Guariento
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (documenté à Padoue et à Venise de 1338 à 1367).
Le début de son activité, qui doit se situer entre la troisième et la quatrième décennie du xive s., est profondément marqué par l'art de Giotto, malgré un espace plus aéré, un coloris clair et délicat, des figures graciles. Le Crucifix du musée de Bassano, unique œuvre signée et datable vers 1340, semble cependant une interprétation gothique de la plastique giottesque, car la ligne qui creuse les contours et serpente dans les drapés est la vraie protagoniste du tableau. Un coloris précieux et changeant qui se dégrade subtilement du blanc au bleu, au rose, la ligne rythmée du polyptyque du Couronnement de la Vierge (1344, Los Angeles, Getty Museum) laissent penser que des influences venues de Rimini et de Florence se sont superposées à sa culture gothique initiale. Ses contacts avec le milieu vénitien marquent en revanche le Couronnement de la Vierge (v. 1351, Padoue, chapelle des Eremitani) ; les visages recueillis du Christ et de la Vierge, les riches décorations d'or des vêtements rappellent l'art byzantin.
De 1348 à 1354, Guariento est peintre de cour des Carraresi à Padoue et travaille par conséquent pour une classe raffinée et cultivée. La série de panneaux qui composaient l'ensemble décoratif de la chapelle Carraresi (auj. au Museo Civico de Padoue, à l'exception de deux Anges, l'un au Fogg Art Museum de Cambridge [Mass.], l'autre au musée d'Arezzo) représente le sommet de son art : aux côtés de la Vierge, d'expression byzantine, se déploient en perspective les troupes d'anges, flanquées de motifs décoratifs et même de détails de paysage caractéristiques du répertoire gothique courtois. L'atmosphère des fresques représentant des Scènes de l'Ancien Testament (Padoue, salle de l'Accademia) est différente, plus réaliste des vues perspectives et des architectures concrètes, des personnages finement caractérisés montrent un Guariento conscient du monde nouveau et riche en ferments annonciateurs de la première moitié du quattrocento.
Ce qui reste aujourd'hui de la décoration de la chapelle des Eremitani (Padoue) dénote une baisse de ton, bien que ces fresques comptent encore des épisodes remarquables, où la manière gothique du maître prend une préciosité nouvelle et plus somptueuse.
Dans la Crucifixion de la P. N. de Ferrare (volet d'un petit diptyque dont l'autre panneau, la Madone et quatre saints, se trouve à Raleigh [North Carolina Museum]), un sentiment pathétique intense caractérise l'image décharnée et tourmentée du Christ, qu'éclairent des rehauts clairs s'opposant à l'or bruni du fond. La grande fresque fort abîmée du Paradis (Venise, Palais ducal) est la dernière œuvre du maître qui nous soit parvenue ; la composition, centrée sur le trône du Christ et de la Vierge, s'articule en profondeur dans une série concentrique d'éléments architectoniques et de personnages. La chute de la peinture, qui dut être étincelante d'ors et d'argents, nous permet cependant de mieux apprécier la sensibilité linéaire que révèle Guariento à la fin de sa carrière. Le Paradis impressionna vivement les peintres vénitiens du trecento finissant ; sans bien comprendre la spiritualité essentielle du gothique de Guariento, ils en imitèrent les motifs extérieurs, le faste et la vivacité du coloris. En 1368, Guariento dut rentrer à Padoue pour entreprendre le cycle mural (disparu) de la salle des Hommes illustres au palais des Carraresi.
Outre les œuvres citées, on attribue à Guariento les panneaux suivants : Crucifix, peint sur les 2 faces ( Cambridge, Mass., Fogg Art Museum), le Christ (South Hadley College, États-Unis), la Madone sur un trône (Londres, Courtauld Inst.), la Madone sur un trône (Berlin), la Madone (Metropolitan Museum).