Jannis Kounellis
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Le Pirée, Grèce, 1936 – Rome 2017).
Après avoir passé ses vingt premières années en Grèce, où il commence à suivre un enseignement artistique, Kounellis s'installe à Rome en 1956 et suit les cours de l'Académie des beaux-arts. Marqué par l'œuvre d'Alberto Burri et de Lucio Fontana, puis par celle d'Yves Klein et de Piero Manzoni, il peint à partir de 1958 de grands tableaux composés d'agencements de lettres, de chiffres et de signes (flèches ou symboles mathématiques), reports sur toile de signes appartenant à l'espace social de la vie quotidienne, présentés lors de sa première exposition personnelle à Rome (gal. la Tartuga, 1960). Après 1963, Kounellis peint des mots simples, jours de la semaine associés à des couleurs (Lunedì, martedì, mercoledì, 1963) ou des signes musicaux liés à des titres de partitions.
Après une interruption de 1965 à 1967, où l'artiste prend conscience du caractère fragmenté de la société et de l'inadéquation de la peinture, mode d'expression d'une unité historique et de la mesure, à exprimer cet éclatement social, Kounellis développe des propositions plastiques radicalement nouvelles. Il combine dans de nombreuses œuvres des formes inorganiques quant à la structure avec des matériaux organiques quant à la sensibilité, comme la laine brute, le minerai de charbon ou des animaux vivants : ainsi, en 1967, un perroquet devant une plaque de métal rectangulaire. Ces œuvres sont présentes dans les expositions de l'" Arte Povera " (1969, Bologne) ou de l'" antiform " (Quand les attitudes deviennent formes, Berne, Londres, 1969). Ce besoin d'implication de l'art dans la vie réelle amène Kounellis à présenter douze chevaux vivants dans une galerie (gal. l'Attico, Rome, 1969), marquant une mutation physique des sens habituels de la perception dans un espace artistique. L'usage du feu, répondant à l'utilisation d'un matériau de perturbation, sans stabilité, commencé avec Margerita (1969), se poursuit avec la présentation de bonbonnes de gaz projetant des flammes au niveau des yeux (gal. Iolas, Paris, 1969), ou au sol dans la même direction (1971), ou fixé à des cadres de sommiers métalliques ; liée au feu, l'utilisation de la fumée apparaît dans de nombreuses œuvres, trace mélancolique de la fugacité du temps et de l'histoire, souvent conjuguée à l'usage du fragment, de l'image cassé, particulièrement des moulages brisés de sculptures classiques, dans une sorte d'" iconographie de l'iconoclasme ", signe de la cohésion brisée de l'histoire, créant des mises en scène de fragments posés sur des stèles superposées et alignées dans l'espace (Sans titre, 1981, Rochechouart, Musée départemental d'art contemporain).
À partir de 1969, année où Kounellis réalise sa première porte murée à San Benedetto del Tronto, composée de blocs de pierres superposés selon un appareillage grossier, l'artiste réalise fréquemment des structures de blocage de la vision, d'enfermement de l'espace, jouant sur des matériaux divers, fragments de statues, planches (exposition Zeitgeist, 1982, Berlin), planches posées en diagonale (Bordeaux, Musée d'art contemporain, 1985). Au milieu des années 1970, Kounellis commence à favoriser les relations de cohérence entre les différents éléments de son vocabulaire formel, permettant une évocation poétique du présent à partir d'archétypes artistiques et mythiques : ainsi, en 1977, dans une installation à Lucerne où une série de bonbonnes de gaz et de feu est interrompue par un tableau de Soutine et un homme recouvert de pigments jaunes.
À partir de 1980, l'artiste exécute des œuvres dans lesquelles des étagères présentent des matériaux de récupération qu'il utilise pour murer ses portes et fenêtres. Cet intérêt pour la surface murale s'accentue à partir de 1983 avec la réalisation de grands panneaux d'acier synthétisant plusieurs éléments de son vocabulaire : panneau avec poutres, sommier et bec de gaz, étagères d'acier avec objets dans des couvertures, fragments de bois, traces de fumée (1984), séries de panneaux d'acier avec feu et sacs de toile espacés (Sans titre, 1985, Bordeaux, Musée d'art contemporain ; Sans titre, 1985, musée de Grenoble). L'œuvre de Kounellis a fait l'objet de plusieurs rétrospectives (A.R.C., Paris, 1980 ; Rimini, 1983 ; Chicago, 1986 ; Amsterdam, 1991. Une nouvelle exposition Kounellis a été présentée (Madrid, Centro de Arte Reine Sofia) en 1996-97). Son œuvre est représentée dans de nombreux musées en France : Paris, M. N. A. M. ; Bordeaux, Musée d'art contemporain ; Nîmes ; Strasbourg, Musée d'art moderne ; et à l'étranger : Eindhoven, Rotterdam ; Londres, Tate Gallery ; Schaffhausen, coll. Crex.