beaux-arts
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Esthétique
Ensemble des arts dont la seule finalité est de réaliser la beauté.
À la distinction que fait le Moyen Âge entre les arts mécaniques et les arts libéraux, qui se composent eux-mêmes du quadrivium (arithmétique, géométrie, musique et astronomie) et du trivium (grammaire, rhétorique et logique), le xviiie s., accordant une large extension à une notion apparue au milieu du xviie s., substitue la catégorie des « beaux-arts », qui désigne les techniques « nobles » ayant pour seule fonction de produire la beauté. Ce privilège sera contesté par Diderot qui, dans l'article « Art » de l'Encyclopédie, réhabilite le travail de l'artisan, depuis longtemps méprisé, et en fait l'égal de l'artiste(1). La critique n'est pas demeurée sans effet, et la locution « les beaux-arts » nous semble aujourd'hui surannée pour l'élitisme qu'elle suggère.
La classification médiévale des arts, formulée au ve s. par Martianus Capella, qui s'inspirait lui-même de Platon, correspondait au développement dialectique des idées du Beau et du Vrai, accordées entre elles par l'idée du Bien. L'ensemble moins structuré des « beaux-arts » est en revanche solidaire de la révolution esthétique qui prend pour centre, non la définition par concept de la forme objective, mais la qualité du sentiment éprouvé dans l'instant de la rencontre. L'art, dans les beaux-arts, court le risque de se disperser dans la rapsodie illimitée des singularités : comment coordonner la nécessaire multiplicité des beaux-arts (le pluriel est présent dès les premières mentions) dans l'unité devenue problématique de l'art ? L'ouvrage que l'abbé Batteux publie en 1746 a le mérite d'énoncer clairement la question(2).
Dès la fin du xviiie s., se multiplient les systèmes des beaux-arts qu'on souhaite substituer à la classification médiévale, désormais oubliée. C'est ainsi que Kant, dans la Critique de la faculté de juger, propose une division raisonnée qui se fonde, dans la continuité des travaux de Condillac, sur l'expression et sur la communication de nos « Idées esthétiques »(3). Hegel en revanche, inversant la série génétique formulée par l'Académie à l'âge classique (le dessin engendre la peinture et la sculpture, elle-même coordonnée à l'architecture), fait se succéder les beaux-arts selon les progrès de l'Idée se réfléchissant en ses œuvres, du plus matériel des arts, l'architecture, aux plus spirituels, la musique et la poésie(4).
Il est vrai que cette volonté de système paraît hégémonique aux yeux des contemporains. Le pluriel est devenu un titre de gloire, qui revendique le privilège de la diversité contre les prétentions de la totalité. C'est ainsi que les beaux-arts ont fini par supplanter l'art, dont le concept est aujourd'hui bien problématique.
Jacques Darriulat
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Diderot, D., article « Art », dans Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (articles choisis), t. I, Flammarion, GF, Paris, 1986, pp. 247-257.
- 2 ↑ Batteux, C., les Beaux-Arts réduits à un même principe, Aux amateurs de livres, Paris, 1989.
- 3 ↑ Kant, E., Critique de la faculté de juger, trad. A. Renaut, Flammarion, GF, Paris, 1995.
- 4 ↑ Hegel, G. W. F., Cours d'esthétique, trad. J.-P. Lefebvre et V. von Schenk, 3 vol., Aubier, Paris, 1998.
- Voir aussi : Kristeller, P. O., le Problème moderne des arts. Étude d'histoire de l'esthétique (1951-52), trad. B. Han, J. Chambon, Nîmes, 1999.