Joe, dit King Oliver
Cornettiste et compositeur de jazz américain (La Nouvelle-Orléans 1885-Savannah, Géorgie, 1938).
Il enregistra pour la première fois en 1923 à la tête de son Creole Jazz Band, où s'illustra Louis Amstrong. À partir de 1937, il cessa toute activité musicale. Parmi ses enregistrements, citons : Dippermouth Blues (1923), Aunt Hagar's Blues (1928), New Orleans Shout (1929).
Avec les trois chorus de Joe Oliver- surnommé The King parce qu'il fut à La Nouvelle-Orléans le plus grand cornettiste de sa génération- dans le Dippermouth Blues enregistré à Chicago avec son Creole Jazz Band, le 6 avril 1923, le jazz allait s'affranchir de la conception strictement polyphonique, caractéristique du style New Orleans, dont il avait lui-même jeté les bases en structurant l'improvisation collective. Il n'est donc pas exagéré de voir en lui l'un des pères du jazz, puisqu'il réussit dans un premier temps à concevoir une organisation proprement orchestrale à partir d'éléments hétéroclites (fanfares, marches, polkas, mélodie typique, blues), avec une part restreinte laissée à l'improvisation, puis à émanciper la formule qui déboucherait sur le style Chicago, avec toujours en filigrane l'un des éléments spécifiques du jazz : le swing, encore balbutiant.
Cornettiste au jeu sobre, dépouillé mais aussi robuste et tout en puissance, prenant fortement assise sur le temps, novateur par son utilisation des « notes bleues » et de la sourdine nouvellement conçue, King Oliver sera également un compositeur, dont les thèmes, West End Blues, Canal Street Blues, Doctor Jazz seront autant de jalons incontournables de l'histoire du jazz.
De 1908 à 1917, il aura joué dans les parades et les brass bands de La Nouvelle-Orléans, se liant d'amitié avec Kid Ory. En 1922, son « Hot » Creole Jazz Band (dans lequel Louis Armstrong occupe le poste de second cornet) attire (et influencera) les jeunes musiciens blancs de Chicago, dont Bix Beiderbecke. C'est à Richmond, Indiana, qu'il enregistre, entre mars et décembre 1923, une vingtaine de chefs-d'œuvre, témoignages d'importance historique (on y entend les premières improvisations gravées par le jeune Armstrong aux côtés des frères Dodds et de Lil Hardin au piano). Après le départ, en 1924, d'Armstrong, qu'il considérait comme son fils spirituel, le King tourne le dos au style qui fit sa gloire et change de formule, réunit un orchestre de dix musiciens, les Savannah Syncopators, qui interprète des arrangements écrits à l'instar de Fletcher Henderson, et tente sa chance à New York. Il y arrive trop tard, ses disciples, principalement Louis Armstrong, accaparent tous les succès ; il enregistre pour quelques compagnies discographiques, mais sombre vite dans l'oubli. Pour subsister, il fera quelques tournées minables, et abandonnera la musique en 1937, sa santé déclinant. Fixé à Savannah, il y meurt dans le plus complet dénuement.
Grandeur et décadence pour le premier grand « Roi » de l'histoire du jazz.