André Cayatte
Réalisateur de cinéma français (Carcassonne 1909-Paris 1989).
André Cayatte, licencié ès lettres et docteur en droit, débute au barreau avant de se lancer dans le journalisme et dans la carrière littéraire. Il publie six romans, puis collabore à l'écriture du scénario et des dialogues d'Entrée des artistes (Marc Allégret, 1938) et de Remorques (Jean Grémillon, 1941).
La première partie de sa carrière de réalisateur, qui commence en 1942, est consacrée à de solides adaptations d'œuvres françaises classiques (la Fausse Maîtresse, 1942 ; Au bonheur des dames, Pierre et Jean, 1943) et à des sujets populaires, tels Roger la Honte (1945) et la Revanche de Roger la Honte (1946), ou le Chanteur inconnu (1946, avec Tino Rossi).
Grâce à Jacques Prévert, Cayatte accède à la consécration critique avec les Amants de Vérone (1948), une des innombrables versions modernisées de Roméo et Juliette. Mais c'est Justice est faite (1950), film l'associant au scénariste Charles Spaak, qui établit définitivement sa réputation cinématographique. Ce film démonte les mécanismes par lesquels un jury populaire d'assises est prisonnier de ses préjugés et de son conditionnement social, à l'occasion du procès d'une jeune femme (Claude Nollier) accusée d'avoir pratiqué l'euthanasie sur son amant. Nous sommes tous des assassins (1952) raconte l'histoire d'un jeune marginal (Mouloudji) habitué à tuer sur ordre pendant la guerre, qui est condamné à mort après la Libération pour le meurtre d'un vieux chiffonnier et de trois autres personnes. Un jeune avocat (Claude Laydu) tente de démonter l'engrenage social qui a entraîné son client sur la mauvaise pente. Avant le déluge (1953) met en scène quatre adolescents qui se retrouvent dans le box des accusés pour avoir tué l'un de leurs camarades. Tous les quatre sont des enfants de bourgeois fortunés, dépravés par une jeunesse dorée.
Un autre film, le Dossier noir, décrit les mésaventures d'un jeune juge d'instruction (Jean-Marc Bory) aux prises avec un riche entrepreneur de province (Paul Frankeur).
Dans cette série de films, Cayatte ne vise pas à la subtilité, mais soulève avec vigueur de nombreuses questions : incertitudes d'un jury d'assises, arbitraire de la peine de mort, contraintes qui pèsent sur un juge d'instruction débutant.
De 1957 à 1978, il réalise avec une grande régularité une quinzaine de longs métrages qui abordent tous des sujets brûlants, et parfois même certains faits divers qui ont défrayé la chronique, comme le suicide de Gabrielle Russier, professeur ayant pour amant un de ses jeunes élèves (Mourir d'aimer, 1971, avec Annie Girardot et Bruno Pradal). Dans les Risques du métier (1967), un instituteur (Jacques Brel) dans un petit village normand, est accusé à tort de viol par une élève, fille du garagiste local.
Cayatte est aussi, à l'occasion, un chroniqueur de l'histoire contemporaine (le Passage du Rhin, 1960) et un analyste de la société française : dans la Vie conjugale (1964), il offre deux versions différentes de la même histoire, celle du mari (Jacques Charrier) et celle de la femme (Marie-José Nat).
André Cayatte n'a certainement pas bouleversé les règles de l'esthétique cinématographique, mais ses dossiers demeurent une référence pour l'étude des mœurs juridiques de la société française des années 1950 à 1970 et pour l'évolution de la morale dominante. Sa dernière œuvre, l'Amour en question, réalisée en 1978, abordait encore une fois les problèmes de la justice française : une manière de boucler la boucle, après la trilogie judiciaire de ses débuts.