Mary Henrietta Kingsley

Voyageuse et ethnologue anglaise (Londres 1862-Simonstown, Afrique du Sud, 1900).

C'est pour compléter un livre sur la religion et les coutumes des peuples primitifs, laissé inachevé par son père mort en 1892, que Mary Kingsley décide de partir pour l'Afrique l'année suivante. Jusque-là, cette Anglaise d'une trentaine d'années a mené une existence aussi studieuse que sédentaire dans de paisibles villes universitaires. Elle ne sait guère ce qu'elle va découvrir sur le continent noir, qui reste bien mystérieux pour les Européens de l'époque. Elle débarque en 1893 à la Sierra Leone et va visiter divers pays ou régions de l'Afrique occidentale et équatoriale. Tantôt elle longe la côte, tantôt elle s'enfonce vers l'intérieur, seule Européenne en compagnie d'autochtones. Les situations auxquelles elle se trouve confrontée à maintes reprises auraient de quoi effrayer des explorateurs plus chevronnés, mais elle garde en toutes circonstances un grand sang-froid. Lorsqu'un crocodile « visiblement désireux de faire plus ample connaissance » pose ses pattes de devant sur la frêle embarcation dans laquelle elle se trouve, elle se saisit d'une pagaie et lui en assène sur le museau un coup vigoureux.

Dès le début de son séjour en Afrique, elle a été frappée par le nombre et la combativité des insectes. « Durant les premières semaines, dit-elle, je les considérais avec un intérêt passionné, car ils me permettaient d'étendre considérablement le champ de mes connaissances en histoire naturelle. Par la suite, je m'enthousiasmai pour la discipline sportive qui consistait à leur faire la chasse. Plus tard encore, j'en vins à les regarder avec la plus parfaite indifférence, sauf quand ils se montraient particulièrement agressifs. Je dirai que 75 % des insectes africains piquent, 5 % mordent et que les autres parasitent l'espèce humaine de façon temporaire ou permanente. » Elle témoigne envers les serpents du même détachement scientifique. Elle en côtoiera beaucoup, que ce soit la très venimeuse vipère de la forêt africaine, le cobra noir ou encore le boa constricteur. Au hasard de ses voyages, elle rencontre, entre autres, quelques troupeaux d'éléphants, des hippopotames, des léopards – elle affronte même l'un d'eux en combat singulier. Elle croise un jour une troupe de gorilles composée d'un vieux mâle, d'un jeune et de trois femelles. Elle les trouve particulièrement « inélégants » et confesse même que, parmi les animaux sauvages, les gorilles sont bien les plus « horribles » qu'il lui ait été donné de voir.

L'animal le plus dangereux pour l'intrépide Mary Kingsley aurait bien pu être l'homme. Désireuse de se procurer, pour le British Museum, des poissons d'eau douce mal connus en Europe, elle remonte l'Ogooué en 1894 et se retrouve en plein pays fang, au sein d'une population dont la réputation de cannibalisme n'est pas usurpée. Elle découvrira un jour dans la hutte où elle a dormi un sac contenant « une main, trois orteils, quatre yeux, deux oreilles et d'autres restes humains plus ou moins en voie de décomposition ». Pleine d'indulgence, elle explique, pour la défense des Fangs, qu'ils consomment de la chair humaine tout simplement parce qu'ils la trouvent bonne et non par conviction religieuse ou par esprit de vengeance envers leurs ennemis.

Lorsqu'elle revient en Angleterre en octobre 1895, Mary Kingsley rapporte au British Museum dix-huit espèces de reptiles et de batraciens, plus de soixante-cinq espèces de poissons d'eau douce et de nombreuses espèces d'insectes dont huit étaient jusqu'alors inconnues. Elle publiera en 1897 un livre intitulé Voyages en Afrique occidentale et en 1899 ses Études sur l'Afrique occidentale, ouvrage dans lequel elle dénonce avec une grande lucidité les dangers que fait courir la colonisation européenne aux populations noires. En 1900, elle retourne en Afrique, cette fois dans l'extrême sud du continent, pour soigner les prisonniers faits par les Anglais durant la guerre des Boers. Elle contracte la dysenterie et meurt au mois de juin, près du Cap.

Des fourmis très combatives

Des fourmis très combatives



« Les fourmis tropicales appelées ponères sont pourvues de puissantes mâchoires et d'un dard qu'elles vous enfoncent allègrement dans la chair. Il y restera et entretiendra l'irritation bien après le départ de son propriétaire dont l'attaque a provoqué une sensation semblable à celle causée par des tenailles chauffées à blanc… Si vous vous amusez à taquiner avec un bâton une colonne de fourmis, celles-ci émettront une sorte de sifflement et s'éparpilleront dans toutes les directions à la recherche de l'ennemi. Il vaut mieux alors pour vous qu'elles ne le trouvent pas. »
(Mary Kingsley, Voyages en Afrique occidentale, 1897.)