procession
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin processio, « action de s'avancer, d'aller en avant » ; trad. du grec proodos.
Philosophie Antique, Philosophie de la Renaissance
Chez Plotin et ses successeurs, mouvement selon lequel les trois hypostases : l'Un, l'Intellect et l'Âme, dérivent l'une de l'autre.
L'Âme procède de l'Intellect qui lui-même procède de l'Un. La nécessaire procession(1), en tant qu'elle établit le lien entre les trois hypostases, apporte une solution au problème posé par le rapport entre l'Un et le multiple.
La procession implique un rapport de continuité entre les hypostases. En ce sens, elle ne doit pas être assimilée à un acte démiurgique, tel que celui que décrit Platon dans le Timée(2), mais à une forme d'émanation continue. Plotin use de métaphores qui invitent à comprendre la procession comme une dérivation : l'Un étant la source de tout(3) ; ou comme un rayonnement(4). Les deux images suggèrent comment l'Un, dans sa surabondance, se diffuse, identique à lui-même, sans jamais s'épuiser, et confère ainsi aux autres hypostases le pouvoir de surabonder à leur tour et donc d'engendrer.
La procession n'exclut pas cependant un rapport d'altérité. On peut parler de hiérarchie entre les hypostases et l'on peut être tenté de concevoir la procession comme un ordre descendant ou selon un mouvement en spirale d'éloignement progressif du centre. L'Intellect, cercle immobile autour du Bien, se constitue en se différenciant de l'Un, puisqu'en lui se réalise la multiplicité des Formes intelligibles. De même, l'Âme, cercle en mouvement autour de l'Intellect, relève plus encore de l'altérité, notamment en raison du rapport qu'elle entretient avec le sensible(5). Même si la puissance de l'Un reste identique à elle-même au niveau du processus d'ensemble, à chacune des étapes de sa diffusion, celle de l'Intellect, puis celle de l'Âme, elle s'affaiblit progressivement, jusqu'à s'annihiler dans la matière.
La procession n'est cependant pas cette fuite, définitive et irréversible, loin du principe, que sa conception comme ordre descendant ou circulaire semble impliquer. De fait, elle intègre, à chaque niveau, une conversion : un mouvement de retour vers l'entité directement supérieure, et par conséquent aussi vers l'Un. Ainsi l'Intellect se retourne-t-il vers l'Un et l'Âme trouve-t-elle son accomplissement dans son élan vers l'Intellect, donc, par-delà ce dernier, vers l'Un-Bien(6).
Annie Hourcade
Notes bibliographiques
L'un des traits propres au néoplatonisme florentin, et l'une de ses infidélités majeures au néoplatonisme grec, est de souligner la fonction de l'amour dans le processus d'émanation, et surtout dans le « retour à l'Un », conçu désormais comme un retour à Dieu, selon une idée de la conversion héritée de la tradition biblique. Marsile Ficin, dans son célèbre commentaire au Banquet platonicien, explique le processus de la production des différents niveaux ontologiques par l'amour que Dieu éprouve pour sa création, de même que la remontée à Dieu procède de l'amour que l'âme éprouve pour Dieu. Ce qui caractérise donc l'amour est sa réciprocité : de même que le monde tend et désire Dieu, de même Dieu tend vers le monde. L'amour permet à Ficin, et à ceux qui le suivent, comme F. Patrizi, de considérer l'émanation non pas comme l'expression et l'expansion de l'Un, mais comme un acte volontaire, spontanée et libre.
Fosca Mariani Zini
Notes bibliographiques
- Voir aussi : Allen, M.J.B., The Platonism of M. Ficino, Berkeley / Los Angeles, 1984.
- Allen, M.J.B., Plato's Third Eye. Studies in M. Ficino's Metaphysics and its Sources, Aldershot, 1994.
- Aubin, P., Le problème de la « conversion », Paris, 1963.
- Dodds, E.R. (éd.), Proclus. The Elements of Theology, Oxford, 11933, 1963.
- Laurens, P. (éd.), Marsile Ficin. Commentaire sur le Banquet de Platon, de l'amour, Paris, 2002.
- Laurent, J., Les Fondements de la nature selon Plotin. Procession et participation, Vrin, Paris, 1992.
- O'Meara, D., Plotin, une introduction aux Ennéades, Cerf, Paris, 1992.
- Trouillard, J., La Procession plotinienne, Paris, 1955.
- Id., Procession néoplatonicienne et Création judéo-chrétienne, Paris, 1983.