Marianne Faithfull
Chanteuse et parolière de rock et de pop britannique (Hampstead, Londres, 1946).
Toute sa vie, elle a collectionné les clichés : « la petite fiancée des sixties », « la groupie préférée des Rolling Stones », « la rescapée du rock and roll » … À près de cinquante ans, Marianne Faithfull s'acharnait encore à tuer le mythe : « Je suis juste une artiste », proclamait-elle. Elle qui a survécu au swinging London, aux descentes de la brigade des stupéfiants, aux pierres qui roulent et aux destins qui basculent, a gagné le droit d'être reconnue comme une artiste à part entière. À part, résolument : voix brisée, silhouette émouvante, quelque part entre Marlene Dietrich et Nico.
L'enfer. En 1964, Marianne n'a pas dix-huit ans. Jeune fille de bonne famille — sa mère est une authentique baronne autrichienne, descendante de Sacher-Masoch, l'auteur de la Vénus à la fourrure —, elle sort à peine d'une institution religieuse. Elle épouse John Dunbar, un libraire londonien, avant de rencontrer, au hasard d'une soirée, les méchants Rolling Stones … Andrew Oldham, manager de ces derniers, remarque cette blonde pulpeuse et la persuade d'enregistrer une chanson signée Jagger /Richards, As Tears Go By. La chanson fait un tube ; Marianne sort six albums entre 1965 et 1967, devient la petite amie attitrée de Mick Jagger, fréquente le gratin du rock, plonge dans la drogue et les excès. Pour les Stones, elle écrit les paroles de Sister Morphine, un titre qui lui colle à la peau. On la voit au cinéma dans la Motocyclette, avec Alain Delon, ou Made in USA de Jean-Luc Godard. Au théâtre, elle joue la Mouette de Tchekhov, Ophélie pour Peter Brook. Sa réputation de droguée et ses tentatives de suicide freinent sa carrière de chanteuse. « À cette époque, racontera-t-elle plus tard dans son autobiographie, intitulée sobrement Faithfull, je pouvais mourir à tout instant dans des toilettes publiques, au coin d'une rue sordide. » Jusqu'à l'automne 1979, où elle réapparaît avec ce qui demeure son chef-d'œuvre discographique, l'album Broken English. On y découvre une sorte d'oiseau blessé au chant rauque et aux plaintes bouleversantes, à la sensualité écorchée, surtout dans The Ballad Of Lucy Jordan, la meilleure chanson. Un disque noir, violent, où elle fait aussi une remarquable reprise du titre de John Lennon, Working Class Hero.
La sérénité. Suivront deux autres disques, moins réussis, Dangerous Acquaintances (1981) et A Child's Adventure (1983). En 1987, elle réapparaît sous les traits d'une diva mûre, entre cabaret à la Kurt Weill et jazz à la Billie Holiday, avec le disque Strange Weather. En 1995, son album A Secret Life, produit par Angelo Badalamenti, compositeur entre autres de la musique de la fameuse série télé, signée David Lynch, Twin Peaks, s'ouvre sur un poème de Dante et se clôt sur un texte de Shakespeare. Plus rien à voir avec la lolita blonde des années 1960, cible favorite des journaux à scandales. Dans les années 1990, Marianne Faithfull vit en Irlande, est fière d'être grand-mère et semble avoir atteint la sérénité qu'elle revendique : « La seule chose que la drogue m'ait apprise, pendant toutes ces années, c'est qu'il ne faut jamais en utiliser. Les meilleures choses que l'on fait, ce n'est pas grâce à elle, mais malgré elle. » En 1996, 20th Century Blues, enregistrement d'un concert parisien où elle chante seulement accompagnée d'un piano confirme qu'elle est une des meilleures interprètes de Kurt Weill.