Giovan Gerolamo Savoldo
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Brescia v. 1480/1485 – Venise apr. 1548).
Bien qu'ayant vécu hors de sa ville natale, Savoldo, dont la poésie subtile, quoique réaliste, n'a rien de provincial, montre un attachement évident à ses origines, au même titre que Romanino ou Moretto, ses illustres compatriotes. Longtemps compris dans l'école vénitienne, souvent confondu avec Girolamo da Treviso, abusivement classé parmi les " giorgionesques académiques " (Repos pendant la fuite en Égypte, Dubrovnik, Pinacothèque ; le Berger à la flûte, Brescia, pinacoteca Tosio Martinengo), il doit, bien au contraire, être considéré à la lumière de ses liens profonds avec la Lombardie. Il fut probablement formé par Foppa et dut certainement réagir à la présence toute proche de Léonard de Vinci à Milan. Parmi les rares points de repère sûrs, son inscription parmi les peintres florentins en 1508 est particulièrement importante pour la compréhension des premières œuvres empreintes de " toscanismes " . Savoldo semble aussi, comme en témoignent son Prophète Élie de Washington (N. G.) et ses Tentations de saint Antoine de la Timken Art Gal. de San Diego et du musée Pouchkine de Moscou, avoir bien connu la peinture nordique. Il a probablement subi l'influence de Dürer, soit directement, soit par l'estampe, et il est également sensible au langage lombardo-vénitien de Lotto.
Mis à part un probable séjour à la cour de Francesco II Sforza dans les années 1529-1535, c'est à Venise qu'il séjourna le plus souvent, peut-être en raison de l'insécurité politique et sociale de sa patrie ; il y resta au moins entre 1520 et 1548. À aucun moment, son art ne paraît aliéné par la lagune. Sa première œuvre datée est la Vierge à l'Enfant parmi six saints (1521, Trévise, église S. Niccolò). L'artiste se détache peu à peu du monde formel et poétique qu'il exprimait avec un impressionnisme délicat digne de Foppa dans l'Archange et Tobie (Rome, Gal. Borghèse) pour adopter des modèles titianesques, par exemple dans l'Adoration des bergers de Turin (Gal. Sabauda), tout en recherchant sur un mode très personnel les effets de draperie sous une lumière claire : Madeleine (Londres, N. G. ; Florence, Pitti.). Si des affinités avec Giorgione existent dans le sentiment intime de l'homme et de la nature : Portrait, dit " Gaston de Foix " (Louvre), Jeune Paysan (Los Angeles, The Paul Getty Museum ), c'est de Lotto que Savoldo se rapproche plutôt par son tempérament imaginatif. Il est, comme celui-ci, un admirable portraitiste (Portrait de dame en sainte Marguerite, Rome, Gal. Capitoline ; Portrait de jeune guerrier, Washington, N. G. ; Portrait d'homme, Brera). Mais il s'engage très tôt sur une voie fort originale de recherches luministes, utilisant, pour ses effets argentés soigneusement étudiés, une palette sobre, aux tons froids, qui n'a plus rien de commun avec les Vénitiens. Par bien des aspects, Savoldo anticipe sur son siècle, qu'il s'agisse du grand retable, la Vierge en gloire avec des saints (Brera), par certains côtés plus proche d'un Néerlandais du siècle suivant que de Bellini, ou des œuvres de dimensions plus modestes, où il multiplie les éclairages nocturnes, les découpages inattendus, les apparitions étranges de têtes paysannes : ses multiples Adorations des bergers (1523, Hampton Court ; Washington, N. G. ; Brescia, Pin. Tosio Martinengo) trouveront un prolongement direct chez Caravage et ses disciples du Nord. Une exposition lui a été consacrée en 1990 (Brescia, Francfort).