la Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne
Peinture de Léonard de Vinci (1510). Louvre, Paris.
Inscrite dans un losange, la composition de ce tableau est typique d'un langage classique qui, au même moment, inspire Raphaël. Certes, le sujet n'est pas original, mais l'artiste innove dans la manière de le traiter, cherchant à mettre en lumière une filiation théologique. C'est ainsi que la mère de Jésus apparaît sur les genoux de sa propre mère, sainte Anne. Le signe permettant d'identifier le Messie est l'agneau pascal destiné au sacrifice. L'artiste a réussi à marquer la différence d'âge entre les deux femmes tout en conservant au visage de sainte Anne une indéniable fraîcheur : le subtil et mystérieux sourire, propre à plusieurs visages dus à Léonard, dont celui de la Joconde, est ici à l'œuvre. Le vaste paysage montagneux, témoin de l'intérêt porté par l'artiste aux formations géologiques complexes, tout en s'inspirant de la réalité – les Dolomites –, nous introduit dans un univers non moins mystérieux. L'imagination de l'artiste transfigure en effet ces lointains brumeux, ces montagnes, où l'œil se perd en quelque labyrinthe énigmatique, paysage que l'on retrouve non seulement dans le portrait de Mona Lisa, mais encore dans la précoce Madone à l'œillet. Ce tableau a servi de point de départ à la célèbre analyse de Freud (Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, 1910), qui a cru discerner la forme d'un vautour dans le contour de la draperie bleue portée par la Vierge, forme que Léonard aurait dessinée inconsciemment, en écho à un événement de ses premières années : il aurait été attaqué dans son berceau par un vautour.