Eugene Gladstone O'Neill
Auteur dramatique américain (New York 1888-Boston 1953).
Après une jeunesse aventureuse, il fait représenter ses premières pièces par les Provincetown Players (Route à l'est vers Cardiff, 1916 ; la Lune des Caraïbes, 1918), qui renouvelleront le théâtre américain. Il réussit à libérer le théâtre des conventions bourgeoises et à imposer le réalisme des bouges ou des chaudières de cargo. Influencé par Strindberg, Nietzsche, Ibsen, il allie à son réalisme un sens expressionniste du quotidien qui n'exclut pas le sentiment de la fatalité (Derrière l'horizon, 1919 ; Anna Christie, 1922). Il élargit son registre et ses techniques avec l'Empereur Jones (1921), où le monologue intérieur permet de sonder, dans un décor de jungle symbolique, l'inconscient d'un dictateur noir. Le Singe velu (1922) confirme cet imaginaire de l'exclusion, que l'imitation de la tragédie grecque reprend dans la destinée d'êtres d'exception (l'Étrange Intermède, 1928 ; Le deuil sied à Électre, 1931). La résonance freudienne subsiste, moyen d'indiquer que le théâtre n'est qu'un effort avorté d'expression. Après Days Without End (1934), il revient à ses thèmes premiers avec The Iceman Cometh (1946), évocation des taudis de sa jeunesse sous la figure constante de la mort. Dans sa dernière pièce, Long Voyage dans la nuit, d'inspiration autobiographique, écrite en 1939-1941 et jouée en 1956, les conflits familiaux ne voilent pas complètement la possibilité d'une illumination. Le mélange constant de symbolisme et de réalisme, les sources grecques et le poids reconnu de la misère quotidienne suggèrent l'approche d'un théâtre total, où l'émotion suscitée par le spectacle rachèterait tous les mutismes quotidiens. (Prix Nobel 1936.)