Sebastiano Ricci
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Belluno 1659 –Venise 1734).
Oncle de Marco Ricci, il est l'une des plus importantes personnalités du xviiie s. vénitien et l'un des initiateurs de la peinture rococo, gaie et claire, genre essentiellement décoratif, qui s'impose au début du xviiie s. dans toute l'Europe. De tempérament éclectique et particulièrement réceptif, Ricci, au cours de sa longue formation, assimile, dans un style qui sait rester personnel et caractérisé par un pinceau vibrant et une forme toujours plus déchiquetée dans une atmosphère sans cesse éclaircie, les expériences les plus modernes de la culture artistique de la fin du vxiie s. (Apparition nocturne ou le Songe d'Esculape, Venise, Accademia).
Après avoir étudié à Venise auprès de Mazzoni et de Cervelli, il se rend à Bologne près de Del Sole. Appelé à Parme par le duc Ranuccio Farnèse, il y laisse des œuvres (Scènes de l'histoire romaine) d'esprit nettement bolonais. En 1685-1687, il décore à fresque l'oratoire de la Madonna del Serraglio, près de Parme ; il se montre lié aux formes élégantes et maniérées, de type classicisant, mais sa couleur veloutée et nuancée dénonce un net rappel de Corrège. Il est ensuite à Rome, où la connaissance des grands décorateurs, Pietro da Cortona et Baciccio, joue un rôle essentiel dans son évolution ; ses formes se font plus fluides et plus souples (plafond de la sacristie des S.S. Apostoli).
Après un séjour à Milan, Ricci est de retour en Vénitie au début du xviiie s. Sa culture s'est élargie, mise à jour, " modernisée ". C'est à cette époque qu'il acquiert la connaissance fondamentale de la peinture de Véronèse, qui le conduit à éclaircir les couleurs et à rechercher des gammes toujours plus lumineuses dans la juxtaposition des tons bleus et blancs. Certaines des toiles aux teintes claires, conservées à l'université de Parme, datent de cette période. La peinture de Ricci évolue ; le Rococo et la tradition vénitienne se côtoient dans les plafonds de S. Marziale à Venise, antérieurs de 1705. Les compositions hardies s'enroulent de bas en haut, rapidement raccourcies ; la couleur, fortement éclairée, diffuse sa lumière sur les fonds de ciel purs. Pour la première fois, ces fonds ne sont plus inertes : ils accueillent le jeu de la lumière solaire. La décoration à Florence (1706-1707) du palais Maruccelli (fresque : Apothéose d'Hercule) et du palais Pitti (Diane et Actéon ; esquisse au musée d'Orléans) marque une nouvelle étape du parcours de Sebastiano Ricci. Grâce au rythme rococo des formes, à l'aisance narrative et à la légèreté de la touche, il affirme désormais une tendance décorative.
En 1708, il peint la Madone avec des saints pour l'église S. Giorgio Maggiore à Venise ; un coup de pinceau rapide, mousseux et infiniment léger brise la forme ; l'orchestration chromatique devient claire et limpide. Ricci poursuit encore cette évolution ; l'aspect délicatement rocaille de sa culture se précise, tandis qu'il se rapproche de plus en plus de Véronèse.
C'est grâce à sa culture vénitienne que Ricci assume un rôle de premier plan dans la formation d'un langage pictural européen au début du xviiie s. Entre 1712 et 1716, il est à Londres avec son neveu Marco. Dans sa décoration de Burlington House (auj. Royal Academy), son goût pictural est encore plus frappant ; les formes paraissent se dissoudre dans une atmosphère mouvante. Il se rend ensuite à Paris v. 1716, est reçu à l'Académie avec le tableau sur le thème de l'Allégorie de la France (Louvre), puis il rentre définitivement à Venise. Deux peintures de 1724, Salomon adorant les idoles et la Répudiation d'Agar (auj. à Turin, Gal. Sabauda), inondées d'une lumière argentée, dans une vibration continue des formes, sont des exemples de son approfondissement du chromatisme issu de Véronèse. Entre 1726 et 1734, Sebastiano Ricci exécute, pour le consul Smith, une série de peintures (auj. à Hampton Court) ; pour ces réalisations, il a employé une manière qui fait éclater la forme, révélant ainsi une imagination aux multiples pouvoirs. Parmi ses dernières œuvres, on peut également évoquer son Saint Grégoire à S. Alessandro della Croce à Bergame, ultime étape de l'évolution d'un langage pittoresque et totalement libre où les formes se meurent dans une atmosphère presque liquide et où la couleur, à coups de pinceau rapides et glissants, semble vouloir retenir les rayons de la lumière lunaire. Une exposition a été consacrée à Sebastiano Ricci (Udine) en 1989.