Jean Dorst
Zoologiste français (Mulhouse 1924-Paris 2001).
Toute sa carrière s'est déroulée au Muséum national d'histoire naturelle où il entre en 1947 comme assistant et, après avoir gravi les différents échelons, est nommé en 1964 professeur titulaire de la chaire du Laboratoire de zoologie des mammifères et des oiseaux.
Ornithologue, il soutient en 1949 une thèse de doctorat portant sur les plumes de colibris, ou oiseaux-mouches. Il constate notamment que leur coloration s'explique par leur structure : leurs reflets métalliques ne sont pas d'origine pigmentaire, mais sont liés à la présence de très minces lamelles superposées de kératine et proviennent de phénomènes physiques d'interférences. Il souligne par ailleurs l'importance, dans la vie sociale et sexuelle des oiseaux, du plumage, qui joue par exemple un rôle de premier plan dans les parades nuptiales.
Il mène aussi des études systématiques sur l'anatomie des oiseaux, dont la structure interne a conservé des caractères primitifs sur lesquels la sélection n'a pas joué, tandis que d'autres caractères, modifiés au cours de l'évolution, traduisent les adaptations à tel ou tel genre de vie. Il s'intéresse notamment à la structure de la langue des méliphagidés, famille de passereaux d'Océanie qui se nourrissent surtout de nectar, et au tarse des vangidés, oiseaux de Madagascar. Dans l'un et l'autre cas, ses investigations débouchent sur des conclusions nouvelles concernant l'évolution de la famille en question. Elles le conduisent à réviser certains éléments de la classification des oiseaux et à réorganiser plusieurs collections du Muséum.
Jean Dorst associe ensuite à ses travaux de laboratoire des recherches de terrain, portant notamment sur la migration des oiseaux et sur les adaptations des vertébrés à la vie à haute altitude. Dans un ouvrage publié en 1956, les Migrations des oiseaux, il évoque les extraordinaires performances de certains oiseaux migrateurs, tels le traquet motteux, un passereau qui a colonisé l'Alaska et qui prend ses quartiers d'hiver en Afrique tropicale, ou le pluvier doré, qui migre de l'Alaska ou de l'extrême Nord canadien jusqu'en Argentine.
Dans le cadre de ses recherches sur les oiseaux, Jean Dorst voyage beaucoup : en Europe, en Afrique, en Amérique, en Océanie… Une mission scientifique au Pérou lui permet de découvrir les Andes ; cette gigantesque chaîne au relief complexe, aux climats très variés, au peuplement animal extrêmement différencié, se révèle pour lui un passionnant laboratoire d'études. Il séjourne aussi aux Galápagos, haut lieu de la biologie depuis Darwin et écosystème aujourd'hui menacé.
Ses investigations sur la faune des différentes régions du globe l'amènent à mesurer l'ampleur des dégâts causés par l'homme. En 1965, il publie Avant que nature meure (1965) : dans cet ouvrage, devenu un classique de l'écologie, il dénonce sans aucune complaisance les erreurs commises qui ont entraîné l'érosion accélérée des sols, la déforestation, la destruction des habitats terrestres et aquatiques, les pollutions en tous genres. Mais il ne se contente pas d'attirer l'attention sur les dangers de notre civilisation technologique ; il propose un véritable code de survie de l'humanité, basé sur une gestion naturelle des ressources de la planète. Il insiste aussi sur la nécessité de « trouver une nouvelle morale vis-à-vis de la nature, de la vie et, en définitive, de nous-mêmes ». Par la suite, il contribuera au développement de la pensée écologiste, participant activement à l'étude des problèmes posés par la conservation des habitats et des espèces sauvages menacées ainsi qu'à l'élaboration des mesures proposées pour assurer la préservation de la nature. En 1979, dans un autre ouvrage, la Force du vivant, il analysera les causes du déclin et de l'extinction des anciennes civilisations humaines.
Admis à l'Académie des sciences en 1973,Jean Dorst devient en 1976 directeur du Muséum et est, à ce titre, à l'origine de la rénovation de la ménagerie et de la galerie de zoologie. Réélu en 1981, il démissionne en 1985 pour manifester son désaccord avec les nouveaux statuts du Muséum, qui mettent fin au pouvoir exclusif de l'assemblée des professeurs en tant que seul organe de décision et de gestion.
Les dents de lait des chauves-souris
Les dents de lait des chauves-souris
L'intérêt de Jean Dorst pour la gent ailée s'est étendu aux chauves-souris. Il a fait des recherches originales sur leurs dents de lait, qui présentent la particularité d'être hautement spécialisées (alors que, chez tous les autres mammifères, elles ont la même fonction que les dents définitives). Chacune d'entre elles constitue en effet une sorte de crochet qui doit agripper le plus efficacement possible une touffe de poils ventraux ou les mamelles de la mère. Mettant à profit la riche collection de chiroptères du Muséum, Dorst a examiné un grand nombre de très jeunes individus et s'est aperçu que la dentition lactéale des chauves-souris se dispose sur une arcade bien séparée de celle de la dentition définitive, ce qui constitue également un cas unique chez les mammifères. Il a aussi découvert que, contrairement à ce que l'on croyait, les dents de lait ne sont pas toutes semblables : chez beaucoup d'espèces de chiroptères, les incisives diffèrent notablement des canines et des prémolaires.