Isidro Nonell
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre espagnol (Barcelone 1873 –id. 1911).
Fils d'un modeste industriel barcelonais, lié depuis son enfance au peintre Joaquím Mir, il fréquente plusieurs académies avant de suivre les cours de l'école des Beaux-Arts de Barcelone. Avec Mir, Ricardo Canals, Julio Villamitjana, ils forment le groupe " Colla del Sofra " du nom de la couleur qu'ils affectionnent dans leur recherche d'effets de lumière. De bonne heure, Nonell découvre son univers, celui des miséreux et des perdus : aux silhouettes de dégénérés de Caldas de Bohí (val pyrénéen reculé qu'il visita dans l'été 1896 avec ses amis Canals et Vallamitjana), dont l'exposition devait provoquer un petit scandale, succédèrent les gitanes et les humbles prostituées barcelonaises, les ex-soldats rapatriés de la guerre de Cuba et devenus mendiants. Nonell collabore par des dessins à la revue Pel y Ploma et expose au célèbre café des Quatre Gats, où il rencontre son cadet Picasso, quelques mois avant de partir pour Paris ; il devait par la suite lui prêter son logement montmartrois, et ses personnages ne sont certainement pas étrangers au répertoire picassien de l'" époque bleue ". Nonell fut mieux accueilli à Paris qu'à Barcelone. En 1898, peu après son arrivée, il prenait part à la 15e exposition de la gal. Le Barc de Boutteville, en même temps que Toulouse-Lautrec et Gauguin ; le critique Frantz-Jourdain le comparait à un " Goya modernisé ". En 1899, il expose avec un certain succès des gitanes commandées par Vollard. Désormais, il partage sa vie artistique entre Barcelone et Paris, où depuis 1902 il expose presque chaque année aux Indépendants. Nonell n'a guère renouvelé ses thèmes primitifs (Dolorés, Deux Gitanes, Barcelone, M. A. C.) ; il y ajoute seulement dans ses dernières années de belles et graves natures mortes. Sa peinture, qui rompt délibérément avec le Réalisme anecdotique comme avec l'Impressionnisme cultivé par les indépendants barcelonais, est caractérisée par des courbes cernées de traits lourds et sombres, et des couleurs assourdies où se détachent des notes chaleureuses d'orangés et de rouges, qui rappellent à plus d'un titre Gauguin et Van Gogh. Mais son art n'appartient qu'à lui par sa réserve, sa poignante tristesse et son tragique. Une consécration tardive fut liée à l'exposition rétrospective de son œuvre qu'il organisa en 1910 aux galeries del Faiançe Catalá (Barcelone).