Bessie Smith
Chanteuse de blues américaine (Chattanooga, Tennessee, 1894-Clarksdale, Mississippi, 1937).
Elle enregistra en 1923 son premier disque, qui connut un immense succès. Surnommée l'Impératrice du blues, elle fut une très grande vedette jusqu'en 1930 avant de sombrer dans l'alcoolisme et la misère. Parmi ses enregistrements, citons : Bessie Smith, Great Original Performances. 1925-1933.
La pièce d'Edward Albee, La Mort de Bessie Smith, n'a pas mis fin à la polémique : selon certains témoins, un hôpital « blanc » aurait refusé de l'admettre après son accident de voiture. On ne saura jamais vraiment si c'est la ségrégation qui lui a coûté cette vie qu'elle avait assombrie de toute façon. En tout cas, elle est morte là où elle a toujours vécu : sur la route. Car c'est par les minstrel shows itinérants que cette orpheline a commencé à dix-huit ans sa carrière nomade, dans la troupe où chantait son aînée et premier modèle, Gertrude « Ma » Rainey.
Dès 1921, sa personnalité s'affirme au sein de son propre orchestre, qu'elle emmène dans les villes du Nord ; deux ans après, un contrat avec Columbia lui permet de supplanter avec Down Hearted Blues les premières chanteuses de blues enregistrées- Mamie Smith, Ida Cox, Alberta Hunter, Victoria Spivey, Ethel Waters- et elle devient vite la première superstar du show-business noir.
Jusqu'en 1930, Bessie Smith grave une centaine de chefs-d'œuvre, accompagnée par les plus grands jazzmen, dont Armstrong, Coleman Hawkins, James P. Johnson, Fletcher Henderson et son impresario, Clarence Williams. Ses chansons réalistes, mais peu politisées, décrivent très crûment la misère, la souffrance amoureuse et les calamités naturelles dans un style plus déchirant que plaintif, souvent empreint d'un féminisme rageur. Sous les chapiteaux comme dans les théâtres plus luxueux, sa beauté et son élégance tapageuse, son franc-parler et son instinct bagarreur qui n'épargnent pas les Blancs font de son tour de chant un événement local. Malgré sa vie très libre, elle va à l'office chaque dimanche, où qu'elle soit, et les innombrables preachers qu'elle y écoute avidement influencent beaucoup ses interprétations profanes.
Hélas, après la Grande Crise, son style passe de mode et elle connaîtra un certain déclin, accentué par son divorce et par un alcoolisme chronique, dont elle se moque elle-même dans le film Saint Louis Blues que lui consacre la Warner en 1929.
Par sa grande liberté rythmique et sa diction très subtile, Bessie Smith a su franchir en quelques trop brèves années une distance considérable : celle qui sépare les accentuations un peu carrées du blues rural de ce balancement enjôleur ou songeur que retrouveront à sa suite Billie Holiday et Ella Fitzgerald. Mieux, elle aura découvert tous les codes tacites qui font de la chanteuse de jazz, à part entière, un membre de l'orchestre.