Andrea Pozzo, dit le Père Pozzo
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Trente 1642 – Vienne 1709).
Dans son extrême jeunesse, il copia les œuvres vénitiennes des églises de Trente : il fut un autodidacte réceptif à toutes les influences. Ses modèles fondamentaux furent alors les grands Vénitiens, surtout Véronèse. Entré dans l'ordre des Jésuites en 1665, il fut en contact avec l'œuvre de Rubens, qui l'influença lors de son noviciat à Gênes. Puis il passa neuf ans à Milan, travaillant surtout pour l'église S. Fedele. Il se perfectionna dans la voie de la grande décoration au cours de voyages à Venise, Parme et Bologne. À Parme, auprès de Mitelli et de Colonna, à Bologne, autour des Bibbiena, il apprit l'art de la quadrature. Le premier témoignage documenté connu est la décoration de l'église Saint-François-Xavier à Mondovi (1676-77) : tout y est vénitien — les motifs serliens des architectures feintes, la composition de l'abside inspirée de Véronèse, le goût de la couleur — mais c'est une œuvre baroque par l'aspect mouvementé des architectures. Pour la première fois, on voit apparaître le motif de la coupole feinte, systématique dans ses décorations d'église, que l'on retrouvera à Saint-Ignace de Rome, à Modène, à Arezzo et à Montepulciano. Pozzo emploiera ce langage qui lui est propre dans toutes ses décorations, tandis que, dans ses tableaux de chevalet, il changera sans cesse de style selon les influences. L'influence bolonaise domine dans ses tableaux peints à Turin de 1677 à 1679 : le Christ en croix et le Massacre des Innocents, peints pour la chapelle de la Congrégation des marchands. En 1679-80, Pozzo donne les grandes lignes de la décoration de S. Bartolommeo à Modène, qui fut exécutée par un collaborateur médiocre, frère Barberis. En 1681, il est appelé à Rome, où il restera jusqu'en 1702. Il commence par décorer une galerie de la maison professe de Saint-Ignace, pur exercice de spécialiste de la quadrature. Sa virtuosité établira sa renommée, mais fera méconnaître la réelle valeur picturale de certaines de ses œuvres. On la retrouve dans les autels peints en trompe-l'œil de l'église de Frascati et dans la colonnade feinte du réfectoire du couvent du Sacré-Cœur à la Trinité-des-Monts (1694). Mais c'est dans le chef-d'œuvre de cet artiste, la décoration de Saint-Ignace (1685-1694), que cette virtuosité révèle une véritable sensibilité picturale : après avoir peint à l'abside Saint Ignace protecteur des affligés et à la tribune le Siège de Pampelune, Pozzo ouvre dans la nef un espace infini où se déploient le Triomphe de saint Ignace et la Mission des Jésuites (esquisse à Rome, Galleria Nazionale), lisibles à partir d'un seul endroit précis de la nef. C'est le terme mis par un peintre étranger à la tradition décorative romaine, l'aboutissement des recherches illusionnistes de Pietro da Cortona et de Gaulli, où l'espace feint se confond avec l'espace réel. À Rome, où commençait à triompher le Classicisme de Maratta, cette œuvre fut partiellement incomprise. Dans ses dernières œuvres à Rome de 1695 à 1702, il décore la chapelle Saint-Louis de Gonzague à Saint-Ignace (1692), crée l'autel de Saint-Ignace au Gesù (1695-1699), son œuvre architecturale la plus importante ; il subit alors l'influence de Maratta, visible dans les 3 tableaux envoyés à Turin pour la chapelle de la Congrégation des marchands.
Appelé à Vienne par la maison impériale, il s'arrêta en chemin en Toscane — où il donna de 1702 à 1703 les directives pour la décoration des églises d'Arezzo, de Montepulciano et du palais Contucci de cette ville — et à Trente. Il arriva à Vienne à la fin de 1703 pour y rester jusqu'à sa mort. Il y accomplit une œuvre considérable : les décorations de la Favorite et du théâtre impérial, disparues, et celle de l'Universitätkirche, défigurée au xixe s. Il n'en reste plus que 2 témoignages : l'Apothéose d'Hercule au plafond du salon de la villa du prince de Liechtenstein (1704-1708) et sa dernière œuvre, l'Assomption de la Vierge (1709), à l'Universitätkirche. Avec ces deux œuvres, il termine sa carrière dans le style de la grande tradition vénitienne, issue de Titien et de Véronèse et qui se continuera avec G. B. Tiepolo. On saisit la personnalité du virtuose de la perspective et de la couleur dans son Autoportrait (Offices), où il s'est représenté montrant la coupole de Saint-Ignace. Nourri d'art vénitien, libéré de la tradition du cinquecento par l'influence rubénienne, initié par les Bolonais à la quadrature, Pozzo n'aurait pu s'épanouir sans Rome, qui le stimula et où il a clos la tradition baroque. L'aspect systématique de ses recherches plut aux pays germaniques, où il fut le principal propagateur de la peinture baroque.