Archie Shepp

Saxophoniste, pianiste, chanteur et compositeur de jazz américain (Fort Lauderdale, Floride, 1937).

Très engagé dans la lutte du peuple noir, il s'est imposé comme l'un des plus talentueux représentants du free jazz et a intégré les influences du rhythm and blues et du be-bop (Malcom, Malcom, Semper Malcom, 1965 ; Mama Rose, 1982). Parmi ses enregistrements, citons : Mama Too Tight (1966), Blasé (1969), Goin'Home (1974), In Memory of (1988).

À travers toutes les mutations esthétiques qu'il acceptera résolument, il restera profondément fidèle au blues et au gospel et leur consacrera, à l'approche de la soixantaine, certains de ses plus beaux disques, en duo avec le pianiste Horace Parlan. Après avoir obtenu un diplôme de littérature et de théâtre, il s'installe en 1959 à New York, où il commence une carrière de dramaturge et de musicien, jouant d'abord dans des orchestres afro-cubains. Puis Cecil Taylor l'engage et le persuade de se consacrer pleinement à la musique. Il l'incite aussi à dépasser ses premières influences- Lester Young, Sonny Stitt, Charlie Parker- et à improviser hors des progressions harmoniques.

En fait, Shepp subit déjà l'ascendant de Coltrane, qui devient son ami et produit son premier album- Four for Trane- en 1964. Dans l'intervalle, il quitte Taylor pour former, avec les trompettistes Bill Dixon puis Don Cherry, des combos sans piano, dont le New York Contemporary Five, où il est « doublé » à l'alto par John Tchicai. La formule- trois « souffleurs », basse et batterie- fera école dans le free jazz. À partir de 1965 (année où il enregistre avec Coltrane Ascension, Shepp fait œuvre de pionnier en développant un style de solo frénétique dans un cadre orchestral inspiré de Mingus, mais se référant aussi explicitement aux musiques d'Afrique de l'Ouest, dans des disques comme Mama Too Tight et The Magic of Ju-Ju. Audacieux par nature, mais traditionaliste par sa grande culture, il brasse magnifiquement tous les alluvions de la musique afro-américaine, du gospel au bop en passant par le blues et par Ellington, qu'il vénère par-dessus tout. Sa sonorité elle-même est un condensé de l'histoire du ténor, de Ben Webster à Coltrane et Rollins.

À l'instar du poète Leroi Jones, l'auteur de Blues People, il recherche l'origine et la nature profonde de cette Great Black Music qui va se substituer au terme « jazz ». Shepp revient épisodiquement au rythm and blues- Attica Blues, The Cry of My People- pour accroître l'audience populaire d'un message politique et culturel qui dépasse la portée musicale. Puis, vers le milieu des années 1970, il fait un retour spectaculaire à l'histoire du jazz, qu'il enseigne à l'université : avec un son ample et sensuel inspiré d'un Ben Webster et d'un Don Byas au ténor, un timbre plaintif et aigrelet au soprano, un style sobre et un peu archaïque au piano, une voix cassée et « chargée » qui clame plutôt qu'elle ne chante le blues, il revisite avec bonheur un répertoire qui va d'Ellington à Parker, et dont il revendique hautement l'actualité.