William, dit Count Basie
Pianiste, organiste, compositeur et chef d'orchestre de jazz américain (Red Bank, New Jersey, 1904-Hollywood, Floride, 1984).
Il fonda, en 1935, un orchestre qui s'imposa très rapidement comme le rival des formations de Duke Ellington et de Jimmy Lunceford. Les solistes Buck Clayton, Lester Young, Roy Eldridge et les chanteurs Jimmy Rushing et Joe Williams s'y révélèrent. Count Basie a forgé sa popularité sur une mise en place orchestrale parfaite et un rythme très travaillé basé sur l'usage des riffs et l'égalité des quatre temps.
Le « p'tit gars de Red Bank », fasciné dans sa jeunesse par Fats Waller- qui l'initiera à l'orgue- et par les pianistes stride, accompagnateur de chanteuses, pianiste de shows itinérants, se trouve sans travail en 1927 à Kansas City.
Dans la capitale du Missouri, véritable laboratoire de la musique noire en gestation, de nombreux clubs accueillent des musiciens en tournées, qui se confrontent aux « locaux » en d'interminables jam-sessions. Progressivement se met en place un style, fondé sur le blues, qui va influencer le cours du jazz : l'usage des riffs et l'égalité des quatre temps, le four-beat. Enthousiasmé par la musique des Blue Devils, dirigés par le contrebassiste Walter Page, représentant de cette tendance avec l'orchestre de Bennie Moten, William « Bill » Basie, alors accompagnateur de films muets, écrit à Page ; réponse : en 1928 il devient pianiste de l'orchestre, puis, un an plus tard, celui de Bennie Moten, jusqu'à la mort de ce dernier en 1935.
Après quelque hésitation, Basie finit par s'associer au saxophoniste Buster Smith pour diriger le Buster Smith and Basie Band of Rhythm au Club Reno de Kansas City. C'est au cours d'une retransmission radiophonique qu'un speaker attribue à Basie le titre de « Count » (comte) et que le critique John Hammond le « découvre » : « Je ne pouvais en croire mes oreilles… Basie avait développé un style d'une extraordinaire économie. En quelques notes, il disait tout ce que Waller et Hines pouvaient dire pianistiquement, usant d'une ponctuation parfaite- un accord, une note-, capable de stimuler des souffleurs et de leur faire atteindre des sommets jusque-là inaccessibles. Entre 1932 et 1936, Basie avait découvert l'efficacité de la simplicité. » Parmi les musiciens se trouvaient notamment le trompettiste Buck Clayton, Lester Young, Walter Page et Jo Jones.
Hammond aide Basie à étoffer son orchestre, lui procure des engagements au Grand Terrace Café de Chicago et au Roseland Ballroom de New York, et à enregistrer en octobre 1936 le Jones-Smith Incorporated, qui comprend Carl Smith (trompette), Lester Young (pour son premier enregistrement), le Count, Walter Page, Jo Jones et, pour deux titres, le chanteur Jimmy Rushing avec lequel Basie s'était lié d'amitié chez les Blue Devils.
En 1937, Basie engage le guitariste Freddie Green (1911-1987), qui restera pendant cinquante ans LE guitariste de l'orchestre, constituant avec Page et Jones la All American Rhythm Section. La formidable machine à swing est en marche et, en pleine « Swing Era », s'impose aux côtés de celle d'Ellington, de Benny Goodman et de Tommy Dorsey.
Entre 1936 et le début de la guerre, l'équipe est relativement stable et une quantité impressionnante de chefs-d'œuvre sera gravée. Citons les plus grands solistes de cette première période : Buck Clayton, Harry Edison (trompette), Benny Morton, Dicky Wells (trombone), la formidable section d'anches : Chu Berry, Hershel Evans, Buddy Tate, Earl Warren, Lester Young, les chanteuses Billie Holiday et Helen Humes ; et évoquons quelques titres : Jumpin'at the Woodside, One O'Clock Jump, Every Tub …, ainsi que les arrangeurs Eddie Durham, Jimmy Mundy, Buster Harding…
Le départ de Lester Young en décembre 1940, ceux de musiciens enrôlés dans l'armée créent un flottement dans l'orchestre que Basie dissout en 1950. Après avoir dirigé une petite formation, c'est un nouveau départ en 1952 avec un nouveau personnel, et d'autres arrangeurs : Thad Jones, Joe Newman (trompette), Eddie Davis, Frank Foster, Frank Wess, Ernie Wilkins (anches), Sonny Payne (batterie), Nel Hefti (arrangeur). La popularité d'Every Day (chanté par Joe Williams) et du disque Atomic Mr. Basie remettent l'orchestre au premier plan : tournées mondiales, accompagnement de « stars » (Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Frank Sinatra) ; invitations multiples (Roy Eldridge, Dizzy Gillespie, Milt Jackson), festivals (Antibes, Montreux), engagement de jeunes musiciens et d'autres arrangeurs (Eric Dixon, Oliver Nelson, Chico O'Farrill, Sam Nestico), duos de piano avec Oscar Peterson. Devenu, à côté d'Ellington, une véritable institution, l'orchestre continuera de swinguer comme aux premiers jours jusqu'à la disparition de son chef… et même après, puisque Frank Foster perpétuera la tradition de cette formation la plus porteuse de swing à l'état pur, dont le nom résonne comme un symbole : COUNT BASIE.