Nicéphore Niépce
Physicien français (Chalon-sur-Saône 1765-Saint-Loup-de-Varennes 1833).
Universellement connu aujourd'hui pour l'invention de la photographie, il mourut sans se douter de l'immense succès et des nombreuses applications qu'allait connaître cette technique d'enregistrement des images. Son ingéniosité s'exerça aussi dans d'autres domaines.
Un pionnier du moteur à explosion
Issu d'une famille aisée de la bourgeoisie bourguignonne – son père est avocat, receveur des consignations du Chalonnais et conseiller du roi –, Joseph Niépce, qui a une sœur et deux frères, étudie chez les oratoriens à Chalon, Troyes et Angers, et envisage un temps de devenir prêtre avant d'y renoncer en 1788. Quand éclate la Révolution, partisan de l'abolition de l'ordre ancien, il rejoint la Garde nationale et adopte le surnom de Nicéphore. Il s'engage dans l'armée révolutionnaire en 1792 et participe à des campagnes dans le sud de la France et en Sardaigne. Mais, dès 1794, sa vue déficiente et sa santé délicate le contraignent à abandonner la carrière militaire. Il s'établit alors à Nice, où vient le rejoindre son frère aîné, Claude, et épouse la fille de sa logeuse. De cette union naît, l'année suivante, un fils, Isidore (un autre, Agénor, naîtra plus tard mais mourra en bas âge). En 1801, tous regagnent la propriété des Niépce, à Saint-Loup-de Varennes, près de Chalon-sur-Saône, pour assurer la gestion du patrimoine familial.
Ingénieux, férus de physique et de chimie, Claude et Nicéphore mettent au point ensemble un moteur d'un genre nouveau, à combustion interne, le Pyréolophore, pour lequel ils obtiennent, en 1807, un brevet valable dix ans : précurseur du diesel, ce moteur, dont le principe de base est fondé sur la dilatation de l'air consécutive à l'inflammation brutale d'un combustible – de la poudre de lycopode, remplacée ensuite par un mélange de charbon et de résine –, propulse avec succès un modèle réduit de bateau, sur la Saône. Cependant, malgré les encouragements de Lazare Carnot et des contacts avec Claude François de Jouffroy d'Abbans, les frères Niépce ne parviendront pas à obtenir d'appuis financiers pour exploiter leur invention. À l'approche de l'expiration du brevet, Claude Niépce gagne Paris en 1816, puis l'Angleterre en 1817, dans une ultime tentative pour forcer le destin ; parallèlement, les deux frères expérimentent un nouveau combustible, l'huile de pétrole blanche (qui s'apparente au kérosène), et inventent le principe du moteur à injection.
L'inventeur de la photographie
En l'absence de son frère, Nicéphore entreprend seul, en 1816, de nouvelles recherches sur un sujet qui lui tient depuis longtemps à cœur : la fixation des images. La lithographie, mise au point à la fin du xviiie s. par Alois Senefelder, le passionne. Cherchant un moyen de décalquer ou de reporter sur la pierre les images qu'il souhaite reproduire, il parvient, en mai 1816, grâce à une chambre noire, chargée avec un papier enduit de chlorure d'argent, à obtenir un négatif d'une vue prise depuis une fenêtre, qu'il ne peut malheureusement pas fixer et qui noircit complètement à la lumière.
En 1822, il commence à expérimenter le bitume de Judée : cette substance noire a en effet la propriété de blanchir et de devenir insoluble là où elle est impressionnée par la lumière. Une plaque de cuivre enduite de cette substance et exposée huit heures durant dans la chambre noire, puis plongée dans un solvant (essence de lavande) et attaquée par un acide dans les parties dépourvues de bitume fournit ainsi une image en relief. Nicéphore obtient en 1827, par ce procédé qu'il appelle Héliographie, après huit heures d'exposition, ce qui constitue la toute première photographie : une vue prise d'une fenêtre du grenier de sa maison de Saint-Loup-de-Varennes. On lui doit aussi la première chambre noire photographique, la première chambre coulissante, le premier diaphragme à iris (réinventé cinquante ans plus tard), ainsi qu'une chambre munie d'une bobine pour l'enroulement du papier sensible.
Après avoir rencontré Louis Jacques Mandé Daguerre, un peintre décorateur qui utilise la chambre noire pour faire les croquis de ses dioramas, Niépce s'associe avec lui en 1829 pour parfaire ses réalisations « héliographiques ». Mais il meurt subitement quatre ans plus tard, d'une hémorragie cérébrale, lourdement endetté et sans être parvenu à intéresser personne à son invention. C'est Daguerre qui, reprenant à son compte les expériences de son associé, réussira à développer (1835), puis à fixer (daguerréotype, 1838) les images photographiques, et en retirera de son vivant une grande célébrité. Le rôle de Nicéphore Niépce dans l'invention de la photographie est cependant pleinement reconnu aujourd'hui.
D'autres réalisations ingénieuses
L'ingéniosité de Nicéphore Niépce s'est manifestée, en fait, dans différents domaines. Avec son frère Claude, outre le moteur déjà mentionné, il élabora en 1807 un projet de pompe hydraulique destinée à remplacer la machine de Marly, qui assurait l'alimentation en eau du château de Marly et du château de Versailles. À partir de 1811, alors que Napoléon avait instauré le Blocus continental destiné à épuiser l'économie britannique, les deux frères développèrent la culture du pastel, dont on tirait un colorant susceptible de remplacer l'indigo, importé des colonies antillaises avec lesquelles le commerce n'était plus possible, la flotte britannique contrôlant l'Atlantique. Nicéphore s'employa aussi à développer la culture de l'asclépias de Syrie, dont les fibres textiles pouvaient constituer un ersatz du coton. Il s'efforça d'extraire une fécule alimentaire à partir d'une variété de courge, le giraumon ou bonnet turc. En 1818, enfin, il mit au point une draisienne à siège réglable.