Juste de Gand

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre flamand (mentionné à Urbino de 1473 à 1475).

C'est avec une grande vraisemblance qu'on l'identifie au peintre gantois Joos Van Wassenhove, connu de 1460 à 1469. Ce dernier est d'abord reçu franc maître à Anvers en 1460, puis à Gand le 6 octobre 1464. Il apparaît plusieurs fois ensuite dans les archives de la confrérie des peintres de Gand, notamment en 1467 pour se porter garant de Hugo Van der Goes et, en 1469, d'Alexandre Bening. Il paraît avoir été protégé par la riche famille bourgeoise des Van der Zickele, qui lui fait un don d'argent au moment de son départ pour l'Italie, probablement en 1469. Une série de textes de la confrérie du Corpus Domini d'Urbino, échelonnés de 1473 à 1475, concerne le paiement d'un tableau consacré à la Communion des apôtres à " maestro Giusto ", qui peut être identifié avec lui grâce aux témoignages de Guicciardini et de Vasari, qui parlent de " Juste de Gand, qui fit le tableau de la communion du duc d'Urbino ". Il paraît également pouvoir être assimilé au " maestro solenne " que le duc Frédéric d'Urbino fit venir des Flandres et auquel il fit exécuter, selon Vespasiano da Bisticci, les portraits d'hommes célèbres de son studiolo. Grâce à ces données, l'œuvre du peintre peut être reconstituée. La Communion des apôtres (1474, Urbino, G. N.) est un tableau surprenant pour un maître flamand par l'ampleur de ses proportions et son style monumental. Mais aujourd'hui en assez mauvais état, il est probablement resté inachevé, et seuls deux anges, dans la partie supérieure, ont le modelé et la délicatesse des peintures septentrionales. À cause de la parenté de certaines attitudes de personnages et de certains types avec ce tableau, de nombreux critiques ont cru pouvoir attribuer à Juste de Gand, avant son voyage en Italie, le Triptyque de la Crucifixion de l'église Saint-Bavon de Gand. Cette idée séduisante a longtemps été admise sans discussions. Il convient cependant de remarquer que l'exécution et l'esprit des deux œuvres sont si éloignés qu'il paraît difficile de se contenter d'analogies de détail pour conclure à une identité de main. Quant aux 28 Portraits d'hommes célèbres provenant du studiolo du duc Frédéric d'Urbino (Louvre et Urbino, G. N.), ils sont cités au début du xviie s. par Pablo de Cespedès comme l'œuvre du peintre espagnol Pedro Berruguete, qui paraît bien avoir travaillé à Urbino au temps de leur exécution et s'est inspiré de leur composition dans des portraits de saints, plus tardifs. Par ailleurs, la présentation des personnages à mi-corps comme leur ampleur monumentale ont une résonance italienne qui a incité certains auteurs à les attribuer à Melozzo da Forlì. Le problème reste difficile à résoudre, bien que les textes parlent plutôt en faveur de Juste de Gand et soient confirmés par l'unité de facture, sensible au stade de la préparation, révélée par la photographie à l'infrarouge. Le Portrait du duc et de son fils (Urbino, G. N.) qui complétait la décoration du studiolo a vu également son attribution contestée. Il est probable que son auteur — Juste de Gand ou un autre — a également repris les mains du duc dans la Sainte Conversation de Piero della Francesca de la Brera (la Madone adorée par Frédéric de Montefeltre). Du même ensemble, on a également rapproché 4 Allégories des Arts (2 à Londres, N. G., et 2 autref. au musée de Berlin, détruites en 1944) qui proviennent probablement d'une autre décoration commandée par le même mécène. Le caractère italien en est cependant beaucoup plus marqué, notamment dans les jeux complexes de perspective. C'est également le cas d'un panneau fort ruiné représentant le Duc Frédéric écoutant la leçon d'un humaniste (Hampton Court). La personnalité de Juste de Gand reste donc cernée de mystère : elle se situe à un carrefour d'influences entre le Nord et le Midi.