Orazio Borgianni
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (? vers 1578 –id. Rome v. 1616).
Il fit son éducation artistique en Italie et en Espagne à la fin du xvie s. et au début du xviie, passage critique du Maniérisme tardif au Baroque. Il est documenté à Rome en 1603-1604 et de 1607 à sa mort. Selon son premier biographe, G. Baglione, il fit deux séjours en Espagne, le premier de 1598 à 1603, le second en 1604-05.
Sa personnalité et son imagination se révèlent dans ses premières œuvres espagnoles : Saint Christophe (Édimbourg, N. G. of Scotland) et le Christ en croix (musée de Cadix), au fond de paysage fantastique, ou la Vision de saint Jérôme (Louvre). Mais c'est dans le cycle de peintures illustrant la Vie de la Vierge au couvent de Portacoeli à Valladolid (1604-1605) qu'il prouve sa puissance dramatique et qu'il trahit ses sources : d'une part des emprunts directs à Tintoret, tels que la composition de la Présentation de la Vierge au Temple ; d'autre part le souvenir de la lumière diffuse de Corrège dans l'Assomption ; Borgianni évoque également Rubens. Réceptif à diverses influences (les Carrache, les Vénitiens, Greco peut-être), il a pourtant cheminé seul, ne faisant partie d'aucun courant spécifique. Il fut cependant l'un des introducteurs du Caravagisme en Espagne.
Pendant sa dernière période romaine, après 1607, Borgianni réalise ses meilleures œuvres. Dans la Mort de saint Jean l'Évangéliste (Dresde, Gg), il se montre l'héritier du Maniérisme par ses figures gigantesques et sa poésie étrange. Ailleurs, on retrouve le classicisme émilien, tant celui des Carrache que celui de Lanfranco, à qui l'on attribuait autrefois l'Apparition de la Vierge à saint François (1608, Sezze, chapelle du cimetière). Le Saint Charles Borromée adorant la Sainte Trinité (v. 1611-12, Rome, Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines), grande silhouette instable dressée dans le monde irréel des débris antiques, absorbée dans sa vision céleste, fait paraître Borgianni comme un peintre profondément religieux, presque un visionnaire.
Dans les dernières années de sa vie, le peintre abandonna cet art lyrique pour des compositions plus sculpturales, franchement luministes, influencées par le milieu caravagesque : la Nativité de la Vierge (Savone, Santuario della Misericordia), la Sainte Famille (Rome, G. N., Gal. Corsini), remarquable par sa nature morte, au premier plan, la Pietà (Rome, Gal. Spada). Bien que l'historien Giovanni Baglione, dans ses Vies des peintres (1642), le désigne comme le pire ennemi de Caravage, il se révèle au contraire comme l'un des premiers peintres qui ait vraiment compris la leçon du Caravagisme.