Maurice Estève

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre français (Culan, Cher, 1904-id. 2001).

Venu à Paris v. 1919, il fréquente les académies libres de Montparnasse et travaille comme typographe. En 1923, il fait un séjour d'un an en Espagne, où il dirige à Barcelone un atelier de dessin dans une fabrique de tissus. De retour à Paris, il travaille de nouveau à l'Académie Colarossi jusqu'en 1927 et commence à exposer aux Salons d'automne, des Tuileries et des surindépendants. En 1937, sous la direction de Robert Delaunay, il participe à l'exécution des grandes décorations des pavillons de l'Aviation et des Chemins de fer à l'Exposition internationale de Paris. Sous l'Occupation, il figure en 1941 à l'exposition des Jeunes Peintres de tradition française à la gal. Braun, en compagnie de Bazaine, Gischia, Lapicque, Manessier, Pignon.

Tenant compte à la fois des constantes de l'école française et des dépassements déjà opérés par Cézanne, Gauguin, Bonnard et les cubistes, il tente diverses synthèses, corrigées chaque fois par sa sensibilité. Après avoir peint en 1929 un Embarquement pour Cythère réduit à des éléments géométriques purs, il réalise diverses compositions figuratives, plus ou moins stylisées, apportant chacune une proposition formelle et spatiale particulière (la Toilette verte, 1934 ; le Canapé bleu, 1935 ; la Cantate de J.-S. Bach, 1938), avant de retenir une solution chromatique à la mise en ordre de ses sensations optiques avec la Jeune Fille à la cafetière de 1941 et surtout la Jeune Fille au pichet de 1942, où il s'est attaché à donner une dimension picturale aux espaces multiples qui séparent les objets familiers. Aussitôt après, il dégage de l'observation du réel des réseaux de lignes structurales (l'Arbre ébranché, 1944) qui, associés à la couleur plus intense, constituent la base du système constructif qu'il allait mettre au point les années suivantes dans des toiles de moins en moins figuratives (l'Homme de barre, 1947). Se succèdent ensuite, simultanément, des transpositions purement géométriques en tons plats (Nature morte fond jaune ou le Ring, 1952) et d'autres où la vibration de la touche tempère d'une lumière naturelle la rigueur de la construction mentale (Trophée, 1952 ; Hommage à Jean Fouquet, 1952). À partir de telles œuvres, Estève avait enfin fixé sa démarche créatrice et réuni les éléments fondamentaux de son style qui se développera désormais sans rupture notable et que P. Francastel a remarquablement analysé dans un ouvrage qu'il lui consacra en 1956. Son œuvre compte, à côté de ses toiles, de nombreux dessins et aquarelles et, à partir de 1965, des collages. En 1985, la ville de Bourges installa dans son hôtel des Échevins, devenu musée Estève, la donation faite par le peintre. Une exposition rétrospective de son œuvre fut présentée, à Paris, au Grand Palais en 1986.