Ernst Lubitsch
Cinéaste américain d'origine allemande (Berlin 1892-Hollywood 1947).
Après avoir commencé sa carrière par des films muets d'inspiration historique, Ernst Lubitsch signa les comédies les plus brillantes du cinéma américain. À une riche expression comique, au sens du spectacle, il sut joindre le raffinement d'un style incomparable.
La veine historique
Ernst Lubitsch fait ses débuts de comédien au théâtre en 1911, dans une mise en scène de Hamlet par Max Reinhardt. Au cinéma, il joue son premier rôle dans Das Mirakel (Cherry Kearton [1871-1915] et Max Reinhardt, 1912) et connaît bientôt la notoriété avec Die Firma Heiratet (Carl Wilhelm, 1914). Il passe à la mise en scène dès 1914 et remporte son premier succès avec Schuhpalast Pinkus (1916). Ses ambitions et ses moyens se développent à partir des Yeux de la momie (1918), drame exotique. En 1919, il donne avec la Princesse aux huîtres une étonnante satire, dont la conclusion célèbre déjà le mariage de la riche et jeune Amérique et de la vieille Europe aristocratique.
Dans le même temps, Lubitsch se fait un nom dans le film historique, avec Carmen (1918) et surtout Madame du Barry (1919). Infidèle sur bien des points à la vérité historique, passant en particulier brusquement de la mort de Louis XV à la Révolution, Madame du Barry n'en est pas moins un film historique majeur, qui préfigure bien des recherches dans ce genre, de Jean Renoir à Stanley Kubrick en passant par Roberto Rossellini. L'inspiration de Lubitsch reste alors très diverse : la Poupée (1919), d'après Hoffmann, est un rare exemple d'utilisation de l'expressionnisme à des fins comiques ; Sumurun (1920) est une pantomime orientale, où Lubitsch joue le rôle d'un clown bossu et rend hommage à Max Reinhardt, qui avait produit ce spectacle pour la scène. Le cinéaste revient ensuite à la fresque historique avec Anne Boleyn (1920) et la Femme du pharaon (1921). En 1922, il se rend en Amérique et assiste à la première des Deux Orphelines de David Wark Griffith, puis s'installe définitivement aux États-Unis à l'invitation de Mary Pickford, qu'il dirige dans Rosita (1923).
La « Lubitsch touch »
À Hollywood, Lubitsch continue de réaliser des films à caractère historique, dont Paradis défendu (1924) – il signera plus tard le Prince étudiant (1927) et le Patriote (1928). Cependant, son nom devient rapidement synonyme d'un genre nouveau, celui de la « comédie sophistiquée », où désir de richesse et désir sexuel sont dans tous les esprits mais ne sont montrés sur l'écran que de manière allusive ou métaphorique. C'est l'expression célèbre de « Lubitsch touch » qui désigne ce mode allusif et narquois. Le premier film du genre est Comédiennes (1924) et presque toute l'œuvre suivante en participera à des degrés divers. Au début du parlant, le cinéaste signe des comédies musicales qui ne démentent nullement cette apparence frivole et qui mettent en scène une Europe hédoniste : Parade d'amour (1929) avec Maurice Chevalier, que l'on retrouvera dans Une heure près de toi (1932) et dans la Veuve joyeuse (1934) ; Monte-Carlo (1930) ; le Lieutenant souriant (1931).
Pendant la période 1932-1942, Lubitsch atteint la plénitude de son talent en même temps que celle de ses moyens (il est même brièvement, en 1935-1936, directeur de la production à la Paramount). Il donne avec Haute Pègre (1932) le chef-d'œuvre de la comédie sophistiquée, ironique et néanmoins sentimentale. Ce film est suivi de nombreuses autres comédies, dont certaines évoquent des sujets qui ne sont pas dépourvus de gravité (Sérénade à trois, 1933 ; Ange, avec Marlene Dietrich, 1937). La satire politique prend tour à tour pour cible la Russie soviétique dans Ninotchka (1939) – où Lubitsch offre à Greta Garbo son premier rôle comique –, puis l'Allemagne nazie dans Jeux dangereux (ou To Be or Not to Be, 1942). Après avoir tourné Le ciel peut attendre (1943), le réalisateur signe la Folle ingénue (1946), qui restera sa dernière œuvre achevée. L'année suivante, il meurt d'une crise cardiaque pendant le tournage de la Dame au manteau d'hermine. Le film sera terminé par Otto Preminger.