caricature
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
On peut définir la caricature comme la représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par l'exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, à fin nettement satirique ou encore comme l'image infidèle et la reproduction déformée de la réalité.
Il n'est pas certain que les représentations grotesques de l'Antiquité appartiennent au genre de la caricature, dans la mesure où elles s'appliquent à des personnages imaginaires, dans un contexte religieux et souvent avec un but d'exorcisme. De même en est-il au Moyen Âge des figures de monstres, de diables ou des " infidèles ". La pratique de la caricature apparaît comme un jeu dans l'atelier d'Annibale Carracci, à Bologne, à la fin du xvie s. Le mot est défini pour la première fois, dans la préface (par Mosini) des Cris de Bologne d'après A. Carracci (1646), comme une méthode de portrait issue d'un souci réaliste, mais dans un but fantaisiste ou comique.
Le " portrait-charge " (de l'italien caricare, charger) connaît alors une grande vogue en Italie et est importé à la cour de Louis XIV par le Bernin. Cette " méthode " apparaît alors comme un rejet des normes de représentation du corps humain strictement élaborées pendant la Renaissance, une " idéalisation inversée ". Dürer avait déjà mathématiquement exploré les déformations qu'on pouvait faire subir à l'image d'un visage, et Léonard de Vinci, plus empiriquement, avait étudié des visages laids ou monstrueux. Rien n'était plus sérieux que leur démarche : ce n'est qu'une fois ces règles maîtrisées et devenues des codes que, de leur transgression, put naître le comique. Dès le xvie s., on observe le passage des représentations diaboliques dirigées contre le pape ou contre Luther à la caricature politique ; celle-ci ne s'épanouit, cependant, qu'au fur et à mesure de la montée de la bourgeoisie, particulièrement en Angleterre, où elle devient, avec Hogarth, après 1730, une véritable arme contre l'aristocratie et le " bon goût ".
En France, la caricature joue également un grand rôle dans les luttes contre Louis XVI, puis contre Charles X. Après avoir libéré la presse en 1830, Louis-Philippe, harcelé par Daumier et l'équipe du journal républicain la Caricature, fondé en 1830, la réprime en faisant valoir que la caricature est plus subversive qu'un texte. Jusqu'à la loi sur la liberté de la presse de 1881, les périodes de répression, plus longues que les périodes libérales, témoignent de la force de la caricature contre les pouvoirs.
Les théories de Freud sur le " mot d'esprit " ont été utilisées pour expliquer ce pouvoir de la caricature, la transgression des normes du dessin classique étant assimilée à celle des règles du langage et interprétée comme une régression volontaire du dessinateur. Dans la caricature, le dessinateur s'approprie l'espace et soumet son sujet à ses propres règles, le privant de sa permanence et de son autorité. L'abandon des normes classiques dans l'art moderne a naturellement fait perdre de sa force à la caricature proprement dire, qui devient, par exemple avec l'Américain David Levine, un outil de consécration plus que de dérision des gens célèbres.
Parmi les figures les plus notoires de l'histoire de la caricature, on peut citer : en Italie, au xviie s., Ghezzi et le Bernin ; en Angleterre, au xviiie s., Hogarth, Cruikshank, Gillray et Rowlandson ; en France, au xixe s., Daumier, Grandville, Gavarni, Traviès, qui appartenaient à l'équipe du Charivari, puis, sous la IIIe République, Gill, Léandre, Forain, A. Faivre, Grandjouan, Sem ; pendant la Première Guerre mondiale, G. Bofa et H.-P. Gassier ; puis Sennep. L'Allemagne a eu les dessinateurs du journal Simplicissimus (Thomas Theodor Heine, Olaf Gulbransson...), ainsi qu'un G. Grosz. De nos jours, la plupart des dessinateurs de presse ont recours à la caricature, Tim ou l'équipe du Canard enchaîné, par exemple.