Theodore Walter, dit Sonny Rollins
Saxophoniste ténor et compositeur de jazz américain (New York 1929).
Il commence sa carrière en 1947 et publie en 1956 son album Saxophone Colossus. Marqué par le be-bop, il affectionne les petites formations et développe un jeu original, caractérisé par un son puissant et l'influence des musiques caraïbes (St Thomas, Don't Stop the Carnival). Parmi ses enregistrements, citons : The Bridge (1961), What's New (1962), East Broadway Run Down (1966), Play G-Man (1987), Here's to the People (1991).
Géant, il l'est autant par sa stature musicale que par son impressionnante présence physique. Mais Rollins aura traversé le jazz moderne depuis le be-bop jusqu'à aujourd'hui avec, au fond de lui-même, un doute permanent sur sa propre capacité de création, d'où ces remises en question qui l'ont conduit à des périodes de retraite (1959-1962) : il joua seul, pour lui, sur les ponts de Brooklin et Williamsburg ; (de septembre 1969 à juillet 1971) ; il en sortira tel un phénix renaissant de ses cendres, à la fois différent et toujours le même. Indifférent aux jeux de la mode, rigoureux et austère, soucieux de perfection, il n'aura de cesse d'explorer le jazz.
Après le bop en compagnie des plus grands (1950), il deviendra le maître incontesté du hard bop le plus dur, rejoignant Clifford Brown et Max Roach, se confrontant avec Coltrane dans un mémorable Tenor Madness, enregistrant l'imposant Saxophone Colossus, tout cela en 1956. Il préférera ensuite les formules réduites (trio sans piano, duo, solo), il s'intéressera au jazz in 3/4 time (la « valse hot »)… Au sortir de son premier silence, on le retrouvera comme apaisé dans The Bridge, avant sa rencontre avec les défricheurs Ornette Coleman et Don Cherry (Our Man in Jazz)… et le retour aux standards.
Lorsqu'il resurgit de son deuxième éloignement, c'est pour un flirt sans conviction avec le jazz-rock. Mais, au début des années 1980, enfin rasséréné, il devient cet improvisateur aventureux, impétueux et superbement lyrique, loin de ses inquiétudes, incluant sa versatilité naturelle dans le déroulement du discours, tradition et contradiction confondues, conciliées ou contournées… à l'infini.
Malgré ces épisodes, constantes sont les références au grand aîné, Hawkins, pour le son « gras » dans le « plein » de l'instrument, et à Parker pour la liberté d'improvisation. Il y a aussi chez Rollins un fréquent recours au folklore de ses origines (les caraïbes, les calypsos : Saint Thomas, Don't Stop the Carnival), un ressassement des thèmes, un étirement des introductions et codas, une inclusion de citations inattendues (hymnes, comptines…), un humour sardonique, des changements/enchaînements/déraillements de rythmes et climats, un travail sur le souffle (respiration circulaire) et les timbres.
Rollins, la soixantaine entamée, poursuit inlassablement une carrière unique et exemplaire d'improvisateur toujours aventureux, exprimant un besoin/bonheur de jouer avec un lyrisme et un humour confondants que chaque prestation met en évidence.