber en vrilles acrobatiques, avant de se poser sur le sol, avec grâce.
15 000 kilomètres aller et retour
Les courants chauds indispensables aux oiseaux planeurs n'existent pas au-dessus des mers ou des océans. C'est pourquoi les cigognes d'Europe ont deux itinéraires pour rejoindre leurs quartiers d'hiver en Afrique : celles qui nichent plus à l'ouest passent par le détroit de Gibraltar, les autres prennent une voie à l'est par le Bosphore. En fonction de ces deux voies migratoires, on distingue la population de cigognes qui hiverne en Afrique occidentale (Mali, Niger, Sénégal, Nigeria) et celle qui va chercher les chaleurs de l'Afrique orientale (Soudan, Kenya), atteignant même l'Afrique du Sud. Le périple aller et retour peut représenter plus de 15 000 km ! Un petit nombre d'oiseaux issus de populations nichant à l'est de la mer Noire se retrouvent en Inde et côtoient la sous-espèce du Turkestan, Ciconia ciconia asiatica.
C'est vers le mois d'août que la plupart des cigognes quittent leurs zones de nidification. Il est possible de les observer au-dessus du Bosphore, en Turquie. Les quartiers d'hiver sont atteints au cours des mois de novembre ou de décembre. Dès février, la troupe repart en sens inverse pour regagner les zones de nidification en mars et en avril.
Un large nid, lieu de tous les combats
Les cigognes ont la réputation d'être d'une fidélité à toute épreuve. Contrairement à ce que l'on pense, ce n'est cependant pas à son partenaire, mâle ou femelle, que cet oiseau est fidèle, mais plutôt à son nid. Durant toute la période de la reproduction, en effet, c'est cet élément qui tient pour le couple la place principale.
Le mâle arrive généralement avant la femelle sur le nid qu'il a occupé l'année précédente ou sur un nid qui vient d'être construit et qu'il a pu s'approprier. Dès cet instant, il y reste jour et nuit et le défend contre les intrus – autres mâles ou couples. La vigilance s'impose, car toute absence prolongée peut être aussitôt sanctionnée par l'assaut d'un mâle concurrent. D'où les claquements de bec énergiques qui avertissent l'adversaire dès que celui-ci tente de s'approcher. Le propriétaire du nid prend alors des postures menaçantes : il pointe son bec vers l'intrus et les plumes de son cou se hérissent.
Si toutes les manœuvres de dissuasion restent inefficaces, une sévère bagarre peut être déclenchée. Les oiseaux qui s'affrontent ainsi ne se battent pas symboliquement : ces combats sont souvent sanglants, parfois meurtriers, et ils peuvent durer plusieurs jours. Mais, si c'est une femelle qui se présente, l'accueil est tout autre. Plus de menaces : le craquètement du mâle n'est qu'une bruyante invitation aux fiançailles. Écartant les ailes, l'oiseau rejette sa tête en arrière au point que celle-ci vient toucher son dos, puis la ramène rapidement vers le bas. La femelle est très vite conquise, les accouplements commencent fréquemment le jour même, le plus souvent sur le nid.
Un nid de 500 kilos !
Un nid de 500 kilos !
Pour construire un nid, les cigognes travaillent une bonne semaine. La base est constituée de branches, mêlées à des mottes de terre, des herbes..., puis à des matériaux plus fins : foin, mousse et même papiers ou chiffons.
Si un ancien nid est réutilisé, ses occupants ne cessent de l'agrandir. C'est ainsi qu'un nid tout neuf mesure environ 80 cm de diamètre pour 40 cm d'épaisseur, tandis qu'un nid ancien, rechargé d'année en année, peut atteindre plus de 2 m de diamètre et de hauteur et peser plus de 500 kilos !
Des petits très agités
Une fois le nid terminé, la ponte s'effectue en avril ou en mai. Elle est en moyenne de 3 ou 4 œufs (on en compte parfois 6), la cigogne déposant un œuf tous les 2 jours environ. Dès que le premier œuf est pondu, les deux parents vont se relayer régulièrement pour la couvaison. L'incubation dure environ 34 jours, durant lesquels mâle et femelle se remplacent à peu près toutes les heures pendant la journée. La nuit, c'est toujours la femelle qui couve.
Les éclosions s'échelonnent sur une semaine. Souvent, c'est la loi du plus fort, le dernier-né ne survit pas. Trop chétif pour arracher à ses frères et sœurs la nourriture dont il a besoin, il est tout simplement jeté hors du nid ou même dévoré par ses parents.
Une croissance très rapide
Dès la naissance, les cigogneaux effectuent, d'instinct, des semblants de parade. On les voit renverser leur tête en arrière tout en agitant leurs moignons d'ailes, puis la ramener en avant tout en faisant vibrer leurs mandibules. En revanche, lorsque ce sont les adultes qui craquettent, les petits s'immobilisent, comme paralysés par l'excitation que manifestent leurs parents.
Ces petites boules sans plumes ne pèsent à la naissance que 75 g, mais leur croissance est fulgurante. Il est vrai que les parents fournissent un effort exceptionnel pour nourrir leur progéniture : ils ne cessent d'apporter des aliments, qu'ils régurgitent au centre du nid. L'eau est transportée dans le bec des adultes qui la déversent directement dans celui des petits.
Dès que les jeunes sont capables de se tenir sur leurs pattes, ils s'agitent et n'arrêtent pas de se chamailler. Ils se précipitent sur leurs parents quand ceux-ci reviennent au nid, allant jusqu'à leur arracher la nourriture du bec. Cette voracité leur réussit puisque, au bout d'une dizaine de semaines, ils sont prêts à tenter leur première sortie et à voler hors du nid. C'est que, très vite, ils ne tiennent plus en place dans un espace devenu trop petit pour la couvée, et ils s'exercent au vol en battant énergiquement l'air de leurs ailes toutes neuves.
Le départ du nid
Progressivement, les jeunes vont quitter le nid pour n'y revenir que la nuit. Bientôt, à la mi-juillet ou au début du mois d'août, ce nid sera complètement délaissé. Les cigogneaux, devenus autonomes, quittent alors la région de leur naissance, avant le départ de leurs parents pour la migration.
Pourtant, plus tard, les jeunes retrouveront les adultes, et ils effectueront avec leurs ainés leur premier grand voyage pour rejoindre l'Afrique.
À la fin de la période d'hivernage, la plupart de ceux qui n'ont pas encore un an demeurent sur place. Ils n'effectueront le voyage du retour que la deuxième année. En général, ils atteignent leur maturité sexuelle vers 3 ou 4 ans.
Se mettre à l'affût pour attraper les proies
Le plus souvent, la cigogne blanche est active pendant le jour. Elle consacre la nuit au repos, même s'il lui arrive exceptionnellement de faire sa toilette, de s'accoupler ou, quand la clarté de la lune est suffisante, de chasser, nuitamment, mais elle se repose le soir aussi.
Les siestes peuvent avoir lieu à terre, mais, le plus souvent, la cigogne préfère se reposer en restant perchée sur un toit ou sur un arbre. Là encore, le nid demeure le lieu privilégié. Debout sur une de ses pattes, la tête rejetée en arrière, le bec enfoui dans les longues plumes gonflées du cou et reposant sur celui-ci, la cigogne s'octroie une détente complète.
Des amies du laboureur
Mais la principale activité des cigognes reste la recherche de nourriture. Elles déambulent à découvert, sans chercher à se cacher. Elles chassent surtout dans les champs, les marais, au bord des fossés et dans tous les lieux humides. Elles aiment l'époque des labours, durant laquelle elles vont jusqu'à suivre les charrues. Après la récolte, elles apprécient beaucoup les chaumes brûlés.
Leurs proies sont essentiellement animales ; l'absorption de végétaux ou de graines est très marginale ; et, sur des décharges à ciel ouvert, elles glanent des déchets comme les charognards. Leur consommation ordinaire couvre pratiquement toute la petite faune terrestre et aquatique, des insectes aux petits mammifères en passant par les mollusques, les poissons, les vers de terre et les amphibiens. Elles chassent souvent à l'affût les petits rongeurs : elles les guettent à la sortie des trous et les transpercent de leur bec dès qu'ils se présentent.
Leur régime dépend des saisons et des conditions climatiques. En Europe centrale par exemple, 60 % des vertébrés consommés sont des petits mammifères, contre 30 % de reptiles ; cette proportion est inversée en Espagne, où serpents et lézards sont nettement plus nombreux. Les études du chercheur hongrois T. Kôrôs montrent l'extraordinaire faculté d'adaptation de la cigogne et, même si, en milieu rural, les insectes constituent sa nourriture dominante, elle modifie son alimentation en fonction des ressources disponibles.
Dévoreuses de criquets pèlerins
Sur les lieux d'hivernage, les criquets pèlerins constituent l'essentiel du régime alimentaire des cigognes, qui contribuent ainsi à l'élimination de ce véritable fléau des cultures africaines.
Enfin, les cigognes sont attirées par les feux de brousse ou de savane dont les flammes débusquent une multitude de proies.
Pour tout savoir sur la cigogne
Cigogne blanche (Ciconia ciconia)
La cigogne blanche est un grand oiseau dont la majeure partie du plumage est d'un blanc immaculé, à l'exception des rémiges, qui sont noir d'encre, du bec et des pattes, qui sont rouge vif. Elle mesure de 100 à 115 cm de long. Comme la plupart des ciconiidés, c'est un grand échassier avec un cou, des pattes et un bec longs, de larges ailes arrondies et une queue courte ; ses 3 doigts antérieurs sont légèrement palmés.
Le corps est, chez la cigogne blanche comme chez les autres espèces apparentées, robuste et allongé, la tête, sans plumes, plutôt grosse. Le mâle ne se distingue presque pas de la femelle, si ce n'est par une légère différence de taille à son avantage. Ciconia ciconia présente en outre un épais collier de plumes autour du cou.
Le plumage nuptial diffère très peu de celui que ces oiseaux portent en dehors de la période de nidification ; seules les parties nues sont, durant cette période, colorées de façon plus vive.
Les ailes sont à la fois longues et larges et possèdent 12 rémiges primaires (la 12e est minuscule). La queue, courte et carrée, se compose de 12 rectrices, avec des plumes sous-caudales qui peuvent être longues et duveteuses.
Les tarses sont réticulés, et trois des quatre doigts, relativement courts, sont reliés entre eux par une petite palmure, ce qui explique probablement l'aisance avec laquelle la cigogne marche dans l'eau ou même nage.
Les cigognes, comme pratiquement tous les oiseaux, possèdent en outre une glande à huile, dite « glande uropygienne », qui produit un liquide dont l'animal enduit son plumage pour le rendre imperméable. Chez cette espèce, la glande est recouverte de plumes.
Les jeunes, dont la livrée est différente de celle des adultes, prennent l'apparence de ces derniers à l'âge de deux ans. Leur mue n'a lieu qu'une fois par an. Chez la jeune cigogne blanche, les plumes des ailes sont noires et celles des épaules teintées de brun. Les pattes et le bec sont d'un brun rougeâtre, avec, pour ce dernier, une extrémité plus sombre.
Alors que la plupart des autres cigognes émettent une grande variété de sons et que leurs sifflets peuvent même être mélodieux, la cigogne blanche ne produit que de faibles chuintements, qui sont remplacés par des claquements de bec et des craquètements pendant la parade nuptiale ou pour éloigner des importuns du nid.
Lorsqu'elles sont en chasse, les cigognes blanches manifestent une concentration remarquable. On les voit s'avancer, le corps légèrement penché en avant, le cou à peine plié, prêt à se détendre et à propulser l'arme redoutable que constitue le bec. Tout en attrapant leurs proies, elles ne s'arrêtent pas de marcher : seul le mouvement de la tête qui se relève indique le succès de la capture.
CIGOGNE BLANCHE |
|
Nom (genre, espèce) : |
Ciconia ciconia |
Famille : |
Ciconiidés |
Classe : |
Oiseaux |
Identification : |
Grand échassier blanc et noir. Bec et pattes rouges |
Taille : |
De 1 m à 1,15 m, le corps n'en constituant que la moitié |
Envergure : |
De 1,55 à 1,65 m |
Poids : |
De 2,7 kg à 4,4 kg |
Répartition : |
Afrique du Nord, Europe de l'Ouest et centrale, Turquie, Iran, Iraq, Afrique du Sud, Turkestan et Inde |
Habitat : |
Marais, prairies et cultures ; en Afrique, savanes, steppes et lacs |
Régime alimentaire : |
Insectes, mollusques, poissons ; petits rongeurs, reptiles |
Structure sociale : |
Couples solitaires ou petites colonies ; grégaire (migrations et hivernage) |
Maturité sexuelle : |
À 3 ou à 4 ans en moyenne, parfois à 2 ans |
Saison de reproduction : |
Ponte en avril ou en mai, en février en Afrique du Nord |
Nombre d'œufs par couvée : |
4 en moyenne (de 2 à 6) |
Longévité : |
10 ans en moyenne ; record de 26 ans |
Effectifs, tendance : |
500 000-520 000 ; plus de 180 000 couples en Europe ; forte baisse en Europe entre 1970 et 1990 ; légère augmentation depuis |
Statut, protection : |
Espèce protégée en Europe (inscrite, comme tous les ciconiidés, à l'Annexe II de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe), inscrite à l'Annexe II (espèces devant faire l'objet d'accords) de la CMS (Convention sur la conservation des espèces migratrices), mais chassée dans certains pays d'Afrique |
Signes particuliers
Émissions vocales
La cigogne n'émet pas de véritables cris ni aucun chant, comme le font la plupart des autres oiseaux. L'organe qui, habituellement, produit les sons chez l'oiseau est le syrinx. Or, cet organe est bien présent chez la cigogne (alors qu'il peut faire défaut chez d'autres espèces, comme les vautours du Nouveau Monde), mais c'est la structure musculaire placée devant le syrinx qui est insuffisante chez celle-ci. Voilà pourquoi cet échassier ne peut produire que des chuintements. Les bruits émis, les craquètements, ou claquements de bec, qui manifestent l'émotivité de l'animal, sont purement mécaniques.
Embryon de pénis
Les oiseaux mâle et femelle possèdent un cloaque identique, réceptacle des produits des glandes sexuelles et des déchets digestifs. Chez certaines espèces, les mâles ont un pénis fixé sur la partie ventrale du proctodéum, segment inférieur du cloaque. On pense que, à l'origine, toutes les espèces possédaient cet organe et qu'il a peu à peu disparu. Chez la cigogne blanche, le héron, le flamant et l'outarde, il n'en reste qu'un vestige en forme de langue.
Bec
Chez le cigogneau, le bec est d'abord noirâtre puis brun-rougeâtre avant de devenir, chez l'adulte, d'un rouge vif, identique à celui des pattes. On constate un léger dimorphisme sexuel, le bec d'une femelle mesurant de 14 à 17 cm, alors que celui du mâle, plus épais, est long de 15 à 17 cm. Les narines, placées près de la base de la mandibule supérieure, sont très étroites. Chez les oiseaux, la forme du bec indique le régime alimentaire. Le bec de la cigogne blanche est typique des oiseaux harponneurs.
Pattes
Elles sont typiques des échassiers : les tarses (partie de la patte située entre l'articulation du talon et les doigts) sont longs d'environ 20 à 25 cm.
Les doigts sont courts mais, ce qui est plus remarquable, trois d'entre eux sont reliés par une palmure à leurs bases. Ces particularités expliquent les habitudes aquatiques de la cigogne blanche.
Les autres ciconiidés
La famille des ciconiidés stricto sensu, comprend, outre la cigogne blanche, 18 espèces (dont Ciconia boyciana, la cigogne blanche orientale, considérée pendant longtemps et par certains auteurs comme une sous-espèce de Ciconia ciconia), réparties en 6 genres.
Les ciconiidés sont presque tous des grands oiseaux planeurs qui portent en vol le cou tendu à l'horizontale (à l'exception des marabouts). Trois grands groupes se dégagent : les cigognes forestières, ou tantales, et les becs-ouverts d'une part, les cigognes proprement dites d'autre part ; enfin, les jabirus d'Afrique et d'Asie.
Les cigognes
Cigogne blanche orientale (Ciconia boyciana)
Identification : plus grande et plus pâle que Ciconia ciconia. Bec plus massif, noir, et peau nue de la face rouge.
Répartition: de la Sibérie orientale au Japon et à l'Inde de l'Est. Rare en Chine.
Effectifs et statut : 3 000 individus ; classée par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature) dans la catégorie « en danger » en 2008 et inscrite à l'Annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction).
Cigogne noire (Ciconia nigra)
Identification : plus petite que la cigogne blanche. Plumage noir, reflets irisés, à l'exception du ventre et des petites et moyennes couvertures sous-alaires qui sont blancs. Bec assez massif et pattes rouge écarlate, chez l'adulte. Œil rouge à l'iris brun sombre, peau nue de la face rouge.
Répartition : forêts peu fréquentées, proches de zones humides. Entre 40 et 60° de latitude nord, de l'Europe à l'Asie, jusqu'au Japon. Une population nicheuse installée en Afrique du Sud. Les populations occidentales hivernent en Afrique occidentale, mais surtout en Afrique de l'Est et du Sud.
Comportement : farouche. A eu longtemps la réputation d'un animal nuisible.
Alimentation : principalement amphibiens, poissons, crustacés, parfois insectes, reptiles et mammifères.
Effectifs et statut : 32 000 – 44 000 individus ; population partout en augmentation, grâce en partie à une protection en Europe. La prédation d'origine humaine est quasiment absente sur les lieux d'hivernage. Inscrite à l'Annexe II de la Cites.
Cigogne d'Abdim (Ciconia abdimii)
Identification : plus petite que la cigogne noire. Bec gris-vert à pointe rouge et pattes d'un vert olive terne.
Répartition : niche au Yémen et en Afrique tropicale, du nord du Sénégal à la mer Rouge. Après la nidification (saison des pluies), migre au sud de l'équateur ; en Afrique pendant la saison sèche.
Comportement : oiseau grégaire qui niche en colonies.
Effectifs : 300 000 – 600 000 individus.
Cigogne épiscopale (Ciconia episcopus)
Identification : 86 cm de long. Plumage noir, sauf cou blanc. Bec noir à pointe rougeâtre, pattes rouges.
Répartition : rivières, lacs, marécages, mer. Afrique et Asie du Sud.
Effectifs : 30 000 – 140 000 individus.
Cigogne maguari (Ciconia maguari)
Identification : plumage blanc, à l'exception des ailes et de la queue, noires. Bec, peau faciale et pattes orangés à rouges.
Répartition : mares, savane, marécages ; zone tropicale d'Amérique du Sud, de la Guyane à l'Argentine.
Comportement : nidifie souvent en compagnie des colonies de hérons, nid sur des petits arbres ou des buissons.
Alimentation : reptiles, petits mammifères, grenouilles et insectes.
Effectifs : 50 000 – 00 000 individus.
Ciconia stormi, dont l'aire de répartition comprenait le sud de la Thaïlande, la péninsule malaise, Sumatra, l'île de Bornéo, Brunei et Kalimantan (Indonésie) est probablement éteinte en Thaïlande et désormais réduite à une petite population dispersée à travers la péninsule malaise. Sa population est estimée à 250-500 individus. L'espèce a été classée par l'U.I.C.N. dans la catégorie « en danger » en 2008.
Les tantales
Tantale d'Amérique (Mycteria americana)
Identification : 1 m environ. Plumage presque tout blanc. Tête sans plumes, grise et noire (adulte) ; bec long, épais et jaunâtre, légèrement incurvé.
Répartition : marais et bois marécageux du sud des États-Unis (Floride notamment) jusqu'en Amérique du Sud et aux Antilles.
Comportement : niche en colonies dans les arbres.
Alimentation : poissons, reptiles et amphibiens.
Tantale indien (Mycteria leucocephala)
Identification : 95 cm, ensemble blanc, face nue jaune-orangé passant au rouge en période nuptiale. Ailes festonnées de noir. Large bande noire au travers de la poitrine. Bec très fort, légèrement incurvé, jaune. Pattes de brun à rouge.
Répartition : Inde, Sri Lanka, Bangladesh, Népal, Pakistan, Laos, Myanmar, Viêt Nam., .
Comportement : pêche à la manière des marabouts. Le plus souvent, il avance le bec entrouvert dans l'eau. Vit en couples isolés, sauf à la saison des nids, où il se rassemble en grandes colonies.
Effectifs et statut : 15 000 individus en Asie du Sud ; moins de 10 000 individus en Asie du Sud-est. Espèce classée par l'U.I.C.N. dans la catégorie « quasi menacé » en 2008.
Tantale blanc (Mycteria cinerea)
Identification : environ 95 cm. Plumage nuptial semblable à celui du bec-ouvert asiatique (Anastomus oscitans), mais scapulaires blanches. Bec jaune (jaune vif en période de reproduction) à extrémité blanche. Peau faciale rouge.
Répartition : lacs, marais, côtes, mangroves et vasières. Java, Sumatra, Malaisie, Cambodge.
Effectifs et statut : 5 500 individus (dont 5 000 à Sumatra et 400 dans l'ouest de Java). Populations en baisse ; classé par l'U.I.C.N. dans la catégorie « vulnérable » en 2008 et inscrite à l'Annexe I de la Cites.
Tantale africain ou tantale ibis (Mycteria ibis)
Identification : différent des vrais ibis, qui forment unautre genre de ciconiiformes (famille des threskiornithidés). Bec légèrement recourbé à l'extrémité.
Répartition : tout le continent africain, de la zone tropicale à l'Afrique du Sud.
Comportement : niche en groupes.
Effectifs : 50 000- 100 000 individus.
Les becs-ouverts
Bec-ouvert (Anastomus lamelligerus)
Identification : environ 75 cm ; bec dont les mandibules ne se rejoignent qu'à leur base et à leur extrémité.
Répartition : bords de fleuves, de rivières ou étendues d'eau saumâtre, rarement dans les lagunes côtières ; niche dans toute l'Afrique noire ; Madagascar.
Comportement : constamment grégaire.
Alimentation : gros mollusques aquatiques surtout.
Effectifs : 300 000 – 500 000 individus.
Bec-ouvert asiatique (Anastomus oscitans)
Identification : espèce voisine de la précédente ; plumage noir et blanc.
Répartition : toute l'Asie méridionale, de l'Inde au sud de la Chine.
Effectifs : 130 000 individus.
Les marabouts
Grand marabout africain (Leptoptylos crumeniferus)
Démarche exprimant le calme et l'autorité, d'où son surnom d'« adjudant ».
Identification : 1,50 m de long, envergure approchant les 3 m. Bec énorme. Cou en partie dénudé portant une poche de peau nue et rose : le sac gulaire. C'est la plus connue des 3 espèces de marabouts existantes.
Répartition : souvent en groupes près des villages et des zones d'abattage. Se reproduit dans presque toute l'Afrique noire au sud du Sahara.
Comportement : en vol, replie le cou pour supporter le poids de son bec.
Alimentation : charognes et proies vivantes, dont des criquets pèlerins. Peut tuer de jeunes crocodiles et tenir tête même au lion.
Effectifs : 100 000-300 000 individus.
Les espèces voisines sont le petit marabout, Leptoptylus javanicus, moins nécrophage, qui se reproduit de l'Inde au sud de la Chine, (5 000 oiseaux, classé par l'U.I.C.N. dans la catégorie « vulnérable » en 2008) et le grand marabout, Leptoptylus dubius, 1,50 m de long, en Asie, de l'Inde (600-800 oiseaux) au Cambodge (70 couples), classé par l'U.I.C.N. dans la catégorie « en danger » en 2008.
Les jabirus
Jabiru du Sénégal (Ephippiorhinchus senegalensis)
Identification : 1,50 m ; bec énorme, rouge vif, avec au milieu une large barre noire ; « écusson » jaune d'or à la racine de la mandibule supérieure.
Répartition : niche sur les gros arbres ; Afrique tropicale.
Comportement : solitaire, mais se mêle pourtant à des groupes d'autres échassiers : hérons ou spatules.
Alimentation : poissons et petits animaux chassés par le feu dans les incendies de brousse.
Effectifs : 10 000 -25 000 individus.
Jabiru asiatique (Ephippiorhynchus asiaticus
Identification : ressemble au précédent ; un peu plus petit ; sans écusson.
Répartition : toute l'Asie méridionale, de l'Inde jusqu'en Australie.
Population et statut : 31 000 individus. Classé par l'U.I.C.N dans la catégorie « quasi menacé » en 2008.
Jabiru américain (Jabiru mycteria)
Identification : un des plus grands oiseaux américains volant. 1,50 m de long, plumage blanc, tête noire dénudée, cou noir à bandes rose-rouge.
Répartition : du Mexique à l'Argentine.
Milieu naturel et écologie
L'habitat de la cigogne blanche est assez varié. On trouve cet oiseau aussi bien dans les prairies et les pâturages que sur les terres cultivées, sauf dans les régions de monoculture extensive où il a du mal à trouver une nourriture suffisante. Lorsqu'il est en quête de nourriture, l'important, pour lui, est de pouvoir déambuler à son aise dans de belles étendues ouvertes.
Les zones de marais ou de prairies humides, les vallées fluviales ou les plaines parcourues de cours d'eau sont particulièrement prisées par les cigognes : près de 75 % des nids y sont installés. En revanche, on ne rencontre jamais la cigogne blanche au bord de la mer, sauf si elle s'est égarée.
Le nid le plus haut : à 2 000 mètres
La cigogne s'adapte aux transformations du milieu pour l'installation de ses nids. Ainsi, au Danemark, tous les nids de cigognes blanches étaient, avant les années 1960, construits sur des arbres ou sur des toits de chaume. En 1972, un seul nid fut repéré sur un toit de chaume, tandis que, à partir de 1978, les cigognes ne nichaient plus dans les arbres : elles leur préféraient les maisons. Actuellement, tous les nids sont construits, dans les villes et les villages et aux abords de ceux-ci, sur des pylônes et des cheminées. Le nid le plus haut a été trouvé en Arménie, à 2 000 mètres d'altitude.
En Afrique, la cigogne blanche montre les mêmes exigences qu'à l'époque de la nidification. Elle ne fréquente jamais la forêt tropicale et se cantonne dans les savanes et les steppes, et tout autour des grands lacs.
Expédients contre la chaleur
Au lieu de faire vibrer sa gorge, comme le font les ardéidés (hérons), la cigogne combat la chaleur comme les hommes, en haletant, la langue tirée. Elle peut aussi déployer ses ailes, qui font office d'ombrelles contre les rayons puissants du soleil. Enfin, les pattes des oiseaux étant un des principaux vecteurs de la chaleur et du froid, la cigogne combat les hausses et les baisses brutales de température en se tenant debout, une patte repliée sous le ventre. Elle rafraîchit aussi ses membres inférieurs en les aspergeant de fiente très diluée. Si elle a été baguée, la fiente sèche sur les pattes bloquées au niveau des bagues, ce qui, à terme, entraîne des nécroses graves, parfois mortelles.
Déclin de la population européenne
L'aire de répartition actuelle de la cigogne blanche dans cette partie du monde est très nettement réduite par rapport à ce qu'elle a dû être auparavant. On trouve sa trace en Italie jusqu'au-delà du xiie siècle et elle était présente sur le sol français selon une plus large distribution que maintenant. En Grèce, elle a souffert lorsque les Turcs, qui la vénéraient, quittèrent le pays au début du xixe siècle, car les Grecs, par vengeance, massacrèrent les oiseaux. L'espèce a fortement décliné entre les années 1970 et 1990. Depuis, la population a légèrement augmenté mais n'a pas retrouvé ses précédents niveaux.
Les études récentes de S. et J. D. Lebreton ont montré que deux facteurs étaient primordiaux pour l'équilibre démographique des cigognes blanches. Le facteur le plus important est le taux de survie des adultes. Le taux de reproduction vient en deuxième position.
L'espèce est principalement menacée par l'altération de son habitat : drainage des prairies, agriculture intensive, raréfaction des lieux de nidification…
Le tir à la cigogne sur les voies de migration ainsi que les chasses sur les lieux d'hivernage frappent les oiseaux adultes. L'impact est important lors de la migration prénuptiale, effectuée par les seuls oiseaux reproducteurs.
La cigogne blanche souffre aussi de la pénurie alimentaire dans ses quartiers d'hiver en Afrique, une mauvaise alimentation hivernale entraînant une baisse de la reproduction au printemps suivant. S'ajoutant à la sécheresse, la lutte chimique contre les criquets et les sauterelles prive les cigognes d'un de leurs aliments favoris.
Retour au lieu de naissance
Si les cigognes reviennent souvent à leur ancien nid, elles ne retrouvent pas nécessairement leur lieu de naissance. Une étude récente menée en République tchèque par J. Formanek a montré que, sur 125 oiseaux bagués et suivis, la moitié d'entre eux étaient revenus nicher à moins de 100 km de leur lieu de naissance (dont 5 à moins de 10 km) ; l'oiseau ayant niché le plus loin de sa zone de naissance avait été noté à 750 km de celle-ci.
La cigogne et l'homme
Un oiseau vénéré partout dans le monde
Qui n'a vu l'image de la cigogne blanche portant tendrement dans son bec un nouveau-né emmailloté ? En installant ses nids dans les villages et les cités, cet oiseau, symbole de fidélité et de fécondité, a tissé des liens très forts avec les hommes, dont il hante les légendes. Et, pourtant, sa population diminue, en partie par la faute de ceux-ci.
Cigogne et fécondité
Dans certaines régions d'Allemagne et de l'est de la France, une très ancienne tradition populaire veut que la cigogne apporte les bébés dans les foyers. En vieil hollandais, d'ailleurs, le nom de l'oiseau, ooievaar, vient de l'allemand odebaar, qui signifie « transporteur d'âmes ». Aujourd'hui encore, en Allemagne, on appelle les angiomes de naissance des « baisers de cigogne ».
D'autres textes font de ce bel oiseau le responsable de la conception. En Europe du Nord, on imagine qu'il féconde les femmes en leur mordant la jambe. En Orient, on lui attribue, comme au héron, le pouvoir de féconder une femme par un simple regard. Chez les Germains, la cigogne est en relation avec la déesse Holda, qui garde dans des lieux humides les âmes des défunts tombées avec la pluie. Elle les réincarne ensuite dans des corps d'enfants et charge l'oiseau blanc de les apporter aux parents qui le désirent. C'est là un trait commun à beaucoup de croyances selon lesquelles les femmes deviennent enceintes quand elles s'approchent de certains endroits où les âmes des enfants les attendent.
Des oiseaux légendaires
Le nom de la cigogne blanche en suédois et en anglais (stork) ou en allemand (storch) viendrait de Starke ihn (« Donne-lui de la force »), un cri lancé, selon un conte chrétien, par une cigogne qui, assistant à la crucifixion du Christ, aurait eu pitié de sa souffrance...
Oiseau de bon augure, la cigogne l'est au même titre que l'ibis et que le héron. Dans différents pays, son image, liée à des récits de métamorphose, confère à l'oiseau une origine humaine. Plusieurs légendes existent autour de cet animal. En Russie, on raconte qu'après avoir créé crapauds et serpents Dieu a voulu s'en débarrasser. Pour ce faire, il les a rassemblés dans un sac en confiant à un homme la tâche d'aller jeter ce sac à la mer sans l'ouvrir. Mais la curiosité étant la plus forte, l'homme a entrouvert le sac et les bêtes se sont échappées. Alors Dieu, pour le punir, l'a transformé en cigogne afin que, toute sa vie, il soit obligé de manger ces animaux répugnants.
Une légende analogue existe dans les pays d'Afrique du Nord, et jusqu'en Iran. Elle fait de cet oiseau un animal sacré, dont on ne doit pas manger la chair. Il serait en effet la réincarnation d'un marabout qui aurait transgressé la religion en effectuant ses ablutions rituelles avec du petit-lait ! Puni par Allah, le saint homme fut changé en cigogne, mais obtint le droit de nicher sur les mosquées, notamment sur celle de La Mecque. Depuis, dans ces pays musulmans, on appelle la cigogne hadj Belgassen : le « pèlerin de Belgassen ».
En 1666, Laurent d'Arvieux, interprète d'un chargé de mission de Louis XIV dont on a retrouvé les notes, constatait, lors d'un séjour en Tunisie : « Des anciens aqueducs, il ne reste que quelques arches servant à porter des nids de cigognes. En nous voyant avec nos fusils, des paysans nous avertirent de ne pas tuer ces oiseaux, de crainte d'attirer sur nous la malédiction des dieux... ».
L'idée que les cigognes ont une âme est également ancrée dans certaines régions des Pays-Bas, de Lituanie et d'Allemagne, où l'on assurait que, à l'époque de l'hivernage, elles se transformaient en êtres humains...
La cigogne et la foudre
« Heureuse la maison choisie par la cigogne pour y faire son nid, car la foudre l'épargnera. » Cette croyance est si forte en 1007 que les ouvriers qui travaillent à la reconstruction de la cathédrale de Strasbourg, en partie détruite par la foudre, arrêtent leur travail de peur que la foudre ne frappe à nouveau. Ils ne le reprennent que lorsqu'un couple de cigognes vient élire domicile dans les échafaudages... Les liens entre la cigogne et le feu sont aussi souvent présents chez les Germains, qui pensent que cet oiseau apporte aux hommes la foudre et, en même temps, le feu. Cette éminente mission a été remplie ailleurs par d'autres oiseaux – le roitelet pour les Celtes, le pic épeiche pour les Romains, l'aigle pour les Grecs, le faucon en Inde.
En Thuringe, si la cigogne ne revient pas nicher comme à l'habitude sur une maison, celle-ci risque de brûler bientôt. En outre, certains prétendent qu'une cigogne peut aider à éteindre le feu en transportant de l'eau dans son bec. Une manière comme une autre d'évoquer la façon dont elle abreuve ses petits.
Des dangers omniprésents pour une espèce à sauver
La diminution des populations de cigognes est souvent due aux activités humaines. En effet, ces oiseaux sont décimés sciemment par la chasse ou indirectement par l'augmentation récente des lignes électrifiées, un peu partout en Europe. Les chasseurs attendent le passage des migrateurs, le doigt sur la gâchette.
Au Soudan, où il y aurait environ 3 000 cigognes tuées par hivernage, on pratique une chasse très spectaculaire, qui a lieu aux heures les plus chaudes, quand les oiseaux sont assommés par la chaleur. Les chasseurs peuvent alors s'en approcher, courir après eux et les attraper à la main, car ils sont lents à s'envoler.
Enfin, dans les pays industrialisés, de nombreuses cigognes trouvent la mort en étant électrocutées ou en se blessant sur les fils électriques. Différentes mesures – épouvantails, ultrasons, enterrement des câbles – sont à l'étude pour limiter le nombre de ces accidents, mais, pour le moment, elles se sont montrées impraticables ou insuffisantes. Des silhouettes de rapaces ont même été fixées en haut des pylônes pour éloigner les cigognes des câbles meurtriers, et des spirales de plastique rouge et blanc ont été posées sur les câbles électriques pour les signaler.
La disparition des cigognes sauvages dans des pays comme la Suisse et la France – où il ne restait que neuf couples en 1974 – a incité les autorités à mettre sur pied un programme de réimplantation de cet animal, qui a d'abord été lancé en Suisse près de la ville d'Altreu par M. M. Bloesh, en collaboration avec deux scientifiques français, A. Schierer et W. Bœtcherstein. Des cigognes ont été importées, d'abord d'Alsace, où la population était encore florissante (le premier enclos réalisé dans cette région date de 1956 : on y accueillait les animaux blessés), ensuite d'Algérie. On élevait des couples captifs en enclos pour tenter de reconstituer plus tard une population sauvage. En Suisse, à partir de 1990, 153 couples se reproduisaient librement ou en captivité. En France, la population de cigognes a ainsi pu être sauvée de justesse.
Fidélité et longévité
« Jamais, dit-on, une cigogne ne nichera sur une maison où il y a eu un divorce. » Célèbre est la fidélité que l'on attribue à la cigogne vis-à-vis de son conjoint. Malheur à celle qui n'est pas fidèle ! Elle sera condamnée : les fables sur des tribunaux champêtres rassemblant les cigognes et laissant après leur départ, des oiseaux exécutés sont nombreuses. Dans ces récits, les condamnés sont toujours des femelles.
Chez les Grecs anciens, la cigogne a aussi la réputation d'être un symbole de fidélité aux vieux parents, et une loi obligeant les enfants à s'occuper de leurs parents a été appelée « Pelargonia », de pelargos, cigogne.
Mais la cigogne évoque aussi une notion de longévité. En Chine, pour souhaiter une longue vie à un ami ou à un parent, on lui offre l'image d'une cigogne.
Cet oiseau atteindrait un âge fabuleux : « À 600 ans, dit-on, elle ne mange plus ni ne boit ; à 2 000 ans, elle devient toute noire. » Et, dans le nord de la France, une cigogne élevant sa nichée sur une maison assurait longue vie au propriétaire.