Ivan IV le Terrible
(Kolomenskoïe 1530-Moscou 1584), grand-prince (1533), puis tsar (1547-1584) de Russie.
Ivan IV, dit « le Terrible », n'a pas usurpé sa légende noire, qu'Eisenstein exploita dans le célèbre film qu'il lui consacra. Le premier des tsars fut cependant le père de la Russie moderne et du nationalisme russe.
L'avènement du tsarisme
Né le 25 août 1530, Ivan IV n'a que 3 ans lorsqu'il succède à son père, le grand-prince de Moscou Vassili III. Sa mère, Hélène Glinskaïa, gouverne jusqu'à sa mort en 1538, laissant alors un pays aux mains des grands féodaux – les boyards – qui le livrent au chaos. Dès l'âge de 16 ans, Ivan entreprend de restaurer le pouvoir monarchique en Moscovie : il se fait proclamer « tsar – c'est-à-dire nouveau César – et grand-prince de toute la Russie », puis sacrer par le métropolite de Moscou, chef de l'Église orthodoxe russe. En cette même année 1547, il épouse la fille d'un riche boyard, Anastassia Romanovna.
Homme instruit, Ivan IV décide de hisser la Russie au niveau de l'Occident, alors en pleine Renaissance. Il inaugure son règne par une série de réformes : il publie un nouveau Code (1550), remanie l'administration locale, afin d'en éliminer la corruption, et réorganise l'Église orthodoxe (1551). S'appuyant sur la noblesse, il instaure aussi un nouveau service militaire, qui lui permet de mettre sur pied une armée bien organisée et bien équipée ; en son sein se détache un corps d'élite de 40 000 arquebusiers, les streltsy, qui forment la garde rapprochée du tsar.
L'esprit de conquête
Fort de son armée permanente, Ivan IV veut sortir son royaume de son isolement et éloigner les ennemis qui le menacent. Ainsi, il entre en lutte contre les Tatars, annexant successivement les khanats de Kazan (1552) et d'Astrakhan (1556), qui offrent à la Russie un débouché sur la Volga. Ces victoires éclatantes forgent la légende d'un tsar conquérant, chrétien triomphant dans sa croisade contre les infidèles. Tandis que les Cosaques, franchissant l'Oural, annexent de vastes contrées en Sibérie, le tsar cherche à se frayer un passage vers la Baltique et se lance dans la guerre de Livonie (1558-1583), sans parvenir toutefois à briser la coalition qui soude la Suède, la Pologne et la Lituanie.
Moscou, devenue la capitale d'une nation victorieuse, s'agrandit (elle compte bientôt plus de 100 000 habitants) et s'embellit. Sur la place Rouge, Ivan IV fait édifier la somptueuse cathédrale Basile-le-Bienheureux, aux coupoles en forme de bulbe, et ériger des enceintes fortifiées pour protéger les quartiers qui se sont formés autour du Kremlin, construit sous le règne de son grand-père Ivan III.
La terreur de fin de règne
À l'intérieur du royaume, l'opposition des boyards à Ivan IV fait basculer ce dernier dans une tyrannie qui n'épargne ni ses proches ni ses conseillers. Exerçant un pouvoir sans limites, le tsar crée un nouveau territoire, l'opritchnina, en accaparant les terres les plus riches où il installe des hommes à sa solde. Surtout, il institue l'opritchniki, une administration spéciale chargée de la sécurité intérieure ; dotée de pouvoirs d'exception, elle sera l'instrument au seul service de celui qui est désormais Ivan le Terrible. L'aristocratie est la première victime du tsar, qui aura fait déplacer 12 000 familles et tuer des milliers de boyards. Mais les habitants de certaines villes, telle Novgorod, et les paysans paient, eux aussi, un lourd tribut en victimes. On parle alors de démence d'Ivan IV, qui, en 1581, ira jusqu'à tuer son propre fils.
La Russie est un pays affaibli, sur lequel les Tatars ont à nouveau des visées. En 1571, le khan de Crimée prend la tête d'une armée de plus de 120 000 hommes et marche sur Moscou, qui est pillée et dévastée ; seul le Kremlin résiste. À ce désastre s'ajoutent les effets d'une terrible épidémie de typhus, qui durera une année, puis de la famine.
Ivan IV n'a que 53 ans lorsqu'il meurt, le 18 mars 1584. Il est inhumé dans la crypte de la cathédrale de l'Archange-Saint-Michel, aux côtés du fils qu'il a assassiné. Il laisse deux autres fils, Fédor et Dimitri, qui ne lui survivront pas. La grande Russie va bientôt entrer dans le « temps des troubles ».
Les « états généraux » russes
Ivan le Terrible fut le premier, en 1549, à convoquer une assemblée des états sous le nom de zemski sobor. En son sein se trouvaient des représentants de l'Église orthodoxe, des boyards et de la petite noblesse, mais aussi, en plus faible part, des représentants des villes. Seule la paysannerie en était absente.
Le tsar faisait entériner par le zemski sobor les grandes réformes de l'État. Par la suite, cette assemblée eut parfois à désigner le nouveau tsar, comme ce fut le cas pour Boris Godounov en 1598, puis pour Michel Romanov en 1613. Le zemski sobor ne servit jamais qu'à donner l'apparence d'une assise populaire à l'autocratie.