Anna O.
(Bertha Pappenheim)
Féministe autrichienne, première patiente de Freud (Vienne, Autriche, 1859- ? 1936).
Bertha Pappenheim a été rendue célèbre sous le pseudonyme de Anna O. par Sigmund Freud et Joseph Breuer (Études sur l'hystérie) : elle est, en effet, considérée comme la première « patiente » de l'histoire de la psychanalyse.
Âgée de 21 ans à l'époque de sa maladie, elle s'était jusqu'alors fort bien portée, sans présenter de symptômes névrotiques particuliers et fut décrite comme « remarquablement intelligente, étonnamment ingénieuse et très intuitive » par J. Breuer, qui ajoute : « On remarquait chez elle des dons poétiques manifestes, une grande imagination et un sens critique aigu. Elle est énergique, opiniâtre, persévérante. Sa volonté se mue parfois en entêtement et elle ne se laisse détourner de son but que par égard pour autrui ». Breuer nota aussi sa « bonté compatissante », une certaine tendance aux sautes d'humeur : « Elle pouvait passer d'une gaieté exubérante à une tristesse exagérée. » L'élément sexuel était en elle peu marqué. Son existence dans une famille puritaine paraissait des plus monotones, si l'on pense à son activité mentale débordante. Elle s'évadait alors dans des sortes de rêveries qu'elle appelait son « théâtre privé », rêveries qui prirent plus tard un caractère pathologique.
En juillet 1880, son père, qu'elle aimait passionnément, tomba malade ; il mourut en avril 1881. C'est à cette époque qu'elle se mit à souffrir de troubles hystériques spectaculaires : paraphasie, strabisme convergent, troubles graves de la vue, contracture parésique totale du bras droit et des jambes, et partielle du bras gauche, parésie des muscles du cou.
Tous symptômes qui persistèrent longtemps, accompagnés d'une période de somnambulisme, et qui disparurent progressivement entre décembre 1881 et juin 1882.
En 1880, elle avait rencontré Breuer et avait pris l'habitude de lui parler de ses symptômes, de lui raconter ses fantasmes et ses hallucinations. Ces entretiens réguliers, le plus souvent conduits sous hypnose, prirent bientôt une valeur thérapeutique lorsque l'un des symptômes d'Anna disparut à la faveur fortuite de son évocation. Anna O. prit alors l'initiative d'appliquer systématiquement ce procédé au cours des entretiens suivants avec Breuer. Elle le désigne d'ailleurs elle-même sous le nom de talking cure (cure par la parole) et également du nom humoristique de chimney sweeping (ramonage). Notons que pendant un certain temps Anna O. ne parlait plus qu'anglais, ayant oublié sa langue maternelle.
C'est ainsi que ce protocole d'entretien eut pour effet de promouvoir une action thérapeutique originale, découverte par hasard, en une véritable stratégie clinique. Son application sera généralisée par Freud et Breuer sous le nom de « méthode cathartique », qui préfigure l'élaboration de la cure psychanalytique et de sa thérapeutique.
Anna O. sera finalement guérie de ses symptômes. Les luttes qu'elle mènera ensuite contre l'exploitation de la femme feront d'elle une illustre figure du mouvement féministe en Europe.