Firmin Tonnerre, dit Firmin Gémier
Acteur et directeur de théâtre français (Aubervilliers 1869-Paris 1933).
Refusé trois fois au Conservatoire (1888), ce qui lui fournira l'occasion d'exercer son ironie sur la déclamation et la gesticulation traditionnelle, il débute dans le mélodrame, puis est engagé par Antoine comme régisseur du Théâtre-Libre. Après avoir créé Ubu roi d'Alfred Jarry (1896), il en devient le concurrent quand il reçoit la direction de la Renaissance, de 1901 à 1902 : brièveté qui marque toutes ses entreprises, bien que ses désirs et ses utopies soient constants. C'est alors qu'il met en scène le Quatorze Juillet de Romain Rolland, que l'on peut considérer comme la première tentative de théâtre populaire. Mais Gémier n'a pas le goût de se lier : il monte la Rabouilleuse d'après Balzac à l'Odéon, la Rafale d'Henry Bernstein au Gymnase. Il inaugure cependant la direction du théâtre Antoine, qu'il dirige de 1906 à 1914, par la reprise de la Vie publique d'Émile Fabre. Il remporte un grand succès avec Anna Karenine d'après Tolstoï, mise en scène à sensation avec quarante acteurs, sans compter la figuration. Ses choix sont éclectiques et vont du Timon d'Athènes de Shakespeare à Sherlock Holmes de Pierre Decourcelle, d'après Conan Doyle. Il sollicite la collaboration artistique de Lugné-Poe pour Hamlet (1913), qui constitue un véritable événement : Shakespeare est alors peu joué. Le Marchand de Venise (1917), dans lequel il interprète Shylock, marque son talent et sa modernité : il abolit la traditionnelle division entre la scène et la salle. Malgré l'abondance de ses activités au théâtre Antoine (où il monte 70 pièces et joue 40 rôles), Gémier s'occupe, dans le même temps, de son « Théâtre ambulant », qui fonctionne deux étés (1911 et 1912). Son idée est de présenter son répertoire dans des conditions scéniques identiques à celles de son théâtre parisien : 37 voitures acheminent une structure scénique et tout l'équipement technique sur les lieux du jeu ; le chapiteau peut recevoir 1 650 spectateurs. Le succès artistique est certain, mais il est inutile d'insister sur les difficultés financières d'une telle entreprise : l'expérience compte, pourtant, comme le premier essai de décentralisation. Autre entreprise étonnante de Gémier : celle des grands spectacles produits au cirque d'Hiver (1919-1920), où il propose Œdipe dans une adaptation de Saint-Georges de Bouhélier. Boulimique, Gémier fonde le T.N.P. en 1920, dirige la Comédie-Montaigne (1920-1921), met en scène au Théâtre des Champs-Élysées les Mille et Une Nuits (1920). En fait, il est profondément influencé par la notion de fête et, particulièrement, la fête révolutionnaire : en 1903, à Lausanne, il avait déjà proposé, à l'occasion d'une commémoration, une grande pièce populaire résumant l'histoire du canton depuis le Moyen Âge et, en 1904, il avait organisé la fête des Vignerons à Vevey. En même temps qu'il dirige la Comédie-Montaigne (où il invite Gaston Baty comme metteur en scène), Gémier fonde une école (il règle ses comptes avec le Conservatoire) appelée « Studio de la Comédie-Montaigne » ou « École Gémier » pour « l'enseignement moderne de l'art du comédien ». Elle est confiée à Charles Dullin et constitue la première ébauche de l'enseignement de l'Atelier. De 1922 à 1930, Gémier dirige le théâtre qu'il convoitait depuis longtemps : l'Odéon. Il lance « le Théâtre des Jeunes Auteurs » avec, entre autres, le Dernier Empereur de Jean-Richard Bloch et le Pont de l'Europe d'Armand Salacrou. En 1925, il choisit Paul Abram comme codirecteur de l'Odéon et peut se consacrer à la préparation de sa Société universelle du théâtre : les Cahiers du théâtre (1926-1938) rendent compte, annuellement, de son activité. Son idée est d'organiser chaque année, dans une grande ville d'Europe, un Congrès du théâtre et de le faire coïncider avec un festival international d'Art dramatique et lyrique. L'entreprise se réalisa à Paris (1927), puis à Barcelone, Hambourg, Rome, Zurich.