Charles Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre et architecte français d'origine suisse (La Chaux-de-Fonds, 1887 – Roquebrune-Cap-Martin, France, 1965).
Après avoir suivi un cours de gravure ornementale de montres à l'école d'art de La Chaux-de-Fonds (1901-1905), il séjourne successivement à Florence, Budapest, Vienne et travaille quelque temps à Paris chez l'architecte Auguste Perret. Puis, de 1910 à 1917, il voyage en Allemagne, Hongrie, Roumanie, Turquie et Grèce, d'où il rapporte de nombreuses aquarelles, exposées dès 1916 à Paris et à Zurich. Ayant déjà accompli en Suisse une œuvre d'architecte importante, il s'installe en 1917 à Paris et, l'année suivante, Auguste Perret lui fait connaître Amédée Ozenfant. C'est avec ce dernier que Jeanneret expose ses premières toiles à la gal. Gabriel Thomas (Paris) et publie le manifeste du Purisme, intitulé Après le Cubisme, auquel tous deux reprochent d'être décoratif et de n'avoir pas su se montrer en accord avec l'" esprit moderne ", c'est-à-dire la civilisation industrielle, caractérisée selon eux par l'utilisation des machines et le progrès de la science. Charles Édouard Jeanneret va chercher dans l'art des " invariants " qui seraient ce que sont les lois dans les sciences. Ses tableaux s'inspirent des méthodes de construction ainsi que de la finalité et de l'esthétique des machines industrielles. Ils établissent une " grammaire générale de la sensibilité " : les formes et les couleurs y sont simplifiées, les structures fondées sur l'angle droit et les " tracés régulateurs ". Le sujet reste présent sinon primordial : il traitera surtout de natures mortes réunissant des objets usuels, assiettes, verres, carafes, pipes, bouteilles, qui sont fonctionnels et produits en série de façon économique. Ainsi, leurs formes, simples et standardisées, peuvent s'assembler facilement tout en restant lisibles. Ces objets sont représentés selon des méthodes empruntées au dessin industriel, en utilisant le plan, l'élévation, la perspective cavalière avec les ombres projetées suivant les règles de la perspective. " On peut créer le tableau comme une machine. Le tableau est un dispositif à émouvoir. " (le Bol blanc, 1919, Paris, fondation Le Corbusier ; Nature morte aux nombreux objets, 1923, Paris, M. N. A. M.) Cette théorie a été développée et précisée par la pratique picturale au fur et à mesure, ainsi que par écrit dans une suite d'articles parus dans la revue l'Esprit nouveau, fondée par le poète Paul Dermée, Ozenfant et Jeanneret en 1920 : textes repris dans le livre la Peinture moderne (Paris, 1925), qu'ils publient ensemble et qui connaîtra un grand retentissement dans les milieux artistiques internationaux. Les activités d'architecte et d'urbaniste, mais aussi d'écrivain et de théoricien vont prendre le pas sur son travail de peintre et, vers 1926, Jeanneret abandonne peu à peu l'esthétique du Purisme en réintroduisant progressivement à la fois la figuration et une facture plus libre, tandis qu'il signe ses toiles " Le Corbusier " (à partir de 1928). Il tente un moment une curieuse synthèse entre le Surréalisme et le Postcubisme, et ses formes vont s'affirmer de plus en plus monumentales après 1937. Réfugié à Ozon (Pyrénées) durant la guerre, Le Corbusier se consacre presque exclusivement à la peinture, puis, durant de nombreux voyages (1947-1953), écrit, dessine et calligraphie (le Poème de l'angle droit, éd. Tériade, Paris, 1955). Il exécute de nombreuses peintures murales en rapport avec ses activités d'architecte (pavillon suisse de la cité universitaire, Paris, 1948-49). En 1952, il inaugure une longue série de " taureaux " où les figures de lignes noires ne coïncident plus avec les plans colorés (Taureau 6, 1954, Paris, M. N. A. M.) ainsi que de nombreux cartons de tapisserie qui ont été exécutés par les manufactures d'Aubusson et des Gobelins. La fondation Le Corbusier, à Paris, conserve des œuvres de l'artiste, dont l'intérêt a été bien souvent éclipsé par la notoriété de ses réalisations architecturales. En 1987, pour célébrer le centenaire de sa naissance, des manifestations et des rétrospectives ont été organisées dans le monde entier.