Giovanni Antonio Pellegrini
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Venise 1675 – id. 1741).
Avec Ricci et Amigoni, il peut être considéré comme l'un des rénovateurs de la peinture vénitienne. Sa position est d'autant plus significative qu'il créa l'une des expressions les plus neuves du début du xviiie s. en Europe (son activité, en effet, se développa en grande partie à l'étranger), où il fut l'un des promoteurs de ce style décoratif, léger et raffiné, aux tons vaporeux et à la luminosité argentée, qui donne sa couleur à la plupart des cours, celles de Londres ou de Bavière comme celles de Paris ou de Vienne. Ses esquisses comptent parmi les plus brillantes de tout le xviiie s. européen.
Dans ses premières œuvres, une peinture claire et lumineuse s'ouvre de nouveau à la lumière solaire. Mais cela ne suffit pas, certes, à caractériser la signification même du langage de Pellegrini, toujours personnel et cohérent du début à la fin de son activité, où tout réside dans la facilité ou plutôt même dans la sensibilité avec laquelle il effrange sa touche en contours légers d'une incertitude vaporeuse : il en résulte des figures qui ni ne pèsent ni ne posent, telles de pures formes décoratives, dont l'existence éphémère est saisie dans la vibration de la touche, l'écume des couleurs, la fraîcheur très délicate des tons argentés.
Les premières œuvres connues de Pellegrini sont celles qu'il a peintes après un voyage à Rome, en 1701, pour la Scuola del Cristo à Venise : elles révèlent déjà une fluidité transparente de pastel. À partir de 1708, Pellegrini est avec Marco Ricci à Londres et peint à Kimbolton Castle une série de Triomphes romains baignés d'une lumière scintillante ; puis il exécute à Howard Castle une série de plafonds que marque encore une certaine vigueur héritée de Ricci, tandis que des personnages parés de costumes miroitants donnent à ses fresques murales une légèreté et un brio tout rococo. Le troisième grand ensemble peint à Londres est celui de Narford Hall. En 1713, Gian Antonio Pellegrini part pour Düsseldorf et, au château de Bensberg, il peint pour le prince Jean Guillaume un plafond à fresque et 14 grandes toiles célébrant le prince, qui sont aujourd'hui conservées au château de Schleissheim (esquisse de l'une de ces toiles au Louvre, qui détient en outre trois grands panneaux octogonaux provenant d'un ensemble décoratif) ; on y peut certainement voir un des plus hauts résultats obtenus par l'artiste : ici l'allégorie et la mythologie, dépouillées de leurs classiques apparats de cour, évoquent plutôt les grâces frivoles d'un menuet aux notes argentines ; les épisodes se déroulent sans tension dramatique et même sans histoire, donnant plutôt l'impression d'une fête princière. L'artiste séjourna ensuite à La Haye, où, pour la gilde des brasseurs d'Anvers, il peignit les Quatre Éléments, d'une facture souple et aérienne. En 1719, il est de nouveau en Angleterre : de ces années date la stupéfiante Déposition, auj. à Sarasota (Ringling Museum) ; la composition, complexe et dynamique, se dissout dans la fluidité continue des couleurs claires, qui, en éliminant les contours des figures, les fond dans une atmosphère évanescente et cristalline. L'année suivante, il est à Paris avec sa belle-sœur, Rosalba Carriera ; il peint à fresque le plafond de la galerie du Mississippi à la Banque royale, auj. détruit, mais fondamental pour l'histoire de la peinture française au xviiie s. En 1724, un autre chapitre important de son activité est constitué par les toiles peintes pour le prince Schönborn à Pommersfelden : Hercule et les Hespérides, par exemple, est caractérisé par une couleur fluide et une veine inventive des plus heureuses qui en fait un des chefs-d'œuvre du peintre. En 1727, à Vienne, Pellegrini peint à fresque la coupole de l'église des Salésiennes, qui marque déjà son déclin ; ici comme dans les commandes plus tardives exécutées pour Paris (où il fut reçu à l'Académie en 1733 avec le tableau sur le thème de La Peinture et le Dessin faisant l'éducation de l'Amour, Paris, Louvre) et pour le château de Mannheim (v. 1737), la forme tend à se durcir et à se préciser, la couleur s'alourdit dans une recherche d'effets de clair-obscur, comme si Pellegrini devenait incapable de réagir face à Piazzetta et à Tiepolo, qui, dès lors, s'imposaient et jouissaient de la faveur de plus en plus grande du public.