Muhammad VI ou Mohammed VI

(Rabat 1963), roi du Maroc (1999), de la dynastie alawite.

Diplômé de droit et de sciences politiques, par ailleurs précocement initié aux affaires du royaume et à sa diplomatie (il est ainsi envoyé en mission à l'étranger dès l'âge de onze ans), il ne se voit vraiment confier de grandes responsabilités que lorsqu'il succède à son père, Hasan II, en 1999, comme si ce dernier lui avait laissé le soin et la charge d'opérer la transition démocratique qu'il avait pour sa part toujours repoussée.

Très vite après son intronisation, le jeune roi envoie des signes de rupture avec la pratique solitaire du pouvoir et le caractère autoritaire du précédent régime : retour d'exil d'Abraham Serfaty et de la famille de Mehdi Ben Barka, limogeage du ministre de l'Intérieur Driss Basri – homme de confiance de Hassan II –, et visite officielle dans les provinces pauvres du Nord, sanctionnées depuis la révolte qui les avait agitées à la fin des années 1950. Tandis que se succèdent les cabinets ministériels issus des différents scrutins, une relative libéralisation de la presse donne un peu plus corps à l'idéal de monarchie constitutionnelle et au projet de modernisation du pays qui semblent animer le nouveau souverain. À son initiative, une réforme du Code de la famille, consacrant l'égalité juridique entre l'homme et la femme au sein du couple, voit le jour en 2004, cependant qu'est mise sur pied une instance nommée « Équité et réconciliation », destinée à faire la lumière sur les atteintes aux droits de l'homme commises lors du règne de Hasan II. Son rapport, rendu en 2006, se veut symbolique du changement d'ère, au même titre d'ailleurs que le lancement en 2005 d'un ambitieux programme de résorption de la pauvreté dans les campagnes et dans les villes, la priorité marquée accordée à la lutte contre le chômage, endémique, et la volonté affichée d'établir un système de couverture médicale pour tous.

Mais la question pendante du Sahara occidental et les attentats terroristes qui frappent Casablanca en 2003 puis à nouveau en 2007 ralentissent voire interrompent l'expérience d'ouverture, conduisant à un progressif durcissement du régime. En revanche, l'ouverture économique se poursuit bel et bien : appel fructueux aux investisseurs internationaux, création de zones franches, signature d'un traité de libre échange avec les États-Unis en 2004, et renforcement de l'intégration économique avec l'Union européenne à la suite de l'obtention d'un « statut avancé » avec cette dernière en 2008. La croissance, dynamique depuis 2000 malgré des fluctuations annuelles, ne permet toutefois pas au gros de la population d'améliorer significativement son sort, d'où un sentiment de déception en son sein, que la distance que le roi semble cultiver avec la capitale, et plus généralement avec son peuple, tend à entretenir. Cette insatisfaction latente s'exprime ponctuellement à travers des manifestations contre la vie chère et la propension des électeurs à bouder les urnes ou à porter leurs suffrages vers la formation politique islamiste qu'est le parti de la Justice et du Développement. En 2011, afin d’éviter une propagation des « révolutions arabes » de Tunisie et d’Égypte, Muhammad VI prend les devants et répond prestement aux premières manifestations (mouvement du 20 février) en lançant une réforme constitutionnelle d’envergure réduisant ses prérogatives au profit d’un chef de gouvernement issu du parti arrivé en tête des élections législatives et garantissant les droits fondamentaux.

Pour en savoir plus, voir les articles Hasan II, Maroc : vie politique depuis 1961.