athéisme
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du grec theos, « dieu » et α- privatif.
Métaphysique, Philosophie Cognitive
Doctrine qui nie l'existence de Dieu, directement ou indirectement.
L'Antiquité avait connu peu de doctrines véritablement athées ; mais on y trouvait des critiques de la superstition ou des controverses liées par exemple au refus de l'anthropomorphisme. Quant à l'épicurisme, il niait non pas l'existence des dieux, mais leur intervention dans les affaires humaines. Cela a d'ailleurs suffit pour qu'on l'assimile à un athéisme. Cette situation sera durable : on appelle athée non seulement celui qui se revendique comme tel, mais aussi celui dont on soupçonne que ses croyances affichées cachent des convictions différentes, voire celui dont la doctrine met en cause par ses conséquences au moins la gloire de dieu ou sa Providence, même s'il accepte son existence. Ainsi, Hobbes, Spinoza, Fichte ont été dénoncés comme athées alors que leurs doctrines donnait une place, parfois importante, à un dieu certes très différent de celui de la tradition religieuse. La réfutation ou, plus souvent, la dénonciation de l'athéisme est d'ailleurs devenue un genre obligé des philosophes spiritualistes et des théologiens. À l'âge classique, on le dénonce non seulement comme faux, mais comme dangereux : ne craignant pas les châtiments divins, l'athée constitue un péril pour la société. Le premier qui forgera un contre-argument sera Pierre Bayle, pour qui l'idolâtrie est plus dangereuse que l'athéisme, qui donne en exemple la vie de Spinoza, « athée vertueux », et pour qui une société d'athées est possible(1).
Deux vrais courants athées se succèdent à cette époque : un athéisme clandestin – celui des libertins et des manuscrits clandestins, qui s'appuie sur l'héritage des doctrines antiques en les remaniant. Un athéisme ouvert, ensuite, dans le courant le plus radical des Lumières, chez d'Holbach ou Diderot – qui prend appui sur le développement des sciences, notamment des sciences de la vie, pour affirmer que la matière peut se mouvoir par elle-même et qu'elle peut penser ; la négation de Dieu apparaît ainsi comme liée à la négation de la spiritualité (donc de l'immortalité) de l'âme. Dans ces deux courants, l'affirmation de l'athéisme est souvent liée à une critique violente d'une religion historique particulière : le christianisme ; il doit également se démarquer de formes de pensée intermédiaire (le déisme, la religion naturelle), que les théologiens chrétiens, au contraire, voient comme des préludes à l'athéisme. Aux siècles suivants, l'athéisme sera revendiqué par exemple par Marx ou par Sartre – pour qui il est la condition de la recherche de la liberté humaine.
Les principaux arguments de l'athéisme sont les suivants :
– les attributs divins sont contradictoires, ce qui rend impensable l'idée de Dieu : face au scandale du Mal, comment concilier la justice, la bonté et la puissance divines ? Attribuer la cause dernière du monde à un dieu que l'on avoue ignorer, n'est-ce pas légitimer une ignorance par une autre, plus confuse encore ?
– on peut expliquer l'idée de Dieu par la projection de l'essence de l'homme (c'est la thèse feuerbachienne(2)) ; on peut aussi expliquer la religion soit par l'ignorance, soit par l'imposture politique, soit (en faisant moins de place à la construction volontaire) par son rôle idéologique.
– enfin l'athéisme peut rendre raison autrement de ce que la religion dit expliquer grâce à la notion de Dieu. De ce point de vue, il ne suffit pas de nier l'existence d'un dieu : il faut lui substituer un autre principe ; c'est pourquoi l'athéisme à l'âge classique apparaît souvent lié au matérialisme ou au moins à la conviction que la démarche scientifique suffit à rendre raison du monde et du sens de l'action humaine.
Il faut observer que la plupart des arguments de la philosophie pour et contre l'athéisme ont été constitués par référence au monothéisme, ou au moins, dans le cas de l'Antiquité, d'une doctrine de l'unité du divin. Il faut remarquer aussi que les polémistes religieux ont souvent confondu scepticisme, athéisme, panthéisme et critique de la superstition.
Pierre-François Moreau
Notes bibliographiques