Francis Bacon
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre britannique (Dublin 1909-Madrid 1992).
Il s'installe à Londres en 1925. Autodidacte, il séjourne en 1926-27 à Berlin et à Paris, où il visite une exposition Picasso. D'abord dessinateur (projets de meubles et de tapis) et décorateur (il expose dans son atelier en 1930), il commence à peindre à la fin de 1929, mais interrompt fréquemment son travail, qu'il détruisit en grande partie : restent une dizaine de toiles de 1929 à 1944. Ses premières expositions eurent lieu à Londres (1949, gal. Hanover), à New York (1953) et à Paris (1957, gal. Rive droite). Relativement marqué à ses débuts par le Surréalisme (Peinture, 1946, New York, M. O. M. A.), il fit toujours figure d'indépendant dans la peinture contemporaine. La plupart de ses tableaux représentent des personnages isolés, groupés par deux, ou plus rarement par trois, immobiles ou en mouvement. Il a traité des sujets religieux, en particulier la Crucifixion, dès 1933, sans aucune soumission à la représentation traditionnelle (Trois Études de figures au pied d'une Crucifixion, 1944, Londres, Tate Gal.). Un thème iconographique préexistant sert souvent de point de départ : Autoportrait de Van Gogh (1957), le Pape Innocent X de Velázquez (1953, 1960), la nurse hurlante du Cuirassé Potemkine d'Eisenstein (1957) ou la photo, extraite d'un journal, d'un homme politique gesticulant. L'œuvre de Bacon cherche à frapper le spectateur jusqu'au plus intime de lui-même ; cette attitude a pu être qualifiée d'" existentialiste " dans la mesure où l'individu est saisi au cœur de son isolement irréductible (dans la chambre, le lit ou un espace presque totalement abstrait), accentué par la très fréquente présentation en triptyque, dont les personnages juxtaposés ne communiquent guère, ce qui donne un aspect à la fois séquentiel et syncopé d'image filmique (Études du corps humain, 1970 ; Corps en mouvement, 1976). Outre ceux de la photo et du cinéma, la mise en page de Bacon utilise à ses propres fins les arguments plastiques et émotionnels issus d'esthétiques contemporaines, de l'Expressionnisme au Minimal Art. Mais l'essentiel de son apport consiste en une interprétation inédite du corps et du visage humains, restitués en des attitudes ramassées mais vivantes ou en des expressions hagardes mais d'une vérité criante. Un pinceau souple et cursif fouette une couleur mate et légèrement grenue aux nuances chatoyantes et acides. Les personnages de Bacon, à la limite de la désagrégation ou de la déformation d'un phénomène optique, sont paradoxalement peints dans des postures quotidiennes : assis, couchés, vautrés, endormis ou faisant l'amour, déféquant (Deux Figures dans l'herbe, 1954). Une analogie d'attitudes et de situations rapproche l'homme de l'animal, du chien (1952, New York, M. O. M. A.), plus souvent du singe (Chimpanzé, 1955, Stuttgart, Staatsgal.). L'artiste a laissé de certains visages, et notamment du sien, des variations saisissantes dans l'accord entre le jeu coloré et celui des expressions (Autoportraits, 1967, 1972, 1973 ; George Dyer et Isabel Rawsthorne, 1968 ; Henrietta Moraes, 1969 ; Trois Études pour un portrait de Peter Beard, 1975). L'influence de Bacon s'est exercée entre 1950 et 1960 surtout en Italie, et la Nouvelle Figuration a pu saluer en lui un authentique précurseur. L'artiste vit à Londres. Il est représenté dans de nombreux musées anglais, américains et allemands ainsi qu'en France, au M. N. A. M. (Triptyque, 1964) et au musée Cantini de Marseille (Autoportrait, 1976). Parmi les nombreuses expositions rétrospectives, citons celles du Grand Palais (Paris, 1971-72) et de la Tate Gallery (Londres, 1985). Une nouvelle rétrospective Bacon a été présentée (Paris, Munich) en 1996-97.