Simon Vouet
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre français (Paris 1590 – id. 1649).
La carrière de Simon Vouet se divise d'elle-même en deux temps. Le séjour italien, qui s'achève en 1627 avec le retour en France de l'artiste, et la période parisienne, de 1627 à la mort du peintre, vingt-deux ans plus tard. Artiste parmi d'autres à Rome, Vouet devient, à un moment crucial de l'histoire de France, le premier peintre de son pays et de son roi, Louis XIII, grand amateur de peinture moderne. Ses débuts, comme d'ailleurs les débuts de nombre de ses contemporains français, Vignon, Poussin, Claude, Valentin, sont fort aventureux. Fils d'un peintre, Laurent Vouet, dont on ne sait à peu près rien, Vouet semble s'être rendu tout jeune en Angleterre (v. 1604-1606), puis à Constantinople en 1611-12 et à Venise en 1612-13.
Le séjour en Italie
Quoi qu'il en soit, il est à Rome en 1614 et y demeurera, sauf le temps d'un bref séjour à Gênes et à Milan en 1620-21, jusqu'à son retour à Paris. Pendant cette période, il ne perdra pas tout contact avec la France. Il reçoit dès 1617 un brevet du roi de France augmentant la pension qu'il percevait déjà. On le sait en relation avec la colonie des artistes étrangers à Rome, dont Poussin, Mellan, comme d'ailleurs avec les peintres italiens les plus en vue du temps ; en 1624, à la suite d'une violente rivalité entre deux peintres caravagesques italiens, Antiveduto Grammatica et Mao Salini, Vouet est appelé à être prince de l'académie de Saint-Luc. La même année, sa réputation est confirmée par une commande pour Saint-Pierre, l'Adoration de la croix, dont il ne subsiste que des esquisses fragmentaires (coll. part. anglaises ; musée de Besançon). L'année précèdente, Vouet avait signé le contrat relatif à la décoration de l'église de S. Lorenzo in Lucina. En 1626, il épouse Virginia da Vezzo, elle-même habile miniaturiste, et reçoit l'ordre de revenir en France.
Sa production romaine est assez bien connue. Il en subsiste d'une part quelques tableaux d'église, en grande partie in situ (la Naissance de la Vierge, 1618-1620, Rome, S. Francesco a Ripa ; le Christ en Croix, 1621-22, Gênes, église du Gesù ; l'Annonciation, 1622-23, musée de Berlin, détruite en 1945 ; la Circoncision, 1622, Naples, S. Angelo a Segno ; la décoration de la chapelle Alaleoni, 1623-24, Rome, S. Lorenzo in Lucina ; l'Apparition de la Vierge à saint Bruno, 1626, Naples, S. Martino ; l'Apothéose de saint Théodore, peinte à Venise en 1627, Dresde, Gg), et d'autre part quelques tableaux de chevalet, comme les Amants (1617-18, Rome, Gal. Pallavicini), la Diseuse de bonne aventure (Ottawa, N. G.), Saint Jérôme et l'ange (Washington, N. G.) et le Temps vaincu (1627, Prado). Il faut ajouter une série d'admirables Portraits (Rome, Gal. Pallavicini ; Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum ; Louvre ; musées d'Arles et de Lyon), d'une belle liberté de facture et d'une spontanéité émouvante. " Il avait suivi à Rome la manière du Caravage et du Valentin ", écrit d'Argenville ; mais les grands tableaux de l'artiste montrent une connaissance aussi bien des maîtres bolonais, en particulier de Lanfranco, que des principaux courants artistiques qui règnent en Italie. Avant son retour en France (le tableau du Prado de 1627 le prouve), Vouet change de manière, peint plus clair et abandonne, pour ne plus y revenir qu'à de rares exceptions, la " manière sombre " qui l'a imposé à Rome.
La carrière française
Il est plus difficile de suivre année par année la carrière de Vouet en France, mais un fait demeure : l'abondance des commandes — tableaux d'églises, grands ensembles décoratifs, toiles d'amateurs — que reçoit l'artiste. Nombre de ces ensembles, comme la série des Hommes illustres peinte pour le Palais-Cardinal (maintenant Palais-Royal) de Richelieu (1636-1638 env.), ont été démembrés, et les tableaux d'églises ont tous été déplacés, sinon perdus, rendant difficile l'analyse de l'évolution du style, d'autant plus qu'un important atelier — par exemple François Tortebat et Michel Dorigny, qui épousèrent deux filles de l'artiste, mais aussi le frère de Simon, Aubin Vouet, Michel Corneille, Nicolas Chaperon, Charles Poerson et tant d'autres — semble avoir participé de plus en plus à la réalisation des toiles. Quelques dates, toutefois, permettent de mieux étudier cette carrière : Vouet perd sa femme en 1638 et se remarie en 1640, qui est l'année du retour de Poussin à Paris et du mot fameux de Louis XIII : " Voilà Vouet bien attrapé. " Il participera néamoins à la commande de Sublet de Noyers pour le noviciat des jésuites aux côtés de Poussin et de Stella.
Vouet meurt en 1649, à un moment où deux de ses nombreux élèves, les plus doués, se disputent le pouvoir : Le Sueur et Le Brun. C'est dans un style plus décoratif, très coloré, qu'il exécuta les nombreux ensembles qui lui furent commandés (châteaux de Chilly, de Saint-Germain-en-Laye, de Fontainebleau, de Wideville ; à Paris, hôtels Bullion, Séguier, du président Perrault, de Bretonvilliers et de Tubœuf). Cette même formule, il l'applique à ses tableaux de chevalet, notamment à ses nombreuses Vierges à l'Enfant largement diffusées par la gravure, dont il s'est fait une spécialité. Ce sont toutefois les grandes compositions allégoriques (le Temps vaincu par l'Amour, Vénus et l'Espérance, musée de Bourges) ou les toiles religieuses exécutées pour des églises de Paris (Assomption de la Vierge, à Saint-Nicolas-des-Champs ; Martyre de saint Eustache, à Saint-Eustache ; l'Adoration du nom divin par quatre saints, à Saint-Merri) et celles qui sont conservées dans les musées de Nantes (Apothéose de saint Eustache), de Lyon (Crucifixion), de Rouen (Apothéose de Saint Louis), de Grenoble (Tentation de saint Antoine et Repos pendant la fuite en Égypte), de Bruxelles (Saint Charles Borromée) et du Louvre (Présentation de Jésus au Temple) qui sont le meilleur de la production de Vouet ; elles sont souvent préparées par d'admirables dessins à la pierre noire (les deux albums Cholmondeley du Louvre, par exemple, ou l'ensemble de dessins de la bibliothèque de Munich). Habilement agencées par le jeu des draperies et leur rythme circulaire, elles constituent une réponse à la française aux grandes toiles " classiques " des maîtres bolonais et romains.
De ce fait, le rôle de Vouet aura été prépondérant. Le Brun saura être son digne successeur. Plus que tout autre, Simon Vouet avait contribué à faire de Paris sous le règne de Louis XIII une des capitales artistiques de l'Europe. Une importante rétrospective lui a été consacrée en 1990 (Paris, Grand Palais ; Rome).