Erroll Garner
Pianiste de jazz américain (Pittsburgh 1921-Los Angeles 1977).
Son sens du swing, son humour et un certain maniérisme sentimental lui valurent d'atteindre une très grande popularité (Laura, 1945 ; Cool Blues, 1947 ; Blue Lou, 1949 ; Caravan, 1953 ; Some of these days, 1961 ; Movin'Blues, 1963).
Populaire auprès d'un public que par ailleurs le jazz peut laisser indifférent, Garner l'est grâce à ce jeu qui englobe des styles anciens ou modernes les plus contradictoires pour en tirer un langage original, immédiatement identifiable, ne se rattachant à aucune école particulière et sans descendance directe.
Ce qui frappe d'emblée, c'est ce léger retard, ce subtil et infinitésimal décalage de la main droite sur la gauche, fortement générateur de swing : ce qu'on appelle l'« amble garnerien » ; sa main gauche est comparable à une section rythmique qui marque les quatre temps en accords, tandis que la droite, au toucher varié, phrase très rapidement en notes simples ou en accords qui se superposent à ceux de l'autre main. Son discours est ponctué de citations, de paraphrases et peut atteindre dans le blues une dimension tragique.
Autodidacte, prétendant ne pas savoir lire la musique, Garner apprend en regardant jouer le professeur de la famille. Il maîtrisera cependant toutes les techniques pianistiques, sera un improvisateur à l'imagination fertile, faisant preuve d'un humour, d'un sens du suspense dans ses parfois longues introductions, ou dans des interludes ou codas qu'il affectionne tout particulièrement.
Installé à New York en 1944, il joue dans le trio du contrebassiste Slam Stewart en remplacement d'Art Tatum. Ses premiers enregistrements, Play Piano Play, Laura, le signalent à l'attention du public, mais c'est en 1950 qu'il accède au rang de vedette avec sa composition Misty écrite au cours d'un vol entre San Francisco et Denver. La publication, d'un concert en trio à Carmel (Concert by the Sea) lui vaudra un disque d'or en 1958. On y trouve toutes les facettes d'un style sachant empoigner une assistance en faisant se succéder l'émotion et l'euphorie. Il fallait le voir sur son tabouret rehaussé d'un Bottin, grognant de plaisir, son sourire malicieux qui ne le quittait jamais, nimbé de la couleur rose des projecteurs demandée à chacun des concerts qu'il donnera dans le monde entier à partir de 1957.