Corrado Giaquinto

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre italien (Molfetta 1703  – Naples 1765).

Interprète très personnel des différents courants qui se mêlent à Rome, à Naples et à Turin pendant la première moitié du xviiie s., Giaquinto est l'une des brillantes personnalités du Rococo européen.

À Rome, où l'artiste s'installe en 1723 après avoir fréquenté à Naples l'école de Nicola Maria Rossi et de Solimena, il est en relation avec Conca, qui travaillait à l'époque dans le milieu de l'académisme dérivé de Maratta. Ce contact dut être bref, puisque, dans l'ensemble des fresques de S. Nicola dei Lorenesi (1731-1733) et dans celles, postérieures, de S. Lorenzo in Damaso, Giaquinto tend vers des solutions picturales franchement rococo, confirmées sans doute par son séjour à Turin en 1733. Les fresques exécutées en Piémont dans la Villa della Regina (Apollon et Daphné, Mort d'Adonis) et les Scènes de la vie d'Énée pour le château de Moncalieri (toiles auj. au Quirinale de Rome) s'accordent parfaitement avec l'élégance scénographique des architectures de Juvarra et sont caractérisées par un goût luministe fort recherché et de larges effets chromatiques.

Le milieu artistique romain, où l'artiste travailla par la suite, avait évolué, sous l'influence du rationalisme d'origine française, vers une peinture " engagée ", de critique sociale et morale. Giaquinto joua un rôle de premier plan, souvent sur un ton ouvertement polémique à l'égard de Benefial, le représentant le plus écouté de ces tendances. Pourtant, les œuvres de cette période, comme le Transport des reliques de saint Eutichete et de saint Acuzio (1740-1745), peint à Rome pour la cathédrale de Naples, ou les toiles pour S. Giovanni Calibita (Martyre de sainte Marthe ; Trinité ; Saints Hippolyte, Taurin, Herculan, 1741-42) montrent une plus grande sévérité du style, monumental et solennel, et qui se rattache à la grande tradition décorative romaine, celle de Pietro da Cortona et de Baciccia.

Après un 2e séjour à Turin — où les toiles (Repos pendant la fuite en Égypte ; Mort de saint Joseph) de l'église S. Teresa (1740-1742) révèlent un retour de l'artiste aux conventions de Maratta —, une reprise de la magnificence baroque est sensible dans les peintures de S. Croce in Gerusalemme à Rome (voûte : Gloire de Constantin ; esquisse au musée de Chalon-sur-Saône ; fresques avec le Frappement du rocher et le Serpent d'airain). On y retrouve, à la suite d'un voyage à Naples, le chromatisme solaire de Giordano et les solutions architecturales de Solimena au plafond de la sacristie de S. Domenico Maggiore.

Enfin, l'activité du peintre en Espagne, où il séjourna de 1753 à 1762 (il succédait à Amigoni comme peintre du roi et directeur de l'Académie) en travaillant au palais royal (coupole et autres fresques dans la chapelle ; fresques allégoriques du grand escalier ; fresques des galeries ; Triomphe du Soleil ), à l'Escorial (Scènes de la Passion ; Saints ; Allégories, Scènes mythologiques à la Casina del Principe) et à Aranjuez (Allégories ; Scènes de l'histoire de Joseph ; Madone et saints), résume ses différentes expériences italiennes, et elle accueille les solutions de la maturité de Giordano ; ainsi, et sous plusieurs aspects, elle offre des suggestions et prépare la voie au jeune Goya. Un des aspects les plus séduisants de l'art de Giaquinto est constitué par ses esquisses peintes, simples " bozzetti " rapidement enlevés ou " modelli " plus achevés. La pin. de Montefortino et le Prado en conservent d'importants ensembles, et l'on en voit de brillants exemples aux musées d'Ajaccio, de Rennes, de Londres (N. G.), de Minneapolis, de Naples (Capodimonte), de Valladolid, aux Offices, et dans des coll. part. à Molfetta et à Rome.