éducation
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin educare, « nourrir », « avoir soin de ».
Philosophie Antique
Action qui vise à faire de l'enfant un homme accompli.
La question de l'éducation (paideia) est au cœur de la pensée antique et objet constant de débats car elle engage le type d'homme qu'on cherche à promouvoir. Les maîtres de l'âge classique se sont tous prononcés sur ce sujet. Trois modèles éducatifs sont en conflit, à Athènes, à la fin du ve s. :
1) La vieille tradition aristocratique trouve encore des défenseurs, tel Aristophane, pour valoriser la formation militaire et sportive, et la vertu héroïque qui s'acquiert par imitation des aînés et imprégnation.
2) Les sophistes prétendent, contre rémunération, faire acquérir à quiconque s'adresse à eux l'habileté technique en matière de discours, et un Protagoras se définit même, pour cela, comme simplement éducateur(1).
3) Socrate conteste qu'on puisse enseigner la vertu(2), mais Xénophon affirme qu'« il faisait espérer à ceux qui passaient leur temps avec lui qu'ils deviendraient vertueux en l'imitant ».
La question : « La vertu peut-elle s'enseigner ? » s'avère donc cruciale.
Platon, à la suite de Socrate, y répond négativement(3), pour cette raison que la vertu est science et que la science ne peut être l'objet d'une transmission(4), mais seulement d'une réminiscence. C'est en lui que l'élève découvre le savoir, et non hors de lui : imiter Socrate veut dire être, comme lui, à l'écoute de son daimon. L'éducation ne consiste donc pas à mettre la science dans l'âme, mais à tourner la faculté d'apprendre vers l'intériorité ; elle est donc conversion(5). Cette thèse de l'éducation-conversion trouvera son expression chrétienne dans le De Magistro de saint Augustin, qui fait de l'enseignant un moniteur attirant l'attention de l'élève sur la vérité intérieure.
Pour Aristote, la vertu n'est pas science, mais disposition acquise devenue habitude (hexis). Elle n'est donc pas, pour lui non plus, objet d'enseignement, mais de pratique régulière et continue sous l'égide de la loi(6).
Toutes les écoles philosophiques antiques ont ce souci d'éducation morale, et Simplicius définira le philosophe comme un pédagogue pour tous les citoyens(7).
La tension entretenue par l'appel socratique à se soucier de son âme d'une part, le programme sophistique de formation de l'homme public d'autre part, n'empêchèrent pas l'instauration d'un modèle éducatif associant philosophie et arts du discours (poésie et éloquence), qui perdura jusqu'à notre âge classique à travers les « humanités » des Latins et les « arts libéraux » du Moyen Âge, faisant prévaloir, selon les époques, vie contemplative ou vie active.
Sylvie Solère-Queval
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Platon, Protagoras, 317 b.
- 2 ↑ Platon, Protagoras, Ménon.
- 3 ↑ Platon, Ménon, 94 e.
- 4 ↑ Platon, le Banquet.
- 5 ↑ Platon, République, VII, 581c-d.
- 6 ↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 1 ; X, 10.
- 7 ↑ Commentaire sur le Manuel d'Épictète, cité par P. Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Gallimard, Paris, 1995, p. 322.
- Voir aussi : Jaeger, W., Paideia. Die Formung des griechischen Menschen, 3. Aufl., Bd. I, II, III, De Gruyter & Co., Berlin, 1959. Trad. du t. I (« Paideia. La formation de l'homme grec »), Gallimard, Paris, 1964.
- Marrou, H. I., Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Seuil, Paris, 1948.
→ active / contemplative (vie), philosophie, réminiscence, vertu
Philosophie Moderne
Processus de perfectionnement d'un naturel.
L'éducation s'oppose avant tout au dressage, elle ne regarde que l'être humain dans sa spécificité, qui réside comme l'affirme Rousseau dans sa perfectibilité : c'est parce qu'il est perfectible que l'homme se distingue de l'animal, qui ne se modifie que sous l'effet de la simple évolution naturelle. Ainsi, l'idée d'éducation renvoie à une forme d'activité, de la part de l'éducateur comme de celle de celui qui reçoit un enseignement.
L'éducation, qui suppose une activité de l'esprit, permet aux hommes de « sortir de leur minorité », pour reprendre le mot de Kant, c'est-à-dire d'accéder à l'exercice propre de leur faculté de connaître en toute liberté. La finalité de l'éducation doit précisément consister à faire advenir ce à quoi la nature de l'homme le destine à être, et c'est pourquoi il y a dans ce processus une véritable téléologie : l'enfant doit devenir autonome pour accomplir l'humanité qui est en lui. Ainsi l'éducation se doit-elle de s'inscrire dans cette injonction kantienne : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! » (Qu'est-ce que les Lumières ?, Paris, GF, 1991, p. 43).
Les récits de formation des grands philosophes retracent chacun à leur façon la phase de l'apprentissage : qu'il s'agisse de Montaigne et des Essais, de Descartes et du Discours de la méthode, ou de Rousseau et des Confessions, les itinéraires intellectuels accusent tous une disproportion entre les connaissances acquises et le résultat de cette éducation ; c'est que, précisément, une éducation réussie tend toujours à l'affranchissement de celui qui est éduqué, et que la liberté constitue à la fois le terminus a quo et le terminus ad quem de la perfectibilité.
Clara da Silva-Charrak
Notes bibliographiques
- Rousseau, J.-J., Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.
Émile.
Confessions. - Kant, E., Qu'est-ce que les Lumières ?
- Montaigne, M., Essais.
- Descartes, R., Discours de la méthode.
- Voir aussi : Platon, La République.
- Condorcet, J.A.N.C. (de), Tableau des progrès de l'esprit humain.