John Martin
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre et graveur britannique (Haydon-Bridge, Northumberland, 1789 – Londres 1854).
Après s'être formé à Newcastle et avoir gagné sa vie comme décorateur de porcelaine, il s'établit à Londres en 1806. Il participa pour la première fois à l'exposition de la Royal Academy en 1811 ; toutefois, à la suite d'un incident survenu à la Clytie, qu'il exposait en 1814, il devait se brouiller, comme Haydon, avec l'institution. Il évolua vers la représentation du paysage cosmique et fantastique, inspirée des œuvres dramatiques de Turner, comme Hannibal et son armée franchissant les Alpes (1812, Tate Gal.), et emprunta sa technique du " Sublime " à l'Eidophysikon de Loutherbourg. Le thème du tableau trouve ainsi toute son ampleur dans le contraste entre les figures et le paysage où elles sont placées (le Barde, 1817, Newcastle, Laing Art Gal.).
Dans ses grandes compositions décrivant des désastres et des cataclysmes, le Festin de Balthasar (1820 ; aquarelle, v. 1830, British Museum), la Septième Plaie d'Égypte (1823, Boston, M. F. A.), le Déluge (1826, exposé au Salon à Paris en 1834), la Chute de Ninive (1828), il développait avec rigueur de vastes perspectives architecturales, détachant les figures minuscules sur des ciels livides. Répertoire trop souvent dénoncé comme des emprunts à Turner ou à l'architecture qu'édifiait John Nash dans le centre de Londres, l'étude chronologique montre que John Martin a pu influencer au contraire son maître (le Palais de Caligula, 1831 ; Régulus quittant Carthage, 1837, Londres, Tate Gal.) et l'architecte (Carlton House Terrace).
Martin avait fait la connaissance de Léopold, futur roi des Belges, en 1814 et celui-ci devait le soutenir par la suite. Mais cela ne remplaça pas une reconnaissance défaillante dans son propre pays. Conscient des limites techniques de son talent de peintre et soucieux d'exploiter le succès de ses tableaux, Martin se consacrait v. 1820 à la gravure (il illustra le Paradis perdu de Milton en 1827 et la Bible en 1835), assurant par ce moyen la diffusion de son œuvre sur le continent, où sa maîtrise du blanc et du noir devait influencer Gustave Doré. Il se révèle ainsi l'un des maîtres de la mezzotinte, ou manière noire, qui popularisa son œuvre, particulièrement en France. Apprécié par Charles X, à qui il dédiait la gravure de la Chute de Ninive (1830), il connut les faveurs de Louis-Philippe en 1834, lors de l'exposition du Déluge. Estimé surtout par le milieu littéraire — Victor Hugo, Sainte-Beuve, Michelet —, il devint rapidement un des peintres anglais les plus réputés malgré les quelques réserves formulées par les amateurs de peinture. Peu avant sa mort, il développait le thème du Jugement dernier dans une trilogie (le Grand Jour de sa colère, 1852, les Plaines des cieux, le Jugement dernier, 1853, Londres, Tate Gal.) qui devait connaître une brillante exposition posthume.
À côté de cette œuvre cosmique oubliée puis redécouverte, où s'épanouit parfois un vrai sentiment romantique (le Roi Arthur et Aegle, 1849, Newcastle, Laing Art Gal. ; le Dernier Homme, 1849, Liverpool, Walker Art Gal.), John Martin a laissé de très beaux paysages lyriques, où, à la différence de ses contemporains, il se plaisait à souligner les modifications que l'industrie faisait subir à la nature anglaise. Paysagiste de banlieue (Richmond Park, Londres, V. A. M. ; Vue de Shepherd's Bush, 1836, Smith College Museum of Art), il se passionnait pour certains projets techniques, comme le plan pour l'alimentation de Londres en eau courante, qui nous a valu de très belles aquarelles qui dénombrent les sources autour de la ville.