Werner Stipctic, dit Werner Herzog
Cinéaste allemand (Sachrang, Bavière, 1942).
Un autodidacte du cinéma
Issu d’un milieu modeste, Werner Herzog est encore adolescent lorsqu'il décide de créer sa propre société de production et il n'a qu'une vingtaine d'années lorsqu'il réalise ses premiers courts métrages, Herakles (1962, achevé en 1965) et Spiel im Sand (1964, inédit). Dès son premier long métrage, Signes de vie (Lebenszeichen, 1967), quelques constantes de son œuvre sont posées : tentation de l'absurde, goût pour les situations extrêmes et certaines formes de la folie, imagerie visionnaire et références à la tradition du romantisme allemand.
En 1968, il commence à tourner des documentaires destinés à la télévision, tout en réunissant patiemment des prises de vues qui, assemblées, constituent Fata Morgana (1970), film expérimental aux qualités poétiques incontestables. Ses documentaires sont comme régis par les règles de ses films de fiction, et leur réalisme est transformé par l'insertion de séquences oniriques. C'est le cas en particulier du Pays du silence et de l'obscurité (Land des Schweigens und der Dunkelheit, 1970-1971), long métrage sur une femme, Fini Straubinger, aveugle et sourde.
Un visionnaire attiré par la démesure
Les nains aussi ont commencé petits (Auch Zwerge haben klein angefangen, 1970), dont les héros sont tous des nains, inaugure une série de films où s'exprime une originale « poésie du sous-homme » – série qui va alterner avec quelques portraits d'aventuriers utopiques et mégalomanes.
Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre, der Zorn Gottes, 1972) en est l'exemple le plus fameux. Tourné au cœur de l'Amazonie péruvienne, c'est le film qui apporte à Werner Herzog la consécration internationale. En 1974, l'Énigme de Kaspar Hauser (Jeder für sich und Gott gegen alle) est sa confrontation avec le mythe de Gaspard Hauser, qu'il présente comme un individu « naïf » au sens originel du terme, dont le regard révèle les illusions de la société qui l'accueille. Le rôle est tenu par Bruno S. (Bruno Schlenstein), un « inadapté », une victime des diverses oppressions qu'il dut affronter depuis l'enfance. Musicien des rues, personnalité hors du commun découverte en 1970 par le cinéaste berlinois Lutz Eisholz, Bruno S. s'est totalement identifié à Gaspard Hauser, et Herzog tirera de sa vie la matière d'un autre film, la Balade de Bruno (Stroszek, 1977), interprété bien sûr par Bruno S. Entre plusieurs documentaires, il tourne Cœur de verre (Herz aus Glas, 1976), d'après un scénario d'Herbert Achternbusch. Nosferatu, fantôme de la nuit (Nosferatu, Phantom der Nacht, 1979) est une nouvelle version, hommage et recréation tout à la fois, du célèbre film de Murnau. Aussitôt après Nosferatu, il adapte le drame de Büchner Woyzeck (1979). Fitzcarraldo (1982) est une nouvelle variation sur le thème de l'aventurier mégalomane et le Pays où rêvent les fourmis vertes (Where The Green Ants Dream, 1984) défend la civilisation des aborigènes en Australie.
À partir de 1984, Herzog réalise de nombreux documentaires destinés essentiellement à la télévision, puis Cobra verde (1987), où il retrouve son acteur fétiche Klaus Kinski, pour un film qui s'inscrit dans la veine de ses aventures exotico-historiques teintées de nietzschéisme. En 1990, Échos d'un sombre Empire (Echos aus einem düsteren Reich) évoque l'aventure du dictateur mégalomane Bokassa, l'« Empereur » de la République centrafricaine, tandis que Cerro Torre, le Cri de la roche (Schrei aus Stein), tourné en 1991 en Patagonie, s'apparente, par son thème central (le film de montagne) et par la narration, à une tradition illustrée par Frank, Trenker, et Riefenstahl. En 1999, Herzog signe Ennemis intimes (Mein liebster Feind – Klaus Kinski), un documentaire personnel sur Klaus Kinski et les rapports que le cinéaste a entretenus avec son acteur fétiche. Grizzly Man (2005), nouveau documentaire, nous entraîne sur les traces de l’écologiste Timothy Treadwell et des grizzlys en Alaska. Également metteur en scène d’opéras (Lohengrin, 1991 ; Tannhäuser, 2000), Werner Herzog a reçu en 2001 le Prix Murnau – une des plus importantes distinctions du cinéma allemand.