Torquato Tasso, en français le Tasse
Écrivain italien (Sorrente 1544-Rome 1595).
Avec sa longue suite d'errances et d'internements (1577 et 1579-1586), la folie du Tasse est aussi célèbre que sa Jérusalem délivrée, poème épique en 20 chants situé à l'époque de la première croisade. Le plus énigmatique de cette folie est qu'elle lui fit désavouer son chef-d'œuvre à peine accompli (dès 1575), s'opposer à sa publication jusqu'en 1581, puis passer tout le reste de sa vie à le censurer et à le mutiler : ce fut la Jérusalem conquise (1592-93). Tout en composant la Jérusalem, entreprise en 1559, le Tasse a écrit un poème chevaleresque, Rinaldo (1562), et une fable pastorale, Aminta (1573), qui anticipait tout le mélodrame des xviie et xviiie s., de Monteverdi à Métastase, et connut le succès. Si l'unité de la Jérusalem, au-delà de son foisonnement, est avant tout esthétique pour le lecteur moderne, elle ne pouvait être, pour le Tasse, que technique et idéologique. Celui-ci, en effet, se préoccupait essentiellement de la conformité de son poème aux règles énoncées dans ses Discorsi dell'arte poetica (1566) et ses Discorsi del poema eroico (1595), concernant aussi bien la finalité religieuse et la vraisemblance historique du poème « héroïque » lui-même, que le choix des personnages et les péripéties narratives (en particulier les batailles et les duels). Mais, paradoxalement, le processus d'autocensure, rhétorique et doctrinale, qui aboutit à la Jérusalem conquise, s'accompagne d'un formalisme exaspéré, qui annonce les excès de la poésie baroque. Enfermé à l'asile de Sainte-Anne de Ferrare (1579), le Tasse compose la chanson Aux princesses de Ferrare. Libéré en 1586, il reprend une vie vagabonde et meurt au moment où le pape va faire de lui son poète lauréat. Quant aux dernières œuvres poétiques du Tasse, elles relèvent encore plus nettement d'une esthétique prébaroque, qu'il s'agisse de la lourde machinerie tragique de Torrismondo (1587), ou de l'imagerie, aussi fastueuse que glacée, de Le Sette Giornate del mondo creato (1607). On lui doit aussi 26 Dialogues, traduits en 1632 sous le titre les Morales du Tasse, et des Lettres, document capital sur l'esprit du temps et sur ses crises de conscience.